Déclaration d'indépendance de la Grèce

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Déclaration d'indépendance de la Grèce
12 janvier 1822




Source(s) : [1] D'après Wikipédia, l'Assemblée nationale d'Épidaure proclame l'indépendance de la Grèce le 12 janvier 1822 (ou 1er janvier suivant le calendrier julien)[2].



La nation grecque prend le ciel et la terre à témoin que, malgré le joug affreux des Ottomans qui la menaçait d'une ruine entière, elle existe encore. Pressée par les mesures aussi iniques que destructives que ces tyrans féroces, après avoir violé leurs capitulations ainsi que tout esprit d'équité, rendaient de plus en plus oppressives, et qui ne tendaient à rien moins qu'à l'anéantissement du peuple soumis, elle s'est trouvée dans la nécessité absolue de courir aux armes pour mettre à l'abri sa propre conservation. Après avoir repoussé la violence par le seul courage de ses enfants, elle déclare aujourd'hui devant Dieu et devant les hommes, par l'organe de ses représentants légitimes réunis dans le congrès national, convoqué par le peuple, son indépendance politique.

Descendants d'une nation distinguée par ses lumières et par la douce civilisation, vivant à une époque où cette même civilisation répand, avec une profusion vivifiante, ses bienfaits sur les autres peuples de l'Europe, et ayant sans cesse le spectacle du bonheur dont les peuples jouissent sous l'égide protectrice de la loi, les Grecs pouvaient-ils rester plus longtemps dans un état aussi affreux qu'ignominieux, et voir avec apathie le bonheur qu'ils sentaient que la nature a également réservé à tous les hommes ! Des motifs si puissants et si justes ne pouvaient sans doute que presser le moment du réveil, où la nation, pleine de ses souvenirs et de son indignation, devait réunir ses forces pour revendiquer ses droits et venger la patrie d'une tyrannie dont rien n'égale l'horreur.

Telles sont les causes de la guerre que nous avons été forcés d'entreprendre contre les Turcs. Loin d'être fondée sur des principes de démagogie et de rébellion, loin d'avoir pour motifs les intérêts particuliers de quelques individus, cette guerre est une entreprise nationale et sacrée ; elle n'a pour but que la restauration de la nation et sa réintégration dans les droits de propriété, d'honneur et de vie ; droits qui sont le partage des peuples policés nos voisins, mais qui étaient arrachés aux Grecs par une puissance spoliatrice.

Des clameurs publiques, peu dignes d'hommes nés libres et élevés au sein de l'Europe chrétienne et civilisée, dirigées contre notre cause, sont parvenues jusqu'à nous. Mais quoi ! les Grecs seuls, de toutes les nations européennes, devraient-ils être exclus comme indignes de ces droits que Dieu a établis pour tous les hommes ? ou bien étaient-ils condamnés par leur nature, à un esclavage éternel qui perpétuait chez eux la spoliation, les violences et les massacres ? Enfin la force brutale de quelques hordes barbares qui, sans être jamais provoquées, vinrent, précédées du carnage et suivies de l'esprit de destruction, s'établir au milieu de nous, pouvait-elle jamais être légalisée par le droit des gens de l'Europe ? Les Grecs, sans l'avoir jamais reconnue, n'ont jamais cessé de la repousser par les armes, toutes les fois qu'une espérance ou des circonstances favorables se sont présentées.

Partant de ces principes et sûrs de nos droits, nous ne voulons, nous ne réclamons que notre rétablissement dans l'association européenne où notre religion, nos moeurs et notre position nous appellent à nous réunir à la grande famille des chrétiens et à reprendre, parmi les nations, le rang qu'une force usurpatrice nous a ravi injustement. C'est dans cette intention aussi pure que sincère que nous avons entrepris cette guerre, ou plutôt que nous avons concentré les guerres particulières que la tyrannie musulmane a fait éclater sur les diverses provinces et sur nos îles, et nous marchons d'un commun accord à notre délivrance, avec la ferme résolution de l'obtenir ou d'ensevelir enfin à jamais nos malheurs sous une grande ruine digne de notre origine qui, dans ces calamités, ne fait que peser davantage sur nos cœurs.

Dix mois se sont déjà écoulés depuis que nous avons commencé la carrière de notre guerre nationale. Le Tout-Puissant ne nous a pas refusé ses faveurs. Quoique peu préparés à cette lutte inégale, nos armes ont été couronnées de succès. Cependant, sur plus d'un point, elles ont aussi rencontré une résistance sérieuse. Occupés sans relâche à aplanir les difficultés survenues, nous avons été forcés de différer l'accomplissement de notre organisation politique qui devait constater, devant le monde, l'indépendance de la nation. Certes, avant d'assurer notre existence physique, nous ne pouvions, nous ne devions pas même entreprendre celle de l'état politique ; telles furent les causes de ce retard involontaire et qui nous eût empêchés de prévenir quelques désordres qui ont eu lieu.

Enfin ces difficultés étant levées en grande partie, nous nous sommes appliqués avec ardeur à compléter notre ouvrage politique. Pressés par les localités physiques et morales, à la force desquelles rien ne saurait résister, nous avons d'abord établi des gouvernements locaux, tels que ceux d'Étolie, de Livadie, du Péloponnèse et des îles. Cependant, comme les fonctions de ces gouvernements n'embrassaient que l'administration intérieure des lieux respectifs, les provinces et les îles ont député des représentants chargés de la formation d'un gouvernement provisoire mais suprême, à la souveraineté duquel ces juntes locales devaient être soumises. Ces députés, réunis dans ce congrès national, après de longues et mûres délibérations, établissent aujourd'hui ce gouvernement et le proclament à la face de la nation, seul gouvernement légitime de la Grèce, tant parce qu'il est fondé sur la justice et les lois de Dieu et de la nature, que parce qu'il repose sur la volonté et le choix de la nation. Ce gouvernement est composé du conseil exécutif et du sénat législatif ; le pouvoir judiciaire est indépendant.

Les députés, en finissant, déclarent au panhellénion (toute la nation grecque) que leur tâche étant accomplie le congrès se dissout aujourd'hui. Le devoir du peuple est désormais d'obéir aux lois et de respecter les exécuteurs de ces lois. Grecs, vous avez voulu secouer le joug qui pesait sur vous, et vos tyrans disparaissent tous les jours du milieu de vous ! Mais il n'y a que la concorde et l'obéissance au gouvernement qui peuvent consolider votre indépendance. Daigne le Dieu des lumières éclairer de sa sagesse les gouvernants et les gouvernés, afin qu'ils connaissent leurs véritables intérêts et qu'ils coopèrent, d'un commun accord, à la prospérité de la nation !

Donné à Épidaure, le 15 (27) janvier 1822, et l'an 1er de l'indépendance.

Signé : Alexandre Mavrocordato, président du Congrès.



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