Adresse du clergé du diocèse de Québec au Parlement impérial contre le projet d'unir le Bas et le Haut-Canada sous une même législature

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Adresse au Parlement impérial contre le projet d'unir le Bas et le Haut-Canada sous une même législature
février 1838



À LA TRÈS EXCELLENTE MAJESTÉ DE LA REINE

Qu'il plaise à Votre Majesté! Nous soussignés, évêques, vicaires généraux, curés et autres membres du clergé catholique du Diocèse de Québec, dans le Bas-Canada, supplions humblement qu'il nous soit permis de déposer au pied du trône de Votre Majesté, l'expression des sentiments de notre vénération profonde envers votre auguste personne, et de notre attachement inviolable à la liaison qui existe entre cette province et la Grande-Bretagne.

Nous aimons à faire connaître à Votre Majesté que, depuis l'heureuse époque où cette province est devenue partie de l'Empire britannique, le clergé catholique n'a cessé de montrer en toute occasion sa loyauté envers le gouvernement de la mère-patrie, et s'est constamment efforcé d inspirer la même loyauté au peuple qu'il est chargé d'instruire.

Nous pouvons assurer Votre Majesté que c'est avec une vive inquiétude pour le sort à venir de nos compatriotes, que nous avons vu quelques uns d'entre eux, malheureusement trop influents, opposer des entraves insurmontables aux mesures conciliatrices que Sa Seigneurie le Comte de Gosford, préposé par votre royal prédécesseur au gouvernement de cette province, avait à cœur d'employer pour rétablir la paix dans notre chère patrie, et qu'il tenta en effet de mettre en œuvre dès le commencement de son administration. Aussi est-ce avec un regret bien sincère que nous voyons ce noble Lord laisser aujourd'hui les rênes de notre gouvernement local, sans avoir obtenu le succès dont ses vues bienfaisantes et ses louables efforts méritaient d'être couronnés.

Mais ce qui nous afflige plus particulièrement, ce sont les actes d'insurrection contre le gouvernement de Votre Majesté, qui ont été commis récemment par une partie quoique très peu considérable de nos compatriotes, indignement trompés et égarés par des chefs ambitieux, ou forcés de prendre part, contre leur conscience, à une démarche aussi insensée que criminelle.

Nous devons dire néanmoins, et c'est une vraie consolation pour nous de pouvoir en donner l'assurance à Votre Majesté, que nos sentiments à cet égard sont partagés par la très grande majorité de nos compatriotes d'origine française, qui conservent toujours envers le gouvernement de la mère-patrie les dispositions loyales dont ils ont plusieurs fois donné des preuves, et qui condamnent de la manière la plus explicite les tentatives insurrectionnelles dont nous venons de parler; comme l'attestent évidemment les manifestations nombreuses de fidélité qui ont été adressées de toutes parts au noble Représentant de Votre Majesté en cette province.

Après avoir ainsi exprimé à Votre Majesté les sentiments d'affection qui unissent étroitement à la métropole la presque totalité de nos compatriotes, nous osons former l'espoir que Votre Majesté voudra bien accueillir avec bonté l'expression de notre désir ardent, qu'il ne soit rien fait par les autorités impériales qui tende à les priver, pour la punition d'un petit nombre de coupables, des droits et privilèges qui leur sont assurés par la constitution qu'il plut au Parlement de la Grande-Bretagne d'octroyer à cette province, sous le règne d'un de vos augustes prédécesseurs.

La raison qui nous engage à adresser cette humble prière à Votre Majesté, c'est que nous avons lieu de craindre qu'il ne soit soumis à la considération de la Législature impériale, un projet qui aurait pour but de priver de ces mêmes droits et privilèges les habitants de cette province, français d'origine, en opérant la réunion des deux Législatures du Haut et du Bas-Canada.

Quelque soient les motifs qui peuvent porter une certaine partie de nos co-sujets à solliciter cette réunion, nous ne pouvons nous dispenser de représenter humblement à Votre Majesté qu'on ne peut attendre que des résultats funestes d'une pareille mesure, contre laquelle l'immense majorité des sujets de Votre Majesté dans le Bas-Canada fit de vives représentations, à une époque assez récente, par une pétition alors adressée aux trois branches du Parlement impérial, qui se crut en justice obligé d'y faire droit; et nous n'hésitons pas à déclarer à Votre Majesté que la réunion dont il s'agit aurait l'effet de fortifier, loin de diminuer, les distensions politiques que, dans ces derniers temps, quelques agitateurs semblaient avoir pris à tâche d'exploiter pour le malheur du pays, et que nous désirons ardemment voir disparaître pour toujours.

Pour ne rien omettre de ce qui peut détourner les autorités impériales de prêter la main à l'exécution du projet contre lequel nous prenons la liberté d'adresser à Votre Majesté nos humbles représentations, nous osons affirmer que les dispositions que nous apercevons aujourd'hui dans ceux de nos compatriotes qui par leur influence peuvent plus particulièrement contribuer à ramener la paix dans le pays, en renouant les liens de fraternité qui doivent exister entre les sujets de Votre Majesté de différente origine, ne peuvent avoir que le plus favorable résultat, si aux motifs qui les font agir en ce moment vient se joindre à l'avenir celui de la reconnaissance envers le Parlement britannique, pour le bienfait qu'il accorderait à la grande majorité des habitants de cette province, en leur conservant la jouissance de leur constitution, que les malheurs qu'ils viennent de ressentir leur auront appris à mieux apprécier.

Quant à l'objet qui nous concerne plus spécialement, celui du maintien de l'heureuse liberté dont les sujets catholiques de Votre Majesté en cette province ont joui jusqu'à présent dans l'exercice de leur religion, ce que nous croyons bien connaître des dispositions aussi bienfaisantes qu'équitables des autorités impériales, nous inspire plus de reconnaissance pour le passé que d'appréhensions pour l'avenir.

Nous concluons en suppliant Votre Majesté de vouloir bien agréer les vœux sincères que nous adressons au ciel, pour la conservation de vos jours précieux, aussi bien que pour le bonheur et la gloire de votre règne.

Bas-Canada, février 1838.

Notes