Proclamation d'indépendance irlandaise de 1803

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Au peuple d'Irlande
23 juillet 1803.




ÉDITIONS: Traduction française : [1], [2] Original anglais : Proclamation of Independence, 1803



Vous êtes maintenant appelés à prouver au monde que vous êtes dignes de tenir votre rang parmi les nations, que vous avez droit de réclamer d'être reconnu comme un pays indépendant, en brisant le joug de l'Angleterre de vos propres mains.

Par le développement de ce système, que nous organisons depuis huit mois sans aucun secours étranger, vous prouverez au peuple anglais qu'en ce pays règne un esprit de persévérance qu'il est hors de son pouvoir de calculer ou de réprimer ; vous lui prouverez qu'aussi longtemps qu'il voudra maintenir son injuste domination sur l'Irlande, il ne pourra ni compter sur son obéissance, ni juger de ses intentions ; vous lui montrerez que la question qu'il lui importe maintenant de prendre en considération n'est pas de savoir s'il pourra résister à une séparation que nous avons la ferme intention d'effectuer, mais bien s'il veut, par une résistance sanguinaire, créer une antipathie mortelle entre les deux pays, ou s'il ne convient pas plutôt d'employer les uniques moyens qui lui restent de chasser ce sentiment de nos cœurs par un prompt et fidèle acquiescement à notre juste et inaltérable résolution.

Si le secret avec lequel a été conduit le complot a fait supposer à nos ennemis qu'il est de peu d'étendue, quelques jours suffiront pour les détromper. Cette confiance, qui a été une fois déçue en se reposant sur des secours étrangers, en laissant affaiblir graduellement tous nos moyens, s'est relevée ; nous avons fait serment de ne compter que sur nos propres forces, et que la première tentative pour introduire en ce pays un système de terreur, pour porter atteinte à la vie d'un seul individu, serait le signal de l'insurrection. Aujourd'hui nos plans sont mûrs pour l'exécution, et la promptitude avec laquelle dix-neufs comtés vont se lever pour y concourir, prouvera que le peuple d'Irlande ne manque ni de confiance, ni d'accord.

En faisant un appel à nos concitoyens, ce nous est un devoir de justifier nos droits à leur confiance, par une déclaration précise de nos vues ; nous proclamons donc solennellement que notre objet est d'établir en Irlande une république libre, indépendante ; que nous n'abandonnerons ce projet qu'avec la vie ; que nous ne quitterons notre poste qu'autant que l'Angleterre aura reconnu notre indépendance ; que nous n'entrerons en aucune négociation avec le gouvernement de ce pays, tant qu'une armée anglaise pèsera sur notre sol : tel est la déclaration que nous demandons au peuple irlandais de soutenir. Nous nous adressons surtout à cette partie de l'Irlande qui a été une première fois paralysée par le défaut de communication ; qu'elle prouve que c'est à ce motif seul que doit être attribuée son inaction ; à cette partie de l'Irlande qui s'est placée à la tête de la nation, par son courage dans les souffrances ; à cette partie de l'Irlande qui, une première fois, offrit de prendre sur elle le salut de la patrie ; à cette partie de l'Irlande où brilla pour la première fois le feu de la liberté ; que le Nord se soulève et secoue le joug de l'oppression !

Hommes de Leinster, aux armes !

C'est au courage que vous avez déployé naguère que la patrie est redevable de la confiance qu'elle ressent en ce moment, et du découragement qui saisira nos ennemis lorsqu'ils reconnaîtront que cet effort est général. Mais, hommes de Leinster, vous devez à votre pays quelque chose de plus que de l'avoir animé par votre exemple passé ; si, il y a six ans, lorsque vous vous soulevâtes sans armes, sans dessein, sans coopération, ayant à combattre vous seuls plus de troupes qu'il n'y en a en ce moment dans tout le pays, vous pûtes pendant six semaines opposer une résistance ouverte au gouvernement, à quelques milles de la capitale, que ne ferez-vous pas aujourd'hui, que cette capitale et l'Irlande entière sont prêtes à vous soutenir ? Mais ce n'est pas sur ce point que je dois vous adresser la parole ; non, nous vous parlons maintenant, et par vous à tout le reste de l'Irlande, d'un sujet qui ne nous est pas moins cher que le succès de votre patrie, son honneur : vous êtes accusés par vos ennemis d'avoir violé cet honneur ; ces excès qu'ils ont eux-mêmes provoqués, qu'ils ont honteusement exagérés, ils vous les attribuent ; l'occasion de vous justifier par des actions vous est aujourd'hui offerte pour la première fois. Nous vous conjurons de donner un démenti à ces imputations, en évitant soigneusement toute apparence de pillage ou de vengeance : vous ressouvenant que vous avez déjà perdu l'Irlande, non par faute de courage, mais faute de discipline ; nous espérons que vos souffrances passées vous auront donné l'expérience ; que vous respecterez la déclaration que nous faisons maintenant et que nous sommes résolus d'appuyer de tous nos moyens.

La nation seule possède le droit de punir un individu ; tout homme qui en tue un autre hors du champ de bataille, et sans les formes d'un jugement, se rend coupable de meurtre ; l'intention du gouvernement provisoire d'Irlande est de réclamer du gouvernement anglais ceux d'entre nos concitoyens qui ont été déportés à cause de leur attachement à la liberté ; dans ce dessein, il retiendra comme otage tous ceux de ses partisans qui tomberont entre ses mains ; il invite donc le peuple à respecter ces otages et à se rappeler qu'en répandant leur sang, ils laisseraient leurs propres compatriotes à la merci de leurs ennemis.

L'intention du gouvernement provisoire est de résigner ses fonctions aussitôt que la nation aura choisi ses délégués; mais en même temps il est résolu de donner pleine force aux résolutions ci-après ; en conséquence, il prend toutes les propriétés du pays sous sa protection, il punira avec la dernière rigueur toute personne qui les violerait, et nuirait par-là à nos ressources présentes et à notre prospérité future.

Toute personne qui refusera de marcher, en quelque lieu qu'on lui ordonne, sera coupable de désobéissance envers le gouvernement, qui seul est compétent pour décider en quel lieu ses services sont nécessaires ; rappelez-vous qu'en quelque partie de l'Irlande que l'on combatte, l'on combat pour la liberté.

Toute personne qui tentera d'accréditer la calomnie propagée par nos ennemis, que ceci est une guerre de religion, se rendra coupable du crime énorme de diffamation envers son pays ; les distinctions religieuses ne forment que l'un des nombreux abus dont l'Irlande se plaint : notre intention est non-seulement d'abolir cette oppression, mais toutes celles qui nous accablent ; nous combattons afin que chacun d'entre nous puisse avoir une patrie ; cela fait, chacun d'entre nous pourra avoir sa religion.

Nous connaissons les craintes que vous avez manifestées : vous redoutez, en quittant vos comtés respectifs, de laisser vos femmes et vos enfants à la merci de vos ennemis ; mais rassurez-vous : s'il est des hommes assez bas pour persécuter des êtres incapables de résistance, montrez-leur, par vos victoires, que nous avons le pouvoir de punir, et par votre obéissance, que nous avons le pouvoir de protéger ; ces hommes reconnaîtront alors que la sûreté de tout ce qui leur est cher dépend de la conduite qu'ils tiendront envers vous : marchez donc avec confiance, repoussez les ennemis étrangers, et laissez-nous le soin d'assurer la tranquillité domestique ; rappelez-vous que non-seulement la victoire, mais l'honneur de votre patrie est remis entre vos mains ; dépouillez tous ressentiments particuliers, et montrez au monde que le peuple irlandais est non-seulement brave, mais aussi généreux, et qu'il sait pardonner.

Hommes de Monster et de Cownaught,

Vous avez vos instructions, nous espérons que vous saurez les suivre ; l'exemple du reste de vos concitoyens est devant vous ; vos forces sont entières : il y a cinq mois, vous étiez prêts à agir sans aucun autre secours ; montrez aujourd'hui ce que vous déclarâtes alors, que vous n'attendiez que l'occasion pour prouver que vous possédez le même amour pour la liberté et le même courage dont est animé le reste de vos concitoyens ; nous nous adressons maintenant à cette partie de nos concitoyens, qu'il est plus nécessaire de persuader par une déclaration franche, que de vaincre en un champ de bataille : en faisant cette déclaration, nous ne voulons pas rappeler des événements qui, bien que de nature à couvrir de honte leurs auteurs, pourraient peut-être réveiller dans les esprits de ceux qui en furent ou les instruments ou les victimes, une animosité que nous voulons étouffer. Nous n'entrerons donc point dans le détail des atrocités et de l'oppression dont a été accablée l'Irlande pendant sa réunion avec l'Angleterre, mais nous justifierons notre intention de nous séparer de ce pays, par des souvenirs historiques qui attestent que durant six cents ans il lui a été impossible de se concilier l'affection du peuple irlandais ; que durant cette époque cinq rebellions ont éclaté pour secouer son joug ; qu'elle a été obligée d'avoir recours à un système de tyrannie inouïe pour se défendre ; qu'elle a brisé tous les liens d'une réunion volontaire, en ôtant le nom même d'indépendance à l'Irlande, par l'intermédiaire d'un parlement corrompu ; que, pour disculper ses mesures, elle a elle-même autorisé les projets des Irlandais-Unis, en déclarant expressément, par la bouche de ses ministres, que « jamais l'Irlande ne pourrait jouir des avantages de sa réunion avec l'Angleterre ; qu'il est nécessaire, lorsqu'un pays est réuni à un autre, que les intérêts du plus faible cèdent aux intérêts du plus fort ; que l'Angleterre a soutenu et encourage les colons anglais dans leur oppression sur les naturels de l'Irlande ; que l'Irlande a été laissée dans un état d'ignorance, de rudesse et de barbarie pire dans ses effets et plus dégradant par sa nature que celui dans lequel on l'avait trouvée six siècles auparavant. » Maintenant à quelle cause ces effets doivent-ils être attribués ; est-ce la malédiction du Dieu tout puissant qui a maintenu un esprit d'obstination dans le peuple irlandais pendant six cents ans ? Sont-ce les doctrines françaises qui ont produit six rebellions ? Les sophismes de l'ambition ont-ils pu effacer de l'esprit de tout un peuple le souvenir de sa défaite, et exciter dans l'enfant au berceau les mêmes sentiments que son père emporta dans la tombe ? Cet aveu si honteux que nos ennemis ont fait de leur dessein, ne pourra-t-il détruire les calomnies répandues sur les nôtres ; la confiance qu'on leur accordait ne pourra-t-elle s'attacher à la déclaration solennelle que nous faisons maintenant à la face de Dieu et de notre pays ? nous ne combattons point contre la propriété, nous ne combattons contre aucune secte religieuse, nous ne combattons point contre des opinions et des préjugés passés, mais bien contre la domination anglaise ; nous ne nions pas cependant que certains hommes, non point parce qu'ils ont soutenu le gouvernement de nos oppresseurs, mais parce qu'ils ont violé les lois communes de la morale, nous ont mis hors d'état de leur donner la protection d'un gouvernement. Nous ne voulons point hasarder l'influence que nous pouvons avoir sur le peuple et le pouvoir qu'elle peut nous donner pour prévenir les excès d'une révolution, en entreprenant de tranquilliser l'homme qui s'est rendu coupable de tortures, de pillages et dé meurtres ; que la franchise avec laquelle nous l'avertissons de ses dangers soit une garantie pour ceux qui n'ont point passe les bornes légitimes.

Nous espérions, dans l'intérêt même de nos ennemis, pouvoir les prendre par surprise et faire triompher la cause de la patrie avant qu'ils eussent eu le temps de s'y opposer ; mais quoique le succès ait trompé notre attente, nous nous réjouissons cependant de voir qu'ils n'ont point obéi avec empressement à l'appel de ceux qui les ont trompés ; nous les invitons, maintenant qu'il en est temps encore, à ne pas se compromettre davantage contre un peuple auquel ils sont incapables de résister, et pour soutenir un gouvernement qui, d'après leur propre déclaration, a perdu tout droit à notre obéissance.

C'est à ce gouvernement entre les mains duquel réside, sinon l'issue, du moins la couleur que va prendre cette guerre, que nous nous adressons maintenant ; quel parti va-t-il adopter ; aura-t-il recours à une résistance ouverte et honorable, ou bien son intention est-elle d'employer ces lois que la coutume a placées dans ses mains, et de nous forcer à user de représailles pour notre défense ?

Combien est inutile un système de terreur à l'effet de prévenir le peuple irlandais de se soulever pour conquérir ses droits, une triste expérience l'a déjà démontré ; quel serait l'effet d'un pareil système en cas de succès, nous vous l'avons déjà fait connaître. Nous vous adressons maintenant une autre considération : Si la question qui nous divise va recevoir une solennelle et définitive décision, si nous avons été trompés, la réflexion doit vous indiquer quelle serait la conduite la plus propre à nous convaincre. — II faudrait nous montrer que telle est la différence de force entre les deux pays, qu'il vous est inutile de déployer toute votre puissance, nous montrer que vous avez quelque chose en réserve pour réprimer non-seulement de nouveaux efforts de la part du peuple, mais des efforts rendus plus terribles encore par l'assistance étrangère ; il faudrait nous prouver que cette prospérité, que nous avons vainement supposée s'accroître en dépit de vos efforts, il ne tient qu'à vous de l'anéantir. Mais, au nom de vos intérêts, n'ayez point secours à un système qui, en aigrissant nos esprits, nous laisserait encore cette illusion douloureuse que nous avons été forcés de plier, non pas sous les lois d'une puissance supérieure, mais sous les efforts de la faiblesse armée du désespoir ; considérez aussi combien il est périlleux de distinguer les rebelles des ennemis. Déjà vous avez été contraints une fois de renoncer à cette distinction ; que si vous étiez obligés de l'abandonner envers l'Irlande, vous ne pourriez le faire aussi tranquillement qu'envers l'Amérique, à cause de l'état d'exaspération où vous avez porté l'esprit de la nation ; un peuple que vous proclamez avoir été voué à la barbarie et à l'ignorance, avec quelle confiance pouvez-vous lui dire : tant que la cruauté a été à mon avantage, je vous ai massacré sans pitié ; mais la mesure de mon sang commence à excéder celle du vôtre, il n'est plus de mon intérêt que ce sanglant système continue ; ayez donc pour moi cette commisération que je ne vous ai apprise ni par mes préceptes ni par mes exemples, dépouillez vos ressentiments, faites-moi quartier, et oublions l'un et l'autre que je ne vous l'ai jamais fait.

Cessez donc, nous vous en supplions, de violer inutilement l'humanité, en faisant usage d'un système impuissant comme instrument de terreur, impuissant comme moyen de défense, impuissant comme moyen de conviction, ruineux pour les relations futures des deux pays en cas de succès, et destructif de ces instruments de défense qui vous seront alors doublement nécessaires ; mais si telles ne sont pas vos résolutions, écoutez les nôtres : nous n'imiterons point votre cruauté, nous ne mettrons nul homme à mort de sang-froid ; les prisonniers qui tomberont entre nos mains seront traités avec le respect dû au malheur ; mais si un seul soldat irlandais est frappé hors du combat, notre armée aura ordre de ne faire quartier à qui que ce soit. Concitoyens, si une nécessité cruelle nous force aux représailles, nous ensevelirons notre ressentiment dans le champ de bataille ; si nous devons succomber, nous succomberons là où nous avons combattu pour notre pays ; pleins de cette résolution que l'expérience du passé nous a démontrée nécessaire, convaincus de la justice de notre cause qui va se juger maintenant, nous en appelons à Dieu et à notre épée, et comme la cause de l'Irlande mérite de prospérer, ainsi puisse le ciel lui donner la victoire !



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