Manifeste de l'Alliance laurentienne

De La Bibliothèque indépendantiste
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Manifeste de l'Alliance laurentienne
dans Laurentie, numéro 104, septembre 1958, p. 227-230



Raymond Barbeau

L'ALLIANCE LAURENTIENNE est un mouvement patriotique qui groupe des Canadiens français de tous les milieux, de tous les âges et de toutes les conditions. Fondé en 1957, il se propose comme but principal de répandre l'idée de l'indépendance de la Province de Québec et de la création de la RÉPUBLIQUE DE LAURENTIE.

Le nationalisme laurentien basé sur l'amour de la nation canadienne-française, de l'État et du peuple québécois est légitime puisqu'il est conforme à l'ordre divin. Cet amour qui n'exclut pas l'amour des autres peuples, même des Anglais et des CANADIANS, est intimement lié à nos origines, à notre milieu, à notre hérédité, à une sorte de déterminisme historique et géographique, et il s'appuie sur la mission catholique et française qui nous a été léguée et que nous devons, à tout prix, perpétuer dans le temps de l'espace.

La Confédération canadienne menace l'unité politique de notre peuple de cinq millions de population, nous conteste nos droits les plus élémentaires, nous usurpe des droits sacrés inscrits dans la constitution, arrête injustement notre expansion économique, offense nos nationaux au mépris du droit des gens, cherche à créer des combinaisons interprovinciales propres à léser notre dignité et nos légitimes influences, et pour sauver notre prestige et notre honneur, nous n'avons pas d'autres choix que de réclamer la souveraineté de l'État du Québec. Au fond du nationalisme laurentien, il y a une aspiration naturelle, pour notre peuple, à se constituer en une nation pleinement indépendante, autonome à l'intérieur et souveraine à l'extérieur.

Toutes les fois qu'une nation est menacée, des hommes se lèvent pour réclamer justice. Actuellement, regardons ce qui arrive dans les états arabes. Le panarabisme secoue une partie du monde; dans l'autre partie, c'est le panslavisme qui devient particulièrement menaçant, ailleurs, c'est la montée des peuples noirs, le réveil du péril jaune qui surgit. Sur notre continent, le sentiment d'AMERICA FIRST est solidement implanté, et plus près de nous encore, le pan-canadianisme préoccupe beaucoup les CANADIANS, en face du colosse américain. Les Canadiens français nationalistes suivent la marche de l'histoire. La sécession du Québec de la Confédération est donc la seule solution devant les menaces accumulées de la centralisation et de l'assimilation anglo-saxonnes. Que notre peuple en vienne à croître normalement, à se garder des pénétrations et annexions étrangères, qu'il conquière enfin son indépendance, selon le principe de l'autodétermination, et alors le nationalisme laurentien aura atteint son objectif.

L'idéal de notre peuple et sa vie ne demandent pas que nous nous enfermions en vase clos dans nos frontières, que nous ignorions les autres peuples et que nous nous fassions ignorer d'eux, et encore moins que nous les haïssions. Dans toute race, par-dessus les caractères propres, il y a l'humanité et ce n'est pas la desservir que de vouloir devenir adultes et libres. On prétend que la lutte des classes est un fait nécessaire et universel. Au contraire, c'est la lutte entre clans, tribus, nations et empires qui engendre les haines, les misères, les guerres et le despotisme. L'harmonie et la paix reviendront dans le monde lorsque chaque nation sera libre : « LIBERTÉ POUR LES PERSONNES, LIBERTÉ POUR LES PEUPLES ! »

Que la nation laurentienne se pose fièrement en face des autres nations, elle prend alors au dedans le visage d'une personnalité forte qui sait ce qu'elle veut, qui le veut bien et qui ramasse en elle les énergies intellectuelles, morales et économiques d'où dépendent sa prospérité et son influence. Notre peuple possède un corps et une âme. Mais il lui manque un cerveau qui est l'ÉTAT LIBRE, et où se réfléchissent toutes les aspirations nationales, et d'où partent les directives qui doivent promouvoir dans tous les sens la vitalité de la nation. Pour réaliser nos ambitions et poursuivre notre destinée lorsque l'heure sera venue de vivre normalement, le gouvernement laurentien de la Province de Québec devra :

  • Proclamer la souveraineté nationale, constitutionnelle et politique de l'État du Québec en vue d'obtenir la reconnaissance internationale de la RÉPUBLIQUE DE LAURENTIE.
  • Abolir les allégeances, dominations et asservissements étrangers dans les affaires intérieures et extérieures de l'État national de Laurentie.
  • Procéder, par des moyens légaux et parlementaires, à l'établissement progressif de la République de Laurentie qui répond aux espoirs historiques, aux droits inaliénables et aux ambitions légitimes de notre peuple.
  • Opérer une réorganisation complète des structures du Sénat, des Ministères et du Parlement provincial, dans le but de promouvoir une administration gouvernementale au service du bien commun de tous les citoyens.
  • Protéger les citoyens et le territoire actuel de la Province de Québec par l'établissement d'une armée défensive.
  • Respecter intégralement et reconnaître, en principe comme en fait, les droits des minorités dans l'État libre de Laurentie.
  • Exiger la neutralité de la République de Laurentie en cas de guerre.
  • Développer efficacement et, au besoin, nationaliser[1] les ressources naturelles du pays.
  • Réaliser un gouvernement laurentien d'inspiration chrétienne, qui perpétuera les saines traditions et permettra l'épanouissement complet du peuple canadien-français, selon la formule : « Un gouvernement de la Patrie, par la Nation, pour le Peuple. »

ALLIANCE LAURENTIENNE

Notes

  1. Cf. Mgr Wilfrid Lebon, La nationalisation des entreprises, E.S.P., no 300, Montréal, janvier 1939.