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De La Bibliothèque indépendantiste
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Bleu et blanc… et orange?

Un « "double discours" du Bloc  »

Dans un article publié le 28 avril (Paul Journet, « M. Mulcair dénonce le "double discours" du Bloc », La Presse), nous apprenons que Thomas Mulcair, le candidat phare du Nouveau Parti démocratique (NPD) au Québec, juge « "ironique" que Gilles Duceppe insiste tant pour changer la constitution d'un pays dont il veut se séparer ». M. Mulcair inviterait M. Duceppe à déclarer la condition à laquelle il accepterait de rester dans le pays.

En fait, il est assez « ironique » de la part de M. Mulcair de dénoncer un « double discours » du Bloc Québécois. Car le NPD oscille fréquemment entre deux pôles :

Le NPD défendrait le Québec… mais pas plus que l’Ontario ou le Nunavut. Le Canada avant tout, le bilinguisme coûte que coûte… le Québec et le français de passage, par défaut plus que par dessein. Forcément, la réalité de la constitution de 1982 d’abord… le rêve québécois d’une réforme constitutionnelle au second rang, mais seulement en temps de campagne électorale fédérale. « Le député Mulcair a accepté de faire partie de la Coalition contre la loi 103 du bout des lèvres pour ensuite se dissocier de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées  » (Mouvement Montréal français, « Le NPD, faux-ami du français », le 29 avril). Le NPD défend à la fois la C-20 (loi sur la clarté référendaire) et la déclaration de Sherbrooke. Enfin, les Canadiens remarquent également ces nombreuses contradictions du NPD, qui cherche à plaire à tous (Voir Joan Bryden, « Little clarity in Layton's stance on Quebec referendum », Winnipeg Free Press, le 30 avril).

Jack Layton dit « Il faut créer les conditions gagnantes pour le Canada au Québec » (Radio-Canada, Montréal, le 14 avril). Cela n’est pas synonyme de « Il faut créer les conditions gagnantes pour le Québec au Canada ». La première phrase effraie. La deuxième ferait passer l’Accord du lac Meech. Le premier défend les intérêts d’un état. Le deuxième défend une nation sans son état propre. L’ordre de ces deux petits mots est saturé d’incompatibilité idéologique.

M. Layton déplore le rapatriement de la constitution en 1982. Le Québec le déplore déjà avec ou sans lui. Non, M. Mulcair, le Québec ne la signera certainement pas et M. Duceppe n’a jamais proposé et ne proposera jamais quelconque condition pour ce faire, tout comme le NPD ne proposera pas non plus à quelconque moment de rouvrir la boîte de Pandore. Ce faisant M. Layton risquerait de perdre plus que quelques votes au Canada.

À vrai dire, il n’y a pas de double discours du Bloc.

Sans grand étonnement, nous constatons aujourd’hui comme il y a vingt ans que M. Duceppe ne veut pas « changer la constitution d'un pays dont il veut se séparer ». Il veut seulement se séparer de ce pays-là. La popularité récente du NPD est la voix d’un changement. Malgré cela, il ne saurait compenser pour celui dont rêve encore presque la moitié de la population du Québec.

En attendant que le Québec se prenne en main, avec ou sans le regard permissif du NPD, ce que nécessite le Québec est moins le principe d’un changement d’attitude pancanadienne vis-à-vis de ses propres décisions existentielles, que la perpétuation d’opérations concrètes et cruciales exécutés à tous les jours par le Bloc Québécois à Ottawa. Que le Canada compromette. Que le Québec assure sa pérennité.

Le «  NPL : Nouveau Parti libéral  »

Le NPD a la langue aussi fourchée que le Parti libéral des 50 dernières années. La différence est que la nouvelle vague orange au Québec a prit autant d’années à marquer des points sans forcément savoir durer encore aussi longtemps. Au Canada, une force au penchant gauchiste contribue à contrer l’extrême droite américanisée du Parti conservateur de Steven Harper. Ce qui change au Québec est le choix entre le Parti libéral de Michael Ignatieff ou le « Nouveau Parti libéral » de M. Layton.

Drôlement, le slogan du PL lit : « Le Québec a le pouvoir de changer les choses ». On s’approprie le pouvoir d’une nation comme si le sens n’en serait pas transformé. L'autonomie partielle peut être une sorte de pauvreté existentielle. Le Québec a un besoin que le Canada (ni le PL ni le NPD) ne saurait répondre. « Nulle nation ne veut obéir à une autre pour la raison toute simple qu'aucune nation ne saurait commander à une autre (Joseph-Marie de Maistre, Du pape, 1819)  ». Le Canada est un bon pays mais il n'est pas le bon pays pour tout le monde. La liberté n’est pas un reproche.

Voilà ce qui en est de blanc bonnet et bonnet blanc. Rouge ou orange, ce sont les couleurs d’une feuille d’érable mourante à l’automne.

La réforme constitutionnelle

Si M. Duceppe rappelle aux chefs des autres partis que le Québec n'a pas signé la constitution, c’est qu’il « insiste » sur le « fédéralisme », un mot dont le Canada oublierait le sens depuis trop longtemps. Comment faire croire (à ceux qui en rêvent encore au Québec) que le Canada « réglera » le rapatriement de la constitution de 1982 alors qu’on n’osait même pas en « parler » lors du débat des chefs le 13 avril?

On nous inviterait d’écarter la question rattachée (l'indépendance) afin de traiter de « vrais dossiers »… comme si la constitution du pays n'en était pas un. Hélas, LE dossier canadien est devenu un sujet tabou. Lorsque le pacte originel qui unit les membres d’une (con)fédération est condamné, quel avenir peut-il avoir pour le pays qu’il forme?

« Où logeait le NPD lors des moments charnières de la saga constitutionnelle du Québec? ». Il était dans le camp d’opposition (Voir Sophie-Hélène Lebeuf, « Le Québec dans l'histoire du NPD », Radio-Canada, le 26 avril). Le NPD croit que le caractère unique du Québec peut trouver son expression dans le contexte fédéral canadien. Rappelons que le droit d’en juger revient au Québec et que l’Accord du lac Meech est un projet avorté. « Si vous voulez comprendre un système, essayer de le changer  » (Kurt Lewin). Or, ça fait depuis ma naissance que le Québec essaie de « réintégrer  » le Canada. Je ne revivrai pas le temps de ma jeune vie avant d’en tirer la conclusion flagrante.

La vérité est que les partis fédéralistes – tous – se fichent de la constitution. Ainsi, le « best of » du fédéralisme auquel le Québec peut s’attendre est un parti canadien qui propose de modifier sporadiquement de petites lois pro-Québec tout en écartant de vue la constitution anti-Québec de 1982.

Le Bloc Québécois : un choix existentiel

Le PC, le PL, le NPD… aucun ne reconnaitrait la nation québécoise autant qu’il en reconnaitrait une puissante voix électorale. Le reste n’est que peccadilles.

Le NPD tend peut-être à gauche mais le Québec est plus que ça. Quand le NPD dit défendre le Québec, il parle avant tout d’une province, même s’il s’adresse à une nation. Après tout, le Québec du Canada n’est que ça. Le vote orange invite le Québec à se voir de cette façon. Pas plus pas moins que les autres provinces et traité en conséquence. Quoique, en temps d’élections, on fait néanmoins quelques exceptions pour le Québec : un débat des chefs (en un français qui laisserait éventuellement à désirer) et un double discours politique, fait sur mesure.

On douterait notamment qu’au Canada, le NPD s’annoncerait toujours comme étant le parti à la défense de la nation québécoise, celui qui appuierait (ne serait-ce que partiellement) la loi 101, un prochain référendum sur l’indépendance du Québec ou une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles. Rappelons-nous que la libre disposition du Québec existe en vertu du droit contemporain international, non pas grâce à la clémence du NPD.

En tant que « nation dans la nation », on doit faire preuve de vigilance, car ce n’est pas le Canada mais le Québec qui dépendrait du vote québécois pour exister et pour défendre ses intérêts. Demain, l’indépendance du Québec ne dépendrait pas de l’existence du Bloc Québécois mais l’existence d’un Québec fort et libre au Canada en dépend aujourd’hui.

Appuyer le Bloc Québécois est plus que défendre les intérêts du Québec, c’est un choix existentiel.