Déclaration d'indépendance du Bas-Canada
Source : « Proclamation de Robert Nelson », dans L'Ami du peuple, 20 février 1839, tel que reproduit dans George Aubin, Robert Nelson. Déclaration d'indépendance et autres écrits, Montréal, Comeau & Nadeau, 1998, 90 p. (ISBN 2-922494-00-4)
Attendu que la convention solennelle faite avec le peuple du Bas-Canada, enregistrée dans le livre des statuts du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, comme le 31e chapitre de l'acte passé dans la 31e année du règne du Roi George III, a été continuellement violée par le gouvernement britannique, et que nos droits ont été usurpés;
Et attendu que nos humbles pétitions, adresses, protestations et remontrances contre cette injurieuse et inconstitutionnelle interférence ont été faites en vain. Que le gouvernement britannique a disposé de nos revenus, sans le consentement constitutionnel de la législature locale, qu'il a pillé notre trésor public, arrêté un grand nombre de nos concitoyens, et qu'il les a plongés dans des prisons; qu'il a distribué une armée mercenaire sur tout le pays, dont la présence a été accompagnée par la consternation et par l'alarme, dont les pas sont rougis du sang de notre peuple, qui a réduit nos villages en cendres, profané nos temples, et répandu la terreur à travers une grande étendue du pays;
Et attendu que nous ne pouvons souffrir plus longtemps les violations de nos droits les plus chers, ni supporter patiemment les outrages multiples et les cruautés du gouvernement du Bas-Canada;
Nous, au nom du peuple du Bas-Canada, reconnaissant les décrets de la Divine Providence, qui nous permet de renverser un gouvernement qui abuse de l'objet et de l'intention pour lesquels il fut créé, et pour faire choix de cette forme de gouvernement qui rétablira l'empire de la justice, assurera la tranquillité domestique, pourvoira à la défense commune, promouvra le bien général et assurera, à nous et à notre postérité, l'avantage de la liberté civile et religieuse,
DÉCLARONS SOLENNELLEMENT :
- Qu'à compter de ce jour et à l'avenir, le Peuple du Canada est absous de toute allégeance avec la Grande-Bretagne, et que la connexion politique entre cette puissance et le Bas-Canada est maintenant dissoute.
- Qu'une forme de gouvernement républicain est la plus convenable au Bas-Canada qui est, à compter de ce jour, déclaré être une République.
- Que sous le gouvernement libre du Bas-Canada, toute personne jouira des mêmes droits, les Indiens ne seront pas plus longtemps sous aucune disqualification civile, mais ils jouiront des mêmes droits que les autres citoyens, dans le Bas-Canada.
- Que toute union entre l'Église et l'État est à présent déclarée dissoute, et que chaque personne aura la liberté d'exercer telle religion ou croyance qui lui sera dictée par sa conscience.
- Que la tenure féodale ou seigneuriale, pour les terres, est abolie par ces présentes, aussi complètement que si une semblable tenure n'eût jamais existé en Canada.
- Que toute et chaque personne qui portera les armes ou fournira assistance au peuple du Canada, dans cette contestation pour l'émancipation, sera et est déchargée de toutes dettes et obligations, réelles ou supposées, pour arrérages en vertu des droits seigneuriaux existant précédemment.
- Que le douaire coutumier est aboli et prohibé à l'avenir.
- Que l'emprisonnement pour dettes n'existera pas plus longtemps, excepté en cas de fraude, comme il sera spécifié dans un acte qui sera passé plus tard à cet effet par la législature du Bas-Canada.
- Que la sentence de mort ne sera pas plus longtemps prononcée ni exécutée, excepté en cas de meurtre.
- Que tous les mortgages ou biens immeubles seront spéciaux et, pour être valides, seront enregistrés dans des bureaux qui seront érigés à cette fin, par un acte de la législature du Bas-Canada.
- Que la liberté et l'immunité de la presse existeront dans toutes les matières et affaires publiques.
- Que le jugement par jury est garanti au peuple du Bas-Canada, dans sa plus grande étendue, et dans son sens le plus libéral, dans toutes poursuites criminelles, ainsi que dans toute réclamation civile, au-dessus d'une somme qui sera fixée par la législature de l'État du Bas-Canada.
- Que comme l'éducation générale et publique est nécessaire et due par le gouvernement du peuple, un acte pour y pourvoir sera passé aussitôt que les circonstances du pays le permettront.
- Que pour assurer la franchise élective, toutes les élections seront faites par ballot.
- Que dans le délai le plus court possible, le peuple choisira des délégués, conformément à la division actuelle du pays, en comtés, villes et bourgs, qui constitueront une convention ou un corps législatif, pour établir une constitution conformément aux besoins du pays, et en conformité avec les dispositions de cette déclaration, sujette à être modifiée selon la volonté du peuple.
- Que chaque personne mâle, de l'âge de 21 ans et au-dessus, aura droit de voter, comme il est ici disposé, pour l'élection des déléguées ci-dessus énoncés.
- Que toutes les terres de la Couronne, ainsi que celles appelés Réserves du Clergé, et celles qui sont nominalement en possession d'une certaine compagnie de possesseurs de terres en Angleterre, appelée la Compagnie des terres de l'Amérique Septentrionale Britannique, sont de droit la propriété de l'État du Bas-Canada, excepté les portions des terres ci-dessus désignées qui peuvent être dans la possession de personnes qui les possèdent de bonne foi, et auxquelles des titres seront assurés et garantis en vertu d'une loi, qui sera passée pour en légaliser la possession, et offrira un titre pour les lots de terres sans titres, dans les townships, comme étant en culture et en amélioration.
- Que les langues française et anglaise seront en usage dans toutes les affaires publiques.
Pour l'accomplissement de cette déclaration, ainsi que pour le soutien de la cause patriotique dans laquelle nous sommes maintenant engagés, avec une ferme confiance sur la protection du Tout-Puissant, et dans la justice de notre conduite, nous, par ces présentes, engageons solennellement les uns et les autres nos existences, nos fortunes et notre honneur le plus sacré.
Par ordre du gouvernement provisoire,
Robert Nelson, président
[28 février, 1838]
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