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Les Quebecers sont des Québécois (1)

Le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, a prononcé dimanche 23 mars une allocution devant un groupe d'anglophones réunis à Montréal dans un colloque politique, allocution largement diffusée par la radio et la télévision. Nous publions aujourd'hui de large extraits de ce discours dont la traduction française a été établie par le bureau du premier ministre.


NOUS vivons tous ensemble ici dans cet environnement humain complexe du Québec et nous continuerons de le faire après le référendum, le lendemain matin et longtemps après. Il ne peut y avoir pour quiconque d'entre nous des surprises à nous couper le souffle et aucun Deus ex machina est concevable qui transformerait abruptement le cours de la vie au Québec. C'est une vie que nous contribuons tous à bâtir et parce que nous avons tous une connaissance familière des ressources disponibles, nous savons que si nous sommes laissés à nos propres moyens nous ne créerons ni un paradis mythique, ni un enfer cauchemardesque.

En vous parlant aujourd'hui en anglais, comme Québécois anglophones, ou si vous préférez comme Québécois dont la langue d'appartenance est l'anglais (...) je pense qu'il vaut la peine d'inclure tous les Québécois dont la langue d'appartenance est l'anglais dans les remarques que je veux faire.

J'aimerais essayer d'aller au fond de cette question un peu usée: qui, à nos yeux, a supposément le droit de s'appeler Québécois? Cette incertitude très artificielle mais aussi très persistante se trouve même au fond de certaines inquiétudes exprimées en divers quartiers selon lesquelles au moment où les résultats du référendum seront connus nous mettrions en doute la validité du vote anglophone. C'est une sorte de variante maximum de la notion qui a été promue depuis plus de trois ans, particulièrement dans les milieux d'opposition, selon laquelle, pour nous, pour être Québécois on doit être Canadien français et même également catholique, pratiquant ou pas.

Alors venons-en aux prises, si possible, une fois pour toutes, avec cette question de savoir qui est un Québécois ou un Quebecer.

"Québécois" ("Quebecer" dans le texte original) est un nom qui, pour nous, unit tous ceux qui sont nés au Québec ou y vivent et il relie leurs diversités linguistiques, ethniques, culturelles, religieuses, géographiques et autres. C'est la marque d'appartenance à un peuple et à une terre et l'usage du mot Quebecer ou "Québécois", deux mots équivalents, n'est d'aucune façon la propriété exclusive d'un seul groupe, encore moins d'un seul parti.

Pour ceux des Québécois qui sont tentés de croire que ce nom particulièrement en français, tend à les exclure, il peut être utile de rappeler comment il est apparu en français au départ et comment il est entré dans l'usage. Au début, sous le régime français, il y a très longtemps, quand une colonie a été crée à Québec, ceux qui vivaient ici, ayant pris le nom aux Indiens, s'appelaient les "Canadiens" et, après la conquête britannique, le nom de Canadiens a continué pendant assez longtemps à désigner seulement ceux qui parlaient français. Les autres, à partir de 1760 et assez longtemps par la suite, étaient simplement "les Anglais". A l'époque de la Confédération et par la suite, l'expression "Canadien français" est apparue et puis, au cours de la dernière génération, parce qu'ils s'interrogeaient comme groupe ethnique protégeant leurs traditions de façon défensive, et commençaient d'émerger comme un peuple à part entière avec une terre où s'épanouir, les Canadiens français ont commencé à s'appeler "Québécois". L'amour des Québécois pour leur terre et son peuple explique largement les transformations des vingt dernières années. La plupart des transformations dans le sens de l'auto-développement, d'une confiance en soi et d'une affirmation de soi toujours croissants.

De leur côté, nos compatriotes anglophones ont été plus lents à abandonner leurs canadianisme à trait d'union et à embrasser - ceux qui le font - le nom de Québécois ("Quebecer" dans le texte). Au début, et même maintenant dans certains milieux, ils s'y refusaient d'autant plus que le mot "Québécois" est une force motrice dans notre mouvement nationaliste. Mais maintenant, le mot Québécois ("Quebecer" dans le texte) est reconnu, que le mot soit utilisé en anglais ou en français. Les Quebecers, en anglais, peuvent faire des choses plus ou moins intelligentes ou acceptables; les Québécois, en français, peuvent agir de manière brillante ou stupide, mais dans aucun cas leurs titres à leur identité québécoise ne peuvent de quelque façon être mis en doute. J'espère que c'est clair!

Examinons maintenant cette inquiétude la plus récente, suivant laquelle le vote anglophone, dont on prévoit plus ou moins qu'il ira en bloc vers le NON, ne serait pas tenu pour légitime. (...)

Je citerai une déclaration dont la presse n'a pour ainsi dire pas fait état. C'est la déclaration que j'ai faite en anglais en ouvrant le débat à l'Assemblée nationale le 4 mars. En voici la teneur :

"Je sais qu'il s'agit de quelque chose qui est plus difficile à accepter par les Québécois anglophones. Je parlais du besoin de solidarité. Cette mesure de solidarité qu'exige normalement un événement comme un référendum ou un plébiscite sur l'avenir national. Et je sais, de façon très réaliste je crois, que beaucoup et peut-être la plupart de nos compatriotes anglophones jugeront impossible de répondre à l'appel que je viens de faire, parce qu'ils sentent - et tant de choses dans le passé et aussi tant de choses dans le présent l'expliquant - ils sentent une appartenance inébranlable davantage à la majorité canadienne-anglaise qu'à cette majorité québécoise qui se trouve à être une majorité française. Non seulement c'est compréhensible, mais c'est quelque chose que nous devons et que nous allons respecter. Mais puis-je ajouter que nous allons aussi respecter, au moins autant, le courage exceptionnel et ce qui est pour nous la lucidité de ceux pour qui le référendum au contraire, et sans rompre aucun lien, représente une occasion d'exprimer de façon positive la priorité de leur attachement au Québec, ainsi que l'occasion d'un rapport meilleur et éventuellement plus fructueux entre nous tous, tant à l'intérieur du Québec qu'entre le Québec et le Canada."

Comme je le disais, la presse a à peine fait état de cette déclaration et les rumeurs qui faisaient rage auparavant, selon lesquelles notre gouvernement et notre parti ne tiennent pas compte des votes anglophones, ces rumeurs ont continué de circuler de plus belle.

C'est pourquoi je voudrais vous parler franchement et très simplement (...) à toute la population anglophone du Québec, en toute candeur.

Car, quelle que soit l'issue du référendum, au soir de ce jour-là et le lendemain, nous tous, quelles que soient nos attaches diverses du point de vue de la langue, de la religion, de la culture ou des origines ethniques, nous devons et nous allons continuer de vivre ensemble. En fait, les résultats du référendum changeront peu de choses du jour au lendemain, dans la vie quotidienne de la plupart des Québécois, mais nous devons tous nous préoccuper des effets qu'ils pourraient avoir sur la qualité de nos relations dans nos vies quotidiennes, ce qui veut dire que nous devons éviter aujourd'hui et jusqu'au référedum, autant qu'il est humainement possible, les mots ou les gestes qui pourraient laisser par la suite des cicatrices psychiques permanentes (...).

Je n'approuve aucune expression d'étroitesse d'esprit de notre côté, mais l'autre côté aussi se rend gravement coupable. Particulièrement les médias qui ont eu tendance à sauter systématiquement sur chaque petit morceau qui encourage la division. Et l'opposition répand par insinuation non seulement la peur de notre gouvernement et de son parti mais aussi la méfiance et parfois même l'antipathie à l'égard des Québécois francophones en général. Je suis persuadé que ces peurs et ces déformations peuvent être calmées et que les malentendus peuvent en général être levés. Dès qu'on nomme le fantôme, il arrive souvent qu'il se révèle n'être qu'un épouvantail à moineaux et c'est pourquoi, brièvement, je voudrais soumettre les points suivants :

Sur cette question de ce qui constitue, à toutes fins utiles, un bloc de NON au référendum chez les Québécois anglophones: eh bien, à l'Assemblée, comme je viens de le dire, j'ai clairement affirmé notre respect pour la solidarité en sens inverse qui se manifeste chez les Québécois anglophones, mais j'espère au moins que vous comprendrez que, si nous la respectons, personne ne peut s'attendre à ce que nous y applaudissions. Vous savez cette campagne n'est pas un jeu d'une société oratoire. Nous espérons la gagner, nous voulons la gagner et, de plus en plus, nous nous attendons à la gagner! Et vous devez admettre que ce serait difficile dans une lutte si serrée de dire que c'est très bien, très acceptable de voter NON sans, en un certain sens, encourager d'autres gens que nous voulons atteindre à voter NON aussi. Alors, les Québécois anglophones qui ont l'intention de voter NON - tout comme les Québécois francophones qui aussi pour un certain nombre voteront NON - ne doivent pas s'attendre à ce que nous les félicitions à chaque occasion que nous aurons d'ici au référendum.

Je le répète, nous respectons vraiment la tendance prédominante chez les Québécois anglophones à lier leur sort au Canada anglais plutôt qu'à la majorité francophone du Québec, mais pour certains cela ne suffit pas. Ils voudraient même que nous ne fassions jamais allusion au fait de ce bloc de votes au Québec anglophone, même si tous les sondages en font état, de même que chaque commentateur ici et ailleurs. Ils voudraient que nous agissions comme si ce bloc n'existait pas, que nous fermions nos yeux et nos esprits à l'existence de ce fait, comme si l'abîme de l'anonymat était la seule voie adéquate pour l'analyse de notre électorat et comme si tout le pays ou toute société démocratique ne divisait pas les résultats de tout vote ou référendum selon les tendances électorales de certains groupes.

La vérité c'est que l'option du OUI, en langage sportif part avec un handicap de quelque 16% de votes pour le NON qu'elle a peu de chances d'entamer. Nous ne pouvons l'ignorer, mais on ne peut non plus s'attendre à ce que nous en soyions ravis. D'autre part, tout le monde s'y attend. Il est peu probable que le soir du référendum, il y aura une grande explosion de surprise ou de déception ou même d'amertume à ce sujet. Quel intérêt y a-t-il à être furieux contre la température?

Notre gouvernement et notre parti, aujourd'hui comme depuis les débuts, suivront fidèlement les règles du processus démocratique. Vous savez dans le passé quand nous avons dû encaisser nos coups durs - et nous en avons connus - nous les avons encaissés. (...)

De plus, outre ce respect profondément ancré pour les règles démocratiques, c'est une question très réellement vitale pour nous, si jamais l'impensable se produisait et que nous étions défaits au référendum - et cela devient impensable quand on sait ce qui se passe en ce moment partout au Québec - mais cela pourrait arriver. Et nous savons très bien que c'est encore par ce même processus démocratique qu'éventuellement nous aurions encore une fois accès au gouvernement à une autre étape, avec encore une occasion de progresser vers notre espoir. C'est cette conscience qui nous interdit toute déviation vers un comportement politique irrationnel. Nous ne dirigerons pas ni même n'admettrons quelque explosion qui puisse suivre le référendum, sauf naturellement les explosions de joie. Au vrai, puisque nous continuerons à ce moment d'être le gouvernement, nous arrêterons toute explosion fâcheuse et la punirons, quelque qu'en soit la source.

Il y a une autre crainte qui circule dans le climat référendaire, une crainte soigneusement nourrie dans certains milieux, parfois pour des motifs partisans, parfois pour des raisons plus sombres et même pour promouvoir la haine, qu'il est difficile de confronter publiquement parce que cela se passe presque toujours au niveau des conversations de taverne, mais nous savons par de multiples sources que cela existe et doit être contrecarré.

Vous savez, en 1976, avant les élections qui nous ont portés au pouvoir, des politiciens de bas étage couraient de gauche à droite en tentant de convaincre les gens ordinaires que si le Parti québécois remportait la victoire, leur argent -entendu dire cela - leurs maisons leur seraient enlevées.

Aujourd'hui, un des thèmes équivalents c'est quelque chose qui s'appelle en termes scientifiques "l'ethnocentrisme". Selon le dictionnaire American Heritage, ce mot "ethnocentrisme" veut dire "croyance en la supériorité de son propre groupe ethnique ou préoccupation prépondérante pour la race". En d'autres mots, l'ethnocentrisme serait le racisme et le mot peut servir de traduction de salon pour la calomnie précédente de nazisme qu'on a souvent tenté de faire coller sur nous mais sans succès, tant la tentative était hideuse.

A cet égard, il peut être utile de rappeler en quoi consiste tout ce réaménagement des rapports Québec-Canada et, notamment, quelle est notre proposition dans le référendum. Il s'agit d'abord et avant tout d'une quête de l'égalité de deux peuples, c'est-à-dire le Québec à cause de sa majorité francophone et le Canada à cause de sa majorité anglophone, et il s'agit aussi d'un nouvel arrangement qui remplacerait le fédéralisme qui est en ce moment un rapport majorité-minorité, malade et vétuste entre deux peuples dont le monde civilisé, partout, tout autour de nous, indique qu'ils devraient être considérés comme égaux.

S'il n'y avait pas de majorité française au Québec, il n'y aurait aucun problème du genre. C'est le refus séculaire du Québec français de se laisser assimiler qui nous a amenés où nous sommes. Ni le Parti québécois, ni le gouvernement qui en est issu, n'ont créé le problème; nous croyons cependant qu'enfin nous proposons une façon de le résoudre. Maintenant, si vous voulez pour un instant, considérez le débat Québec-Canada comme un affrontement entre deux équipes. Il est bien naturel, à cause de la manière dont cela se présente, entre deux peuples, chacun avec sa langue majoritaire, il est bien naturel que chacun dira des choses un peu déplaisantes au sujet de l'autre dans le feu de la partie, mais cela ne veut pas dire que les membres individuels de chaque équipe ne peuvent pas avoir des relations amicales avec des membres de l'autre équipe. On dirait que certains réagissent à toute allusion peu aimable, ou même simplement critique, au Canada anglais et à sa domination sur le système fédéral comme s'il s'agissait d'injures personnelles aux Québécois anglophones. Cela est au minimum un problème de susceptibilité excessive, ou, si on veut être plus brutal, un problème de paranoïa. Je crois que vous conviendrez qu'il serait un peu idiot si on finissait par considérer que le simple usage des mots "Anglais" ou "Français" était en soi une sorte d'appel à la guerre inter-ethnique. (...)

Souvent, comme je l'ai dit, vos "porte-parole" ont réclamé que nous reconnaissions la légitimité de votre vote, et nous la reconnaissons. J'aimerais vous demander également de reconnaître la légitimité du OUI et, à mon avis, notre légitimité à vos yeux est un problème au moins aussi grand que la vôtre à nos yeux.

Dans certains secteurs de notre communauté anglo-québécoise, sauf erreur, la perspective d'un Québec souverain inspire une claustrophobie de dimensions cauchemardesques à la pensée de se trouver seuls - relativement seuls - dans une société dont la majorité serait française. La méfiance à l'égard du Québec français et de ses institutions est endémique en certains quartiers où le seul bon Canadien français est celui qui ne bougera jamais où du moins si gentiment que le cours des choses n'en sera pas changé.

Et cette claustrophobie provoquée par l'idée de vivre seuls avec les francophones comporte autant de risques de se manifester de manière pathologique par un comportement individuel irrationnel qu'il y a de risques de la part d'individus déçus par une défaite du OUI. Aucune partie dans ce débat n'a le monopole du bien ou du mal, ni d'aucun point sur le continuum entre les deux pôles. (...)

Si nous devons accepter le fait que le bloc de Québécois anglophones qui voteront NON le feront de bonne foi, d'autre part vous devez aussi reconnaître que nous sommes de bonne foi quand nous votons OUI, que nous avons posé la question le plus honnêtement possible et que nous n'essayons de duper personne. Vous devriez essayer d'éviter toute fixation sur des questions mesquines, les chamailleries au moindre prétexte, ou l'hystérie à la première citation, peut-être mal rapportée, qui vous heurte. La campagne référendaire, bien qu'elle soulève des défis très particuliers pour les relations inter-communautaires, est aussi une occasion de montrer que nous savons vraiment vivre ensemble et dans le même voisinage.

Et si vous avez besoin d'une preuve supplémentaire de la note optimiste que je viens de toucher, vous n'avez qu'à regarder autour de vous. Honnêtement, est-il vraiment nécessaire de craindre le nouveau genre d'arrangements de vie commune avec vos compatriotes francophones au Québec, quand deux siècles de coexistence et même souvent de cohabitation nous ont donné à tous amplement le temps de nous connaître de part et d'autre? Et pour ce qui est de la majorité francophone, je ne crois pas exagérer en disant que vous avez eu amplement le temps de vous rendre compte que c'est une société fondamentalement tolérante, portée à l'expression directe de sa pensée mais aussi encline à insister pour que, dans tout changement, la continuité soit respectée.

Nous vivons ici ensemble, nous continuerons à vivre ici ensemble après le référendum et après que la souveraineté-association sera devenue réalité dans un avenir pas trop lointain. Même après que la souveraineté-association sera devenue une réalité, il y aura encore, à l'occasion, une réflexion méchante dans un taxi, ou un restaurant, ou dans la presse écrite, mais je suis sûr que nous parviendrons à éviter que de telles choses érodent le caractère fondamentalement sain de notre rapport.

Maintenant, je sais, et vous savez, et tout le monde ici présent sait, qu'il est possible d'être à la fois un Québécois anglophone et un partisan du OUI. Il faut du courage, parce que le Québécois anglophone partisan du OUI subira les attaques de ses amis et parfois même de son cercle familial. Il semble souvent que pour les Québécois anglophones en général, du moins selon l'interprétation des médias, un OUI anglophone est non seulement quelque peu illégitime, mais aussi presque carrément une trahison. On peut peut-être à ce sujet évoquer discrètement l'ethnocentrisme. Par exemple, j'ai noté, à l'écran, qu'ils refusent presque toujours de choisir un Québécois anglophone pour représenter l'option du OUI, cherchant presque toujours exclusivement un nom français ou une personne francophone, pour maintenir le sentiment que l'érosion est impossible.

Malgré cela, le vote de ces Québécois anglophones qui voteront OUI n'est pas seulement une question de courage, mais aussi la marque d'esprits qui osent regarder l'avenir et voir la promesse d'un arrangement politique nouveau et différent. Car les propositions contenues dans la question - égalité des peuples et souveraineté-association - comprennent le maintien de liens étroits avec le Canada anglais. Donc les Québécois anglophones, à cet égard, n'ont aucune raison de craindre qu'ils seront coupés de la vie culturelle - au sens le plus large - dont ils se sentent partie.

L'émancipation du Québec est issue d'un attachement aux différences: les différences que représentent d'abord sa propre majorité française, évidemment, mais cela n'exclut pas l'attachement à cet aspect interne de la différence qui est l'apport précieux pour le Québec de la langue anglaise et des institutions anglaises protégées par la loi, pas plus que n'est exclut l'attachement aux différences enrichissantes des nombreuses communautés culturelles qui partagent aussi notre terre.

Donc, voter OUI, pour les Québécois anglophones aussi bien que francophones, peut être une façon spectaculaire d'opter pour le Québec, de déclarer fortement et clairement que le Québec est notre patrie commune. Seuls des esprits mesquins les soupçonneraient de vouloir ainsi se couper du Canada, puisque ce n'est pas ce que nous proposons. (...)

Sur un point dont je sais à quel point il est sensible chez vous, je suis convaincu, et je peux en faire un engagement, qu'on n'aurait pas besoin d'une législation restrictive sur la langue dans un Québec souverain. Au départ, c'était humiliant d'avoir à légiférer le respect de notre propre langue dans notre propre patrie. Mais maintenant le respect du français au Québec a fait des progrès considérables par suite de deux lois successives et reconnaissons que ce progrès était nécessaire. Dans un État souverain où la majorité de la population sera francophone, cette majorité aurait une telle sécurité culturelle que les mesures défensives, tout à fait nécessaires dans le passé, ne seraient plus requises, et nous pouvons faire cet engagement dès maintenant.









1 Le Devoir, 31 mars 1980, p. 13.