Manifeste du Comité constitutionnel de la réforme et du progrès
par le
du 5 novembre 1847
Québec,
Imprimé par ordre du comité,
chez Fréchette & Frère,
propriétaires du Canadien.
Concitoyens,
Les électeurs de la cité et du comté de Québec, justement alarmés de la condition sociale et politique du pays, se sont assemblés le 28 juin et le 29 juillet dernier, et ont posé les bases d'une association destinée à veiller aux intérêts politiques du pays et à promouvoir les intérêts matériels du district de Québec en particulier.
Cette association est, depuis cette dernière date, régulièrement constituée à Québec sous le nom de « Comité constitutionnel de la réforme et du progrès » et c'est en son nom que nous vous invitons à vous associer sur tous les points du pays dans le but de surveiller et la politique générale, et les mesures d'un intérêt purement local, négligées en beaucoup d'endroits par un gouvernement qui fait, de toute entreprise publique, un moyen de corruption et un prétexte pour la dilapidation du trésor commun.
Par une des résolutions unanimement adoptées par l'assemblée du 29 juillet, il est déclaré « que le nombre des membres de l'assemblée législative du Canada est insuffisant pour représenter complètement et fidèlement les voeux et les besoins du peuple de cette province, et qu'il n'est point proportionné à la population du pays déjà considérable et qui s'accroît rapidement » et il est instamment recommandé au comité « de prendre toutes les mesures qu'il croira propres à obtenir une représentation plus nombreuse et plus en rapport avec la population des diverses parties du pays. »
Un rapide coup-d'œil sur notre histoire politique et sur notre situation présente devra nous convaincre de la vérité de cette assertion et de l'urgence de cette réforme que nous n'hésitons point à déclarer indispensable au bon gouvernement, à la paix et à la prospérité de cette province.
Sous l'ancienne constitution du Bas-Canada, la majorité de l'assemblée législative représentait réellement la majorité des habitants; mais une minorité très-petite, représentée dans la chambre par une minorité correspondante, formait exclusivement le conseil exécutif du gouverneur, exempt par-là même de toute responsabilité envers le peuple, composait de même presqu'exclusivement le conseil législatif, et se faisait gloire de gouverner en opposition constante aux voeux de la majorité des habitants du pays, tels qu'exprimés par la majorité de leurs représentants.
Ce système de gouvernement était poussé a un tel point que par ses résolutions et son adresse au Roi du 1er avril 1833, le conseil législatif avouait publiquement la mission de représenter les intérêts d'une minorité des habitants du pays, et que dans la session du parlement qui suivit immédiatement1, ceux des membres de la chambre d'assemblée qui soutenaient l'administration prenaient le nom de « membres de l'opposition ».
Un état de choses à-peu-près semblable régnait dans le Haut-Canada, et le résultat de ce régime a été dans les deux provinces une insurrection partielle2, à la suite de laquelle le Bas-Canada s'est vu privé du régime constitutionnel et électif, et livré franchement cette fois à une législature purement arbitraire3, qui durait encore à l'époque où la chambre élective du Haut-Canada discutait et acceptait les bases d'une réunion législative des deux provinces.
Lord Durham, qui, dans cet intervalle avait été investi lui-même de cette autorité presque sans limites4, déclara que cet état de choses n'était « qu'une subjuguation temporaire et forcée » et il supputa de plus qu'il en coûterait à la Grande-Bretagne, au calcul le plus bas, l'addition annuelle d'un million de livres sterling à ses dépenses coloniales, pour tenter de rendre un pareil système permanent.
Il déclara en même temps « que l'ancienne constitution (dont il signala tous les défauts) avait si mal opéré que ni l'un ni l'autre des partis politiques n'en souffrirait le rétablissement, et qu'aucun ami de l'ordre et de la liberté ne saurait désirer voir la province de nouveau, soumise à son influence pernicieuse. »
« Quant à tous les plans, qui proposent de faire d'une minorité réelle, une majorité électorale, par le moyen de modes nouveaux et étranges de voter, ou de divisions injustes du pays (ajoutait le haut-commissaire de Sa Majesté), je me bornerai à dire que s'il faut que les Canadiens soient privés d'un gouvernement représentatif, il serait beaucoup mieux de le faire d'une manière franche et directe que d'essayer d'établir un système permanent de gouvernement sur une base que le monde entier regarderait comme de vraies fraudes électorales. Ce n'est pas dans l'Amérique Septentrionale que l'on peut duper les gens par un faux semblant de gouvernement représentatif, ou qu'on peut leur faire croire qu'on l'emporte sur eux par le nombre, tandis que de fait, ils sont défranchisés5. »
Ce dernier système ainsi qualifié à l'état d'hypothèse est précisément celui qui a été mis en pratique depuis sept ans et sous lequel nous vivons. Les termes qu'employait lord Durham en 1839 pour flétrir une simple proposition, s'appliquent identiquement à l'ordre des choses qui existe en 1847.
Une minorité gouverne, tout comme elle gouvernait sous l'ancien régime, avec cette différence qu'au moyen de fraudes électorales, elle est devenue une majorité électorale, quoique faible et douteuse; et elle s'est emparée de toutes les branches de la législature. D'injustes divisions du pays ont été faits. De vastes comtés ont été réunis et fondus ensemble; tandis que des comtés, jouissant d'une population moindre de moité, ont été divisés en plusieurs. Des petites villes, de bourgs de 2,000 ou 4,000 âmes ont été doués du privilège d'élire un représentant, et ont acquis une importance politique que leurs habitants n'avaient jamais rêvée. Des comtés de 64,000 et 45,000 âmes, qui envoient un représentant au parlement, voient chaque jour la voix de ce représentant paralysé par le vote du représentant de quelqu'un de ces petits bourgs. Les six comtés de Montréal, de Québec, de Dorchester, de Huntingdon, de Saint-Maurice et des Deux-Montagnes, avec une population réunie de 144,810 âmes, n'ont que le même nombre de représentants que les cinq petites villes de Cornwall, de Niagara, d'Hamilton, de Sherbrooke, et des Trois-Rivières, et le comté de Russell, qui forment en tout une population de 12,254 âmes seulement. Enfin l'administration actuelle compte une ou deux voix de majorité dans l'assemblée législative, tandis que ses partisans ne représentent que 472,201 individus, et que ses adversaires en représentent 795,177!
D'un autre côté, les élections pour le premier parlement, depuis la réunion législative des deux Canadas, faites la plupart par la violence, le défranchissement, le choix de localités inaccessibles, l'intervention de bandes armées et stipendiées; et l'élection pour la cité de Montréal pour le second parlement en 1844, où d'autres bandes armées et organisées sous les yeux du gouvernement et aidées des troupes régulières ont assuré l'élection de deux hommes, qui n'auraient jamais pu se procurer la majorité des voix dans une élection libre et paisible; tous ces faits constituent indubitablement des modes nouveaux et étranges de voter.
Ces maux ont été infligés à la masse de la population du pays par suite des idées erronées, qui ont pu résulter, chez les hommes d'état de la métropole, d'un injuste parallèle entre les races d'hommes qui habitent cette partie de la province, d'une exagération également injuste de leurs antipathies nationales réciproques, et d'une conclusion (contredite cependant dans les détails du tableau qu'il avait fait) en faveur d'une race contre l'autre, par le haut personnage à qui nous venons de faire allusion, et qui dans le même document que nous venons de citer, s'efforce en vain d'amalgamer des principes constitutionnels de la plus haute sagesse à de regrettables préventions. Quelques-uns ont même avoué le dessein de punir la population française du Bas-Canada d'un insurrection partielle, provoquée par quarante-huit années d'un état de choses déclaré pernicieux, et imposé à cette colonie par le gouvernement impérial et ses agents. Des intrigues mercantiles, dénoncées dans la chambre des lords, dans ces termes mêmes, par lord Gosford, qui avait été le dernier gouverneur du Bas-Canada, contribuèrent aussi à la passation de l'acte du parlement-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, 3 et 4 Victoria, chapitre 356.
Par cet acte, deux provinces entièrement différente de religion, de langage, de lois, de mœurs, d'habitudes sociales et politiques, auxquelles on avait créé à dessein une existence séparée, furent réunies en une seule sans le consentement de l'une d'elles, et malgré l'opposition formelle exprimée par les 40,000 signatures apposées aux requêtes solennelles des habitants du Bas-Canada7.
Que les états métropolitains se croient permis de se jouer des destinées de leurs colonies, qu'ils pensent, pouvoir y établir aujourd'hui un régime suivant que les phases de leur propre politique paraissent l'exiger; la force seule peut leur garantir la durée de pareils arrangements. Une société coloniale ou autre régulièrement constituée et reconnu par une longue existence politique ne saurait être contre son gré réunie à une autre société sans que cela constitue un de ces abus de pouvoir que rien ne saurait légitimer. Il est bien vrai que l'on a inventé le terme commode de fait accompli, pour pallier temporairement l'injustice, mais on a vu même après des siècles, le sentiment de cette injustice se réveiller; tous les maux, toutes les misères, toute la corruption de la société attribuées à la violence première; et le fait accompli, cité de nouveau au tribunal de l'opinion du monde civilisé.
Dans le cas présent tout a concouru pour rendre moins légitime un acte arbitraire de sa nature. Les détails de l'acte ont été aussi mauvais que son principe. La population du Haut-Canada, moins nombreuse d'un tiers a été douée d'une représentation égale à celle du Bas-Canada; une liste civile permanente a été imposée à la législature rendant par là illusoire son contrôle sur le gouvernement8; une dette d'un million et demi contractée par et pour le Haut-Canada avant la réunion des provinces, a été portée sur le fonds consolidé de la Province-Unie, et la langue française de la majorité des habitants du pays, langue admirée de l'univers entier, imposée autrefois à l'Angleterre elle-même, a été exclue des archives parlementaires, et du texte des lois9.
Non seulement on a violemment changé la condition politique de plus d'un demi million d'hommes, tous, sujets britanniques, descendant des deux plus grandes nations du monde, occupant un des territoires les plus anciennement colonisés de l'Amérique, et plus vaste que celui de la mère-patrie, jouissant de fait, d'une civilisation plus avancée que celle de la plupart des pays continentaux de l'Europe; mais encore on a soumis cette population à la domination d'une autre population moindre par le nombre et qui ne lui est nullement supérieure en lumière et en industrie.
Alors, même, que l'on proclamait une réunion législative, on semait les germes d'une longue division politique10. On créait entre les sujets d'un même empire, habitant désormais une même province, une double distinction de nationalité et de localité. Un sujet britannique, habitant le Haut-Canada, est déclaré valoir plus politiquement, et a de fait une plus grande part de pouvoir politique, et par là même plus de liberté qu'un de ses co-sujets résidant dans le Bas-Canada. La masse entière de la population du Haut-Canada d'origine britannique est déclarée supérieure à la masse de la population du Bas-Canada d'origine française, est dotée d'une plus forte proportion du pouvoir public, d'une plus grande part d'indépendance et de liberté. La nouvelle constitution décrétait ainsi en droit, et a établi en fait, l'oppression du Bas-Canada comme localité, l'oppression des Canadiens-français comme race.
L'esprit de parti a fréquemment attribué les plaintes des opprimées à un désir de domination de leur part, et c'est en leur inspirant la crainte d'être tyrannisés à leur tour, par ceux même qu'ils tyrannisent; que les chefs d'une oligarchie effraient et dominent leurs partisans. « L'injustice n'est point naturelle à l'homme (a dit un grand écrivain11) et ce n'est qu'en lui faisant croire que sa liberté est en danger qu'on peut l'amener à attenter à la liberté d'autrui. » Aussi parce que les Canadiens français, maltraités comme tels, ont dû se plaindre et faire allusion à leur origine, puisqu'on en faisait une démarcation d'infériorité, on a attribué leur plaintes à la jalousie nationale, on leur a supposé des vues exclusives que dément toute leur histoire politique; on a excité contre eux les préjugés nationaux.
Ils n'étaient cependant point seuls à se plaindre. Plusieurs hommes d'origine britannique dans le Bas-Canada, distingués par leurs connaissances et leur expérience, réclamaient les libertés de tous, ne croyaient point que l'oppression pût être bonne à quelque chose, et ne se consolaient point de se voir ravir une portion de leurs droits, en songeant que leurs concitoyens d'une autre origine étaient plus maltraités qu'eux.12
Leurs prévisions étaient aussi sages que leurs sentiments étaient généreux. La dégradation politique de la majorité des habitants du Bas-Canada n'a pu être opérée, qu'au détriment des intérêts locaux de cette partie de la province, et toutes les classes de la société en ont également souffert. Ceux qui dans l'administration provinciale ont prétendu représenter une minorité du Bas-Canada n'ont de fait représenté que les intérêts ou les caprices de leurs collègues; ils ont été des instruments dans leurs mains, toujours prêts à être sacrifiés à l'accroissement de l'influence de ces derniers. Le jour est venu où la minorité des habitants du Bas-Canada doit comprendre que ses intérêts bien entendus sont les intérêts de la majorité; ou plutôt qu'il n'existe qu'un intérêt commun, celui de la prospérité morale et matérielle du pays, objet qui ne peut être atteint que par le sacrifice de tous les préjugés et de toute antipathie nationale; par un effort commun pour le développement des vastes ressources qu'offre cette contrée à tous ses habitants. Elle doit être aussi convaincue que l'égalité politique est une condition indispensable à cette harmonie et à ce commun effort d'où dépend le bonheur de tous et que des avantages sectionnaires basés sur des fraudes électorales ne peuvent tourner comme ils n'ont tourné en effet qu'au détriment de ceux à qui ils sont destinés à servir de leurre et d'appât.
Sept années ne se sont pas encore écoulées et l'ordre de choses fondé sur une base injuste, donne déjà des sujets de plaintes aux hommes de toutes les origines, de toutes les croyances, de toutes les opinions, de toutes les localités. Partout le mal est tellement incontestable qu'il ne reste plus de prétexte pour calomnier ceux qui se déclarent mécontents. Il n'y a point de principes qui tiennent unis les hommes qui se sont emparé du pouvoir; il n'y a point de dénomination politique qui puisse s'appliquer à leurs partisans, il n'y a point d'épithète injurieuse qui puisse être adressée à la masse du pays qui les répudie. Il y a pour toute distinction d'une part une corruption sans exemple, de l'autre une honnêteté et universelle indignation.
Une seule chose aurait pu prévenir un résultat aussi déplorable, une stricte et sincère adhésion aux principes de gouvernement suivis dans la mère-patrie, et sans lesquels toute constitution coloniale quelque soit d'ailleurs la base de la représentation ne sera jamais qu'une parodie dangereuse, un instrument impuissant pour le bien, également fatal et aux colons, aux mains de qui on l'aura confié, et à la métropole qui leur aura fait un tel présent.
Avec l'application de ces principes, même sous une répartition électorale vicieuse, l'opinion véritable du pays peut se faire jour, et les voeux de la majorité réelle se faire respecter de la majorité factice. Nous en avons eu une courte expérience.
Les résolutions adoptées par l'assemblée législative le 3 septembre 1841, contiennent un exposé de ces principes; elles font époque dans nos annales parlementaires et sont conçues dans les termes suivants:
1. Résolu, que le plus important et le plus incontestable des droits politiques du peuple de cette province est celui d'avoir un parlement provincial pour la protection de ses libertés pour exercer une influence constitutionnelle sur les départements exécutifs de son gouvernement, et pour législater sur toutes les matières de gouvernement intérieur.
2. Résolu, que le chef du gouvernement exécutif de la province étant dans les limites de son gouvernement le représentant de son Souverain, est responsables aux autorités impériales seulement, mais que néanmoins nos affaires locales ne peuvent être conduites par lui qu'avec l'assistance et au moyen, par l'avis et d'après les informations d'officiers subordonnés dans la province.
3. Résolu, que pour maintenir entre les différentes branches du parlement provincial l'harmonie qui est essentielle à la paix, au bien-être et au bon gouvernement de la province, les principaux aviseurs du représentant du Souverain, constituant sous lui une administration provinciale, doivent être des hommes jouissant de la confiance des représentants du peuple, offrant ainsi une garantie que les intérêts bien entendus du peuple, que Notre Gracieuse Souveraine a déclaré devoir être en toute occasion la règle du gouvernement provincial seront fidèlement représentés et défendus.
4. Résolu, que le peuple de cette province a de plus le droit d'attendre de l'administration provinciale ainsi composée qu'elle emploiera tous ses efforts à ce que l'autorité impériale dans ses limites constitutionnelles soit exercée de la manière la plus conforme à ses voeux et à ses intérêts bien entendus.
Il n'y a dans ce document important aucune réserve pour des cas qui ne seraient point jugés offrir une importance adéquate; et l'on y a tout-à-fait omis de pourvoir à l'antagonisme qui pourrait se déclarer entre le représentant de la Souveraine d'une part, et ses conseillers jouissant de la confiance des représentants du peuple, de l'autre. L'assemblée législative qui a adopté ces résolutions par une majorité de 56 voix contre 7, et le gouvernement exécutif d'alors, qui, par un de ses membres, avait fait proposer ces résolutions, paraissaient également convaincus de l'importance de toutes nos affaires locales, et, bien loin de s'imaginer que le représentant de la Souveraine pût entretenir aucun mauvais vouloir contre ses conseillers, aussi longtemps qu'ils jouiraient de la confiance publique; bien loin surtout de croire que la responsabilité du gouverneur envers les autorités métropolitaines doive diminuer en rien la responsabilité de ses conseillers envers le peuple de cette colonie; on chargeait, par la dernière de ces résolutions, l'administration provinciale d'employer tous ses efforts pour que l'autorité impériale, dans ses limites constitutionnelles, fût exercée de la manière la plus conforme aux voeux et aux intérêts du peuple
L'un et l'autre de ces résultats ont été obtenus sous le gouvernement de sir Charles Bagot, et tandis que, d'une part, la plus grande tranquillité, la plus grande confiance régnaient d'un bout à l'autre du pays, l'administration qui fut formée par ce gouverneur tant regretté, tout en maintenant avec le gouvernement métropolitain l'harmonie et les bons rapports si désirables en toute circonstance, a su par sa fermeté et son patriotisme assurer des concessions importantes de la part de ce gouvernement; et, bien que quelques-unes aient été accordées depuis qu'elle s'est retirée du pouvoir, elles n'en sont pas moins pour la plus grande partie son ouvrage.
Une majorité puissante dans l'assemblée législative assurait un gouvernement ferme et modéré, concédant progressivement au parti qui l'avait porté au pouvoir les justes réformes qu'il sollicitait, et ralliant autour de lui par sa sagesse ceux même qui auraient pu redouter son action politique. Une confiance réciproque régnait entre le représentant de la Souveraine et ses conseillers constitutionnels, forts de l'appui des représentants du peuple; enfin une harmonie parfaite existait entre les membres de cette administration. Ceux-ci, loin d'être uniquement préoccupés de rendre leur position collective et individuelle la plus durable possible (ce qui les aurait amenés à des sacrifices de principes d'un côté, et de l'autre à des intrigues personnelles dans le but de se supplanter les uns les autres), dès qu'ils ont vu que le successeur de sir Charles Bagot leur refusait le droit de consultation dans certaines affaires qu'il prenait sur lui de considérer comme n'étant point d'une importance suffisante, et avouait un antagonisme qui de sa part ne pouvait signifier rien autre chose qu'une détermination de se passer de leurs avis; ces conseillers, disons-nous, ont, dès ce moment, fait le sacrifice de leur position collective comme administration, en offrant simultanément leur démission; et ils ont tous, à l'exception d'un seul fait le sacrifice de leur position individuelle en persévérant dans cette démarche.
Les difficultés qui s'élevèrent entre le gouverneur et ses conseillers, dans le simple exposé des faits qui avaient été la cause de leur retraite, démontrèrent quel besoin ont ceux-ci, pour remplir fidèlement leur mandat, de la confiance entière de leurs constituants. Le gouverneur prétendait que ses conseillers avaient exigé de lui des stipulations inconstitutionnelles, qu'ils avaient émis la prétention de lui imposer leurs avis comme des lois, qu'enfin ils ne visaient à rien moins qu'à l'usurpation absolue de la prérogative royale. C'était d'ailleurs, selon lui, un conflit d'opinions sur une théorie, une difficulté que l'on avait suscitée mal-à-propos, et que lui-même n'avait point recherchée. Les conseillers, au contraire, prétendaient n'avoir insisté que sur le droit d'être consultés d'abord, d'être ensuite informés de la détermination du gouverneur après que celui-ci aurait pesé leur avis, libre à lui de ne pas le suivre, et libre à eux de ne pas accepter la responsabilité de sa décision, en ne demeurant pas au pouvoir. Ils affirmaient de plus « que la différence d'opinion entre le gouverneur et eux-mêmes n'existait point simplement en théorie; qu'elle avait amené non-seulement des nominations à des charges contre leur avis, des nominations et des offres d'emploi, qui n'avaient été en aucune manière portées à leur connaissance qu'après que l'occasion de donner leur avis à cet égard eût été passée; mais encore la détermination de la part de Son Excellence de réserver pour l'expression du plaisir de Sa Majesté un bill introduit dans le parlement provincial à la connaissance et du consentement de Son Excellence, comme mesure du gouvernement, sans informer les membres du conseil exécutif qu'il serait probablement réservé. Ils se sont trouvés (ajoutaient-ils dans le mémoire transmis au gouverneur en leur nom par M. Lafontaine) dans la situation anormale, d'après leurs propres déclarations et leurs promesses solennelles et publiques, d'être responsables de tous les actes du gouvernement exécutif au parlement, et en même temps privés non-seulement de l'occasion d'offrir leur avis relativement à ces actes, mais encore de la connaissance de leur existence jusqu'à ce qu'ils en eussent été informés par des voies privées et non officielles. »
De prime abord des hommes, qui n'auraient pas joui parfaitement de la confiance de la majorité du pays, ...
.. page 11 à 26.
COMITÉ CONSTITUTIONNEL DE LA RÉFORME ET DU PROGRÈS.
À une assemblée générale de cette association tenue le 5 novembre, à l'école de M. Dion, sous la présidence de JOSEPH LÉGARÉ, fils, écuyer, président-adjoint du comité, il fut fait rapport de la part du comité spécial nommé pour préparer un manifeste conformément aux instructions et résolutions de l'assemblée publique du 30 juillet dernier; alors la résolution suivante fut adoptée à l'unanimité.
Sur motion de J. P. Rhéaume, écuyer, secondé par Ls. Bilodeau, écuyer,
Que le manifeste qui vient d'être lu soit adopté et adresse aux principaux citoyens des diverses localités de la province, et que les journaux français et anglais du pays soient priés de le publier.
Après quoi l'assemblée s'ajourna.
N. AUBIN,
Secrétaire archiviste.
Voici d'après le dernier recensement les détails officiels de la population des comtés dont il est parlé plus haut.
Montréal, 64,895
Québec, 45,676
Dorchester, 34,826
Huntingdon, 36,204
Deux-Montagnes 26,936
St-Hyacinthe, 21,273
---
229,810
Cornwall, 1,439
Niagara, 2,090
Hamilton, 2,152
Trois-Riv., 3,297
Russell, 2,481
Sherbrooke, 795
---
12,254
Différence de la
population des vil-
les de Québec et
Montréal, 85,000 / 144,810