Résolutions de l'assemblée de Québec

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Résolutions de l'assemblée de Québec
Sujets patriotes
4 juin 1837



Proposé par M. Joseph Légaré père, secondé par M. Ignace Gagnon.

RÉSOLU, 1: Que depuis un grand nombre d'années les vices des institutions politiques de cette province, la manière injuste, partiale et impolitique dont le gouvernement y a été administré, le système d'ascendance et de division de castes et de partis qu'on s'est efforcé de maintenir, et la complicité ou la coupable apathie des autorités de la métropole, ont introduit et perpétué un système d'abus, oppressions, violation des lois, péculats, malversations, corruption de la justice publique, irresponsabilité des fonctionnaires coloniaux, et de maux et griefs de toutes sortes, dont ont souffert et dont souffrent encore les habitants de cette province sans distinction d'origine, de culte, ou de langage; que le peuple et la chambre d'assemblée ayant à des époques fréquentes et humblement représenté cet état de choses au gouvernement de la métropole, n'en ont pas obtenu le changement, mais qu'au contraire, on a repoussé nos justes plaintes pour servir les vues intéressées des fonctionnaires coloniaux accusés par le pays, et pour appuyer la politique artificieuse et arbitraire des ministres de toutes les couleurs qui se sont succédés: que nous espérions que les communes britanniques se montreraient les amies des libertés et des droits du peuple de toutes les portions de l'empire, et en particulier du Bas-Canada dont l'attachement aux institutions et à la couronne de la Grande-Bretagne, au milieu des plus grandes épreuves, avait été signalé: que nous avons vu avec regret mêlé d'étonnement, par l'adoption de résolutions dernièrement proposées par les ministres de la part de la couronne, que ce dernier rempart de nos droits a fléchi, et se porte de concert avec les autorités que nous avions dénoncées, à un déni entier de justice, et à des mesures de violence et de coercition, dont on a vu d'exemple que dans ces temps d'aveuglement qui ont fait perdre à l'Angleterre l'affection d'abord et ensuite l'empire de ses anciennes colonies.

Proposé par M. McVeigh, Ecuyer, secondé par N. F. Belleau, Ecuyer.

RÉSOLU, 2: Que notre surprise a été d'autant plus fondée, à la vue de ces projets, que la réalité des griefs dont nous nous sommes plaints a été admise de toutes parts, et en particulier l'effet nuisible qu'avait sur la législation et la politique de cette province, le conseil législatif qui y existe actuellement, et que cependant les mesures définitives de l'Angleterre refusent le remède à ces griefs et maintiennent ce corps discrédité ainsi que tout l'échafaudage colonial dont il a été protecteur, pendant qu'elles tendent à punir le peuple pour s'être plaint justement, à l'écraser sous des violences nouvelles et sous une violation des lois qu'on ne sait même pallier, et à détruire tout-à-fait par ce moyen le peu de pouvoir qui lui restait encore pour opposer la masse croissante des abus et pour faire sentir son influence constitutionnelle et nécessaire et imposer son légitime contrôle à tous les serviteurs de l'état; que nous ne pouvons avoir aucun doute, d'après l'expérience du passé, et les intentions connues et promulguées des trois branches du gouvernement, des ministres, de la ci-devant commission dite royale, et des fonctionnaires métropolitains et provinciaux, que ces mesures n'aient pour but, au lieu d'établir dans le pays même un gouvernement efficace, populaire, responsable et protecteur, d'accroître indéfiniment les pouvoirs des bureaux de Downing Street et des administrations coloniales, aux dépens de ceux qui appartiennent légitimement à nous et à nos représentants; et nous croyons de plus que cette intervention de tous les principes qui peuvent assurer l'ordre et la liberté, n'est que le prélude de notre asservissement, de notre destruction comme peuple distinct et revêtu de droits particuliers, de la violation des pactes les plus solennels, du renversement des libertés, immunités, franchises, lois, culte, langage, moeurs et institutions des habitants de cette province.

Proposé par Barthélemi Lachance, écr., secondé par M. Georges Larouche.

RÉSOLU, 3: Que parmi les droits qui nous sont communs avec tous les sujets de l'empire, l'un des mieux reconnus, des plus sacrés et des plus estimés, et dont le peuple a été le plus jaloux et qu'il a maintenu avec le plus de succès, est le droit de se taxer soi-même, et son corrélatif le droit d'entier contrôle sur le revenu créé par ce moyen; que ces deux droits, inséparables du titre de citoyens anglais comme du respect attaché au droit de propriété, ont été garantis au peuple de cette province par son accession à l'empire britannique, par l'acte déclaratoire du parlement impérial passé dans la 18me. année de George Trois, et confirmé et mis en pratique par l'acte constitutionnel de 1791; que la représentation du peuple est le seul intermédiaire par lequel il puisse exercer ces droits essentiels; que le peuple de cette province n'est pas représenté dans la chambre des communes d'Angleterre et ne peut l'y être efficacement; et que la seule autorité légitime que nous puissions reconnaître et que nous reconnaissions, soit pour créer un revenu public dans ce pays, soit pour l'appliquer et le contrôler, est les communes dans la chambre d'assemblée de cette province sauf le concours additionnel des autres branches du parlement dans les limites dans lesquelles il leur est attribué.

Proposé par R. S. M. Bouchette, Ecuyer, secondé par Mr. John Teed.

RÉSOLU, 4: Que dans le nombre des résolutions introduites dans la chambre des communes par le lord John Russell au sujet des affaires de cette province, celle qui doit exciter surtout une universelle et vertueuse indignation, est la huitième, qui comporte une invasion alarmante de ces droits si essentiels de taxation, de contrôle, de propriété, et d'action sur les mesures du gouvernement, et a éminemment la tendance violente, illibérale et destructive commentée ci-dessus; que l'aliénation du revenu public du Bas-Canada sans un vote de nos représentants, est une usurpation qui déconsidère et flétrit aux yeux de tout le peuple le gouvernement entier qui subsiste maintenant en Angleterre, et sa pâle création, le gouvernement colonial de cette province; que nos co-sujets de toutes les classes sont intéressés aux suites d'un acte aussi exorbitant du pouvoir et que nous espérons qu'en particulier ceux qui ont jusqu'ici appuyé les mesures adoptées ou projetées contre les libertés de ce pays, sentant les conséquences pour eux-mêmes d'un pareil coup d'état, repousseront noblement le rôle d'oppresseurs qu'on leur destine dans le but de maintenir cet état violent, reconnaîtront franchement les efforts de la grande masse du peuple canadien pour établir et conserver la liberté de tous sans distinction, et se joindront à nous pour se rallier autour de la chambre d'assemblée et soutenir avec dignité de libres sujets, les privilèges que l'on cherche à saper; et qu'en retour, pour nous, pour nos concitoyens, et nos représentants, nous promettons solennellement à nos frères de toute origine, de nous occuper avec zèle comme par le passé, à faire disparaître les distinctions fomentées par le gouvernement, et à assurer à toutes les classes de citoyens les mêmes droits, les mêmes libertés, les mêmes avantages et la même protection.

Proposé par Mr. P. G. Tourangeau, secondé par Michael Quighley.

RÉSOLU, 5: Que des actes aussi flagrants, et qui ne sont que l'effet du même esprit qui dominait dans les conseils britanniques à l'époque de la passation des actes du timbre et de l'impôt sur le thé, lesquels engagèrent les libres colons à établir leurs droits et à fonder la plus vaste et la plus florissante république du monde, n'affecteront pas seulement cette province, mais bien toutes les autres colonies intéressées à un bon gouvernement, et même dans un avenir très possible les libertés du peuple anglais; que les colonies en général sont menacées d'avance, dans le cas où pour obtenir la réparation de leurs griefs, elles se serviraient dans leurs assemblées représentatives des moyens autorisés et ordonnés par la constitution; qu'aussi nous remercions nos amis des dites colonies qui, souffrant des mêmes maux et pressentant le même avenir, nous ont appuyés dans nos justes demandes et dans nos déclarations honnêtes et consciencieuses sur les remèdes à apporter aux malheurs du pays, qu'en particulier la chambre d'assemblée de la Nouvelle-Ecosse, en demandant un conseil électif, le contrôle absolu des deniers, et un gouvernement responsable, aura aidé puissamment à faire voir que l'esprit de la liberté croissant avec les besoins et les existences variées des peuples, n'est nullement abattu dans aucune partie de ce continent, et que malgré les causes éphémères qui peuvent avoir paralysé quelques unes de ces colonies, tout gouvernement qui basera ses mesures non sur les principes et sur la justice, mais sur de vains calculs de force et d'expérience n'y pourra avoir qu'une existence précaire, une marche irrégulière, et un pouvoir sans racines dans la volonté et l'affection du peuple.

Proposé par Jos. Légaré, Ecuyer J. P. , secondé par Mr. Jos Des-trois-maisons dit Picard.

RÉSOLU, 6: Que ces mesures de coercition, proposées avec délibération et dont les conséquences n'ont pu être perdues de vue, sont de la part des autorités britanniques, une renonciation volontaire à l'affection et à la confiance du peuple comme lien politique entre le Canada et l'empire; que ceux qui renversent les lois ne peuvent prétendre à l'avantage de ces sentiments, et que les solliciter de leur part serait un acte difficile à caractériser; qu'en conséquence nous devons regarder la métropole comme ayant pris sur sa responsabilité tout ce qui se rapporte aux affaires publiques de cette province, en toutes occasions et à l'avenir les vœux, les déclarations, les droits et les intérêts du peuple se trouveront froissés; qu'un pareil état de choses pourrait malheureusement amener comme suite des violences commencées, de nouvelles violences auxquelles le pays devra se tenir préparé: que dans ces graves circonstances, et vu qu'on n'a pas aussitôt convoqué le parlement provincial pour le mettre à même de protester énergiquement et de proposer des mesures de protection, c'est un devoir impérieux pour le peuple, dans toutes les parties de la province, de se réunir en assemblées publiques, de son propre chef, plein gré, et délibération, et ce tant que justice n'aura pas été rendue au pays, pour réclamer ses droits envahis, pour rechercher les moyens de les faire respecter, et pour empêcher une plus grande violation.

Proposé par Eugène Trudeau Ecuyer, secondé par J. D. Lépine, Ecuyer N. P.

RÉSOLU, 7: Que lors du commencement de la présente administration provinciale, le gouvernement avait ostensiblement donné comme motif de son désir d'obtenir un vote de confiance et un octroi de deniers publics, la détermination de rendre justice et de réparer les griefs; que cependant en s'emparant maintenant de ces deniers avec la sanction du parlement, la métropole se refuse absolument et formellement aux demandes essentielles du peuple; qu'elle ne montre de sympathie que pour les fonctionnaires et les courtisans qui ont perdu toutes les administrations provinciales, et irrité justement le peuple, et qu'elle demeure froide aux prières et aux souffrances de celui-ci; qu'en conséquence ne pouvant plus nous méprendre sur la politique du gouvernement à notre égard, nous lui refusons et lui retirons notre confiance, décidés à ne l'appuyer, tant que justice ne nous aura pas été rendue et que les mesures de coercition maintenant en progrès n'auront pas été rescindées, qu'en autant que nous et nos représentants, nous le trouverons convenable et avantageux aux intérêts du peuple, pour éviter de plus grands maux; et sur la sincérité de cette détermination de notre part, ainsi que pour le triomphe de nos libertés dans l'avenir, nous nous en remettons solennellement à la providence, à la persévérance et aux vertus du peuple de toutes les origines, à l'appui de nos sœurs colonies, et en général au plus ou moins de sympathie que nous trouverons en dehors du pays pour notre existence sociale et politique et pour nos institutions et libertés.

Proposé par le docteur Rousseau, secondé par M. Tessier, écr.,N.P.

RÉSOLU, 8: Que la promulgation des rapports de la commission dite royale, nous offre des preuves abondantes et irrécusables que les résolutions de lord John Russell et des autres mesures coercitives que l'on a en vue, doivent leur origine aux recommandations violentes, injustes et préjugées des dits commissaires, qui alors même qu'ils offraient la paix et cherchaient à créer un espoir illusoire de conciliation, sollicitaient auprès des ministres les mesures de coercition qui ont depuis été révélées, et qui ont réduit à leur valeur les fallacieuses promesses de la présente administration; et que cette dernière, en appuyant sa marche sur ces mesures de coercition et en les mettant à effet, s'en rendra de plus en plus solidaire auprès des habitants du pays.

Proposé par Mr. Rémi Malouin, secondé par Mr. Michel Patry, fils.

RÉSOLU, 9: Qu'advenant le triomphe de l'oppression par la passation finale des dites résolutions dans les communes britanniques, et leur sanction ultérieure, et leur application d'une manière quelconque, il sera du devoir du peuple de s'occuper des moyens d'en diminuer l'effet, et d'y organiser une opposition efficace; et que nous regardons la propagation de l'éducation en général, la diffusion des connaissances politiques, la préférence donnée aux produits du pays et aux manufactures domestiques, et l'organisation régulière du peuple par paroisses et townships et par comtés, comme au nombre de ces moyens: que pour les discuter et les régulariser, et pour assurer l'unanimité et l'entendement entre tous, il convient d'approuver le projet d'une Convention de délégués des différents comtés de la province, pour se réunir en quelque lieu central aux membres de l'assemblée et du conseil qui désapprouvent les dites mesures de coercition, afin d'aviser à des mesures sages, discrètes, fermes et protectrices, dans le danger imminent où nous sommes placés, et suivant que les circonstances d'alors l'exigeront; que les dits délégués pour la ville et banlieue de Québec, soient MM. Eugène Trudeau, Dr. Ed Rousseau, Chs Hunter, Jos Légaré fils, R. S. M. Bouchette, Jean Tourangeau, Michael Connolly et Barthélemy Lachance; lesquels avec les membres de la chambre d'assemblée y résidants ennemis de la coercition projetée, et amis des institutions électives et d'un bon gouvernement formeront un comité de correspondance pour se mettre en rapport pour les mêmes fins avec les autres parties du pays, et pour communiquer avec les citoyens au moyen de la presse, d'assemblées publiques, ou autrement; avec pouvoir de s'adjoindre de nouveaux membres.

Proposé par N. F. Belleau, Ecuyer, secondé par M. Zacharie Chabot.

RÉSOLU, 10: Que le peuple de cette province est pénétré d'une reconnaissance vive et affectueuse envers les généreux amis qui ont défendu ses droits et son honneur assaillis par la chambre des communes; qu'il se fait honneur aussi d'avoir pour partager son attachement aux institutions libres et son aversion pour l'oppression, la classe ouvrière de Londres et d'autres villes importantes qui a eu le courage de se prononcer en faveur de notre cause; et que nous espérons que la masse entière des peuples libéraux qui habitent les îles britanniques, ne se laissera pas circonvenir par la conduite arbitraire de son gouvernement, mais qu'elle verra avec sympathie notre lutte pour conserver nos droits les plus chers, et nous appuyera dans nos efforts réitérés pour obtenir un conseil législatif électif qui puisse travailler au bonheur du peuple de concert avec la branche populaire, un exécutif plus directement responsable dans la colonie, la conservation et la libre jouissance des lois et des institutions auxquelles nous sommes attachés et qui ont encore conservé de l'ordre et de l'espérance dans le pays malgré les atteintes qu'y a portées le gouvernement, le rappel d'actes nuisibles et de monopoles odieux, la reconnaissance de l'autorité du parlement provincial sur les terres du pays, et l'établissement d'un système qui en facilite l'accès, sous une tenure directe et libre et des lois communes, aux habitants du pays ainsi qu'aux autres sujets de l'empire, et à la correction entière des abus et griefs dont nous nous sommes plaints.

Proposé par Chs. Hunter, Ecuyer, secondé par Rémi Quirouet, Ecuyer.

RÉSOLU, 11: Que dans toutes les diverses luttes d'un peuple contre le pouvoir arbitraire, il a de tout temps été expédient et nécessaire de placer une confiance entière dans quelque homme également distingué par ses talents et son patriotisme, qui dans l'opinion de tous ses concitoyens soit jugé digne d'être l'organe et le chef du peuple. Que l'époque où nous touchons et qui présage d'importants événements, n'offre point d'exception à l'adoption d'un pareil exemple aussi salutaire -- mais qu'au contraire elle exige de nous une déclaration unanime, que la conduite publique de l'Honorable Louis Joseph Papineau, Ecuyer, Orateur de la Chambre d'Assemblée, dans le cours d'une longue carrière, marquée par des événements et de nombreuses difficultés politiques, mérite nos éloges les plus sincères et l'expression de la reconnaissance de toute âme noble et généreuse. Qu'en conséquence les remerciements de cette assemblée soient votés à Louis Joseph Papineau, Ecuyer comme le témoignage d'un peuple reconnaissant envers l'un de leurs concitoyens dont le zèle, l'intégrité, la persévérance et les talents ont illustré la vie publique et qui depuis 30 ans, sans interruption, s'est consacré à la cause des habitants de cette province, période de services publics dont la durée seule offre la meilleure garantie au peuple, de la fermeté et de la consistance d'un homme qui, dans les plus grandes épreuves, s'est toujours montré l'ami de la liberté et des droits du peuple en Canada.

Proposé par R. M. Bouchette, Ecuyer, secondé par M. John Teed.

RÉSOLU, 12: Que les remerciements de cette assemblée soient votés à Mr. le président et à MM. les secrétaires.

ET. Defoy, Président

J.C. Hart,

R. G. Belleau, Secrétaires

La Minerve,
8 juin 1837


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