Grande assemblée de la confédération des six-comtés à Saint-Charles


Grande assemblée de la confédération des six-comtés à Saint-Charles
Sujets patriotes
23 et 24 octobre 1837



23 octobre

L'assemblée du 23 courant à St-Charles fera époque dans l'histoire du Canada. Les habitants les plus marquants des six comtés ont fait preuve de patriotisme, de zèle et d'union; ils se sont montrés dignes de leur patrie et ils ont réalisé les espérances des bons patriotes. Honneur donc à ces braves et dignes citoyens! Chacun paraissait pénétré de l'importance des travaux du jour. À midi précis, un coup de canon ayant été tiré, les citoyens réunis des six comtés, dont la population est un sixième de celle de toute la province, s'approchèrent, en même temps que les délégués des différentes paroisses. Le local choisi pour cette magnifique réunion se trouvait précisément voisin de la demeure du fameux renégat Debartzch. En tête de la phalange patriotique se trouvait le grand réformiste, l'honorable M. Papineau, habillé en étoffe du pays. Arrivé sur le terrain, M. Papineau fut salué par la décharge d'une centaine de fusils et des coups de canon.

On avait érigé au centre du terrain où devait se faire la réunion un superbe hustings sur lequel monta M. Papineau, accompagné des principaux de l'assemblée. M. Wolfred Nelson, de St-Denis, ayant été appelé à la présidence, Messrs J. T. Drolet, de St-Marc, et F. C. Duvert, de St-Charles, furent choisis comme vice-présidents.

La réunion présentait ici le coup d'oeil le plus magnifique. Une compagnie d'environ cent miliciens sous les armes se tenait sur les derrières, disposé dans le plus bel ordre, sous le commandement des braves capitaines Lacaisse et Jalbert, deux des officiers démis par lord Gosford, mais élus depuis par et pour le peuple. Une foule de drapeaux et de bannières flottaient dans les airs et faisaient lire, entr'autres, ces inscriptions :

« Fuis, Gosford, persécuteur des Canadiens! » — « Vive Papineau et le système électif! » — « Honneur à ceux qui ont renvoyé leurs commissions, et à ceux qui ont été démis, infamie à leurs successeurs! » — « Nos amis du Haut-Canada : notre force est dans notre union » — « Honneur aux braves Canadiens de 1813 : le pays espère encore leur secours » — « INDÉPENDANCE » — « Les Canadiens meurent mais ne savent pas se rendre! » — « Conseil législatif! » représenté par une tête de mort et des os en sautoir. — « Papineau et la majorité de la chambre d'assemblée! » — « Conseil électif, sine qua non! » — « Liberté, nous vaincrons ou mourrons pour elle! » — « À bas Debartzch! » etc.

 
Toile intitulée « L'Assemblée des six comtés », réalisée par le peintre Charles Alexander Smith en 1890-1891

On remarque avec satisfaction sur les lieux tous les principaux citoyens de la rivière Chambly, puis le nombre de citoyens influents des parties éloignées du district. Voici les noms des membres de la chambre d'assemblée qui s'y trouvait :

L'hon. J. Papineau, l'hon. M. Malhiot, L. M. Viger, ecr., M.P.P., J. T. Drolet, ecr., M.P.P., J. Dorion, ecr., M.P.P., A. B. Papineau, ecr., M.P.P., C. O. Perrault, ecr., M.P.P., J. J. Girouard, ecr., M.P.P., E. E. Rodier, ecr., M.P.P., L. Lacoste, ecr., M.P.P., C. H. O. Côté, ecr., M.P.P., E. B. O'Callaghan, ecr., M.P.P., L. R. Blanchard, ecr., M.P.P.

Le Dr. Bouthiller n'a pu assister, pour cause de devoirs professionnels.

L'honorable et digne président porta la parole le premier; il expliqua au long le but de l'assemblée et termina par annoncer qu'une députation du comté de l'Acadie se présentait avec avec une adresse aux cinq comtés demandant d'être admis dans la confédération. Là-dessus la délégation du comté de l'Acadie vint en avant, monta sur le hustings, pavillons déployés et fut présentée à l'assemblée, qui l'accueillit avec enthousiasme. Le Dr. Côté, portant la parole au nom de la délégation, soumit la proposition qu'elle était chargée de faire, et là-dessus motion fut faite de joindre l'Acadie au cinq comtés, ce qui fut agréé avec acclamations. Des coups de canon et une décharge de mousqueterie annoncèrent au loin la passation de cette mesure.

Cela fait, M. le président présenta l'honorable M. Papineau à l'assemblée en disant : « Approchez, Canadien illustre, venez réjouir par votre présence, les coeurs de vos concitoyens opprimés, outragés, et permettez qu'ils bénissent à haute voix le défenseur de leurs droits et le bienfaiteur de leur pays. » Ces mots prononcés avec solennité firent une profonde sensation. L'homme du peuple approcha avec calme et dignité, et aussitôt le cri de « vive Papineau! » partit de la foule, dont l'enthousiasme était au comble. M. Papineau lui adressa ensuite un discours des plus éloquents et qui provoqua les plus vifs applaudissements.

MM. L. M. Viger, L. Lacoste, représentant du comté de Chambly, de Dr. Côté, du comté de l'Acadie, T. S. Brown et Girod prirent la parole ensuite. Après qui les résolutions préparées par les délégués furent soumises et unanimement adoptées.

Ce qui suit est un rapport de procédés des six comtés jusqu'à lundi soir.


Mémoire des citoyens du comté de l'Acadie

À une assemblée générale des citoyens de cinq comtés de Richelieu, St-Hyacinthe, Rouville, Chambly et Verchères dûment convoquée et tenue à St-Charles, lundi 23 octobre 1837

Le Dr. Wolfred Nelson de St-Denis fut nommé président, MM. Dr. Fr. Ch. Duvert, et Jos Touss. Drolet, M.P.P. de St-Marc, vice-présidents, MM. A. Girod et J. P. Boucher Belleville l'un de Varennes, l'autre de St-Charles, secrétaires.

Il se présenta une députation du comté de l'Acadie, présidée par le Dr. C. H. O. Côté, M.P.P. de Napierville, demandant l'admission de ce comté dans la confédération de ces cinq comtés.

Mémoire des citoyens du comté de l'Acadie aux électeurs des comtés de Richelieu, Verchères, St-Hyacinthe, Chambly et Rouville

Concitoyens,

C'est dans un temps de crise extraordinaire que vous vous réunissez tous pour proclamer vos droits et pour dénoncer la tyrannie d'un gouvernement à jamais odieux pour tout bon patriote canadien. Combien est noble l'exemple que vous nous donnez aujourd'hui! Combien vos compatriotes vous admirent! N'en doutez pas, concitoyens, la postérité chantera vos vertus civiques. La patrie déchargée du fardeau, qui l'opprime aujourd'hui, célébrera avec promesse et reconnaissance l'anniversaire de ce jour fortuné où vous vous assemblâtes tous pour délibérer sur ses intérêts les plus sacrés. Pour nous concitoyens, après avoir offert à l'Éternel nos prières les plus ferventes pour le succès de la cause commune de la patrie, nous sommes prêts à faire le sacrifice de tout ce que nous avons de plus cher au monde, pour arracher au vil esclavage, le sol, qui nous a vu naître, qui nous nourrit aujourd'hui, qui renferme nos familles, nos propriétés et les cendres de nos pères et destiné par la nature à recevoir nos dépouilles mortelles lorsque nous aurons cessé de vivre. Chargés par les électeurs du comté de l'Acadie de vous adresser ce mémoire, nous ne pouvons laisser échapper cette belle occasion sans vous rendre la justice, qui vous est due à de si justes titres. Votre patriotisme pur et indépendant a toujours fait notre admiration et c'est avec joie, concitoyens, que nous nous faisons un devoir de déclarer ici que grand nombre de nos procédés sont dus au bel exemple qu'un de vos comtés (Richelieu) n'a cessé de donner à cette province entière dans la lutte, qui s'est engagée dans ce pays entre l'orgueilleuse aristocratie et l'invincible démocratie. Le peuple entier de cette province répudie la première, pour se ranger tout entier sous les drapeaux de la seconde. Nés nous-mêmes enfants de ce peuple dont nous chérissons les droits, vivant parmi des compatriotes, dont les seuls désirs sont le bonheur et l'égalité de tous, sentant le dégoût le plus profond pour tout ce qui tend à l'aristocratie, dont l'oppression du grand nombre en faveur du petit nombre paraît être le seul mobile, nous ne pouvons avoir d'autres principes que ceux de la démocratie la plus pure. En vain l'aristocratie corrompue de l'Angleterre veut-elle venir établir ses domaines sur les Canadas. Le peuple n'y consentira jamais; son cri sera toujours pour la liberté, le pain de la vie et contre le despotisme, la nourriture de vils esclaves. Le peuple est fait pour dominer et non pas pour être maîtrisé; sa voix doit être écoutée; sa volonté consultée, ses lois respectées et ses ordres obéis.

Le système honteux et avilissant que la métropole a constamment suivi à notre égard ne nous laisse plus d'espoir d'obtenir justice. — Ses injustices récentes en pillant nos trésors nous font voir que nous ne sommes plus en sûreté dans cette colonie. Concitoyens! si l'on n'a pas encore ouvertement attenté à nos vies c'est que notre position géographique tient nos ennemis en balance et en respect. La malheureuse Irlande, riche par la nation, appauvrie par le joug de fer qui l'opprime aujourd'hui, est un exemple frappant de ce qu'oseraient faire nos lâches ennemis, s'ils ne craignaient le voisinage d'une république fière des droits du peuple.

Concitoyens! rallions-nous d'un bout à l'autre de cette province. Faisons voir à l'univers entier que nous sommes des hommes qui méritent d'être indépendants. Faisons sentir à nos ennemis, que s'ils n'ont pas respecté la justice de nos plaintes il nous reste encore un moyen de les arrêter dans leurs profits iniques.

Concitoyens! le noble exemple que vous nous avez donné en unissant vos cinq comtés en une confédération a donné l'idée aux électeurs du comté de l'Acadie de solliciter l'admission de leur comté dans votre confédération et c'est cet honneur que nous osons solliciter aujourd'hui de votre part.

Chargés par le comité de vigilance de St-Cyprien de vous faire cette demande au nom des électeurs de ce comté, nous prenons sur nous de vous faire remarquer que la position géographique du comté que nous représentons aujourd'hui nécessite son adhésion aux vôtres et puis concitoyens, daignez ne pas oublier le patriotisme des habitants de ce comté. Trompés indignement dans une première élection, ils ont su se venger noblement dans une seconde nomination de candidats qui devaient les représenter en parlement. Ils ont eu aussi leur part des ridicules persécutions d'un gouverneur faible et inhabile à tenir les rênes du gouvernement de cette province. La proclamation intempestive et imbécile a rencontré partout le mépris des honnêtes gens. Nos frères les industriels de Londres n'ont pu s'empêcher de s'apitoyer à la lecture de ce mince document destiné à flétrir la réputation d'hommes probes et vénérés de tout le pays. Ces destitutions injustes et arbitraires ont eu l'effet dans cette partie du pays de réchauffer les tièdes, de redoubler l'activité des patriotes zélés et de jeter le gouvernement provincial dans le mépris le plus profond, de même que les résolutions iniques de lord John Russell avaient fait du gouvernement métropolitain.

Concitoyens! dans un temps de crise aussi important pour les destinés de ce pays, (notre patrie commune) comme députés des électeurs du comté de l'Acadie nous vous demandons l'admission de ce comté dans votre confédération et permettez nous concitoyens de vous assurer que jamais les électeurs du comté que nous avons l'honneur de représenter aujourd'hui ne seront surpassés par ceux d'aucun autre en fait de patriotisme, qu'au contraire ils auront toujours présent à leur mémoire le motto des dignes et braves Fils de la liberté « En avant! ».

Avant de finir concitoyens, permettez nous de vous faire remarquer que comme il est utile que chaque corps ait son chef, personne au monde ne nous semble plus digne de conduire la phalange patriotique que celui qui a passé sa vie entière à défendre avec talent nos droits et nos libertés. Concitoyens, à ces traits vous devez reconnaître l'homme du peuple L. J. Papineau, le défenseur des droits canadiens. — Sous sa conduite, sous son égide le pays se relèvera du précipice où il est maintenant englouti par les machinations machiavéliques d'un gouvernement despote.

En attendant, concitoyens, le jour où paraîtra la nouvelle étoile pour le bonheur du Canada, nous formons des vœux sincères que tout nous soit prospère dans l'œuvre saint que nous avons entrepris.

Nous sommes, concitoyens, vos frères démocrates.

Signé : C. H. O. Côté, C. Huot, J. B. Lukin.

Comté de l'Acadie,
ce 21 octobre 1837


Sur motion de M. Siméon Marchesseau de St-Charles, secondée par le Dr. E. N. Duchesnois de Verennes.

Résolu que les habitants électeurs de cinq comtés admettent avec transport dans leur corps leurs braves concitoyens de l'Acadie.

Ordonné que le mémoire du comté de l'Acadie présenté à cette assemblée soit inséré tout au long dans les minutes de l'assemblée.

Lu les lettres d'excuses des majors J. Bertrand et Constant Cartier père de la paroisse de Ste-Marguerite de Blairfindie, comme délégués de cette paroisse à cette assemblée, alléguant cause de maladie ordonné qu'elles soient insérées.

Sur motion de M. A. Girod, de Varennes, secondée par Fr. Ch. Duvert, de St-Charles.

Résolu que les comtés de Laprairie et Missisquoi soient invités à se joindre à la confédération de ces six comtés, comme étant destinés par leur situation géographique même à former une partie intégrante de ces comtés, et comme partageant les mêmes opinions, les mêmes principes patriotiques que professent les six comtés.

Résolutions sur l'état de la province

Proposé par M. le Dr. W. Nelson, de St-Denis, secondé par M. le Dr. Davignon de Ste-Marie.

1.— Qu'à suite et à l'exemple et des sages et des héros de 1779 (sic) nous tenons pour évidentes et répétons les vérités suivantes, que tous les hommes sont créés égaux; qu'ils ont reçu de leur créateur certains droits inaliénables; qu'au nombre de ces droits sont la vie, la liberté et la recherche du bonheur, que c'est pour la protection et la garantie de ces droits que les gouvernements ont été institués parmi les hommes, ne recevant leur juste autorité que du consentement des gouvernés, qu'alors qu'une forme de gouvernement devient destructive de ces fins, c'est le droit du peuple de l'altérer ou de l'abolir, et d'instituer un nouveau gouvernement, d'en asseoir les bases sur les principes, d'en organiser les pouvoirs sous les formes, qui lui paraîtront les plus propres à lui procurer bonheur et sûreté.

Proposé par M. René Boileau de Chambly, secondé par M. le capitaine Vincent de Longueuil.

2.— Que l'autorité de la Grande-Bretagne sur les Canadas ne peut et ne doit durer qu'avec la bonne volonté de leurs habitants, et ne peut s'appuyer sur la force brute qui ne confère point de droits, mais donne une injuste puissance qui ne doit valoir que jusqu'au jour d'une résistance efficace. Qu'à plus forte raison ils ont le droit de demander et d'obtenir, comme condition de leur allégeance volontaire, tels changements et telles améliorations dans la forme de leur gouvernement, que leurs besoins, les progrès du pays depuis 1791 et leur présente situation, rendraient nécessaires à leur contentement et à leur bien-être.

Proposé par M. Louis Marchand de St-Mathias, secondé par M. F. Marie Tetro de St-Hilaire.

3.— Que les destitutions arbitraires ordonnées depuis plus de trois mois; qui n'ont pas cessé encore mais se continuent journellement par le gouverneur en chef, contre une foule de juges de paix, d'officiers de milice et de commissaires pour la décision sommaire de petites causes dans les paroisses de campagnes, pour le fait d'avoir pris part aux procédés d'assemblées de comtés tenues par le peuple en revendication de ses droits envahis, prouvent jusqu'à l'évidence qu'il abuse indignement de la prérogative de la couronne, en vue d'éloigner de ces charges, ceux qui après les avoir exercées avec intégrité et indépendance, avaient obtenu pour eux-mêmes l'estime et la confiance publiques, pour la loi, le respect et l'attachement du peuple, afin de les remplacer par des instruments serviles, disposés à favoriser sa politique violente; même sous le poids du mépris universel de leurs concitoyens.

Proposé par M. L. Lacoste, M.P.P., de Boucherville, secondé par M. Th. Franchère de St-Mathias.

4.— Qu'il devient urgent dans des circonstances aussi fâcheuses de remplacer les officiers qu'une administration ennemie du pays nommera à ces charges par des hommes dignes de confiance. Que toutes les paroisses des six comtés sont invitées simultanément entre le premier de décembre et le premier de janvier prochains, d'élire des juges de paix et amiables compositeurs et des officiers de milice. Et que pour leur élection et juridiction les règlements du comté de lac des Deux-Montagnes soient provisoirement adoptés.

Proposé par M. T. Drolet M.P.P., secondé par M. le Dr. Duchesnois de Varennes.

5.— Qu'en même temps que sous les peines énoncées dans les dits règlements et sous les liens plus puissants de l'honneur, les réformistes des six comtés donneront aux officiers par eux choisis, obéissance et assistance au plus haut degré possible, ils formeront une opposition systématique contre les officiers qui seront nommés par lors Gosford de ce jour à celui de son départ de la province, leur refusant leur confiance, ne leur prêtant pas une aide cordiale, n'obtempérant à leurs ordres qu'autant qu'ils ne pourraient s'en dispenser, sans une violation manifeste des lois; et se cotisant pour les faire poursuivre et punir dans tous les cas où ils rendront coupables d'abus de pouvoir.

Proposé par M. le Dr. Duvert de St-Charles, secondé par M. le Dr. Allard, de Boleil.

6.— Que les habitants des six comtés se sont justement attendus, que le peuple ne voudrait pas continuellement être privé des bienfaits d'une législature locale, et que le conseil législatif serait amélioré de manière à assurer sa coopération avec la branche représentative de la législature, et son respect pour les besoins et les voeux de la masse du peuple, que loin d'avoir vu se réaliser de si justes espérances, on a au contraire dernièrement appelé à siéger dans le conseil un nombre de personnes, qui presque sans exception non seulement ne jouissent pas de la confiance publique, mais s'en sont rendues indignes sous tous les rapports et qui par leur conduite et leurs opinions publiques se sont rendues l'objet de la haine du pays.

Proposé par M. P. Amiot, M.P.P, secondé pas M. le capt. Bonnin, de St-Ours.

7.— Que cette assemblée déclare que les dernières nominations au conseil exécutif de cette province sont également indignes de la confiance publique comme le sont les nominations au conseil législatif, qu'elles sont d'autant plus scandaleuses, qu'elles continuent le cumul des places, un des abus que le lord Gosford avait lui-même dénoncés et comme gouverneur en chef et comme commissaire royal et qu'elles confient aux mêmes mains des pouvoirs législatifs et exécutifs et judiciaires.

Proposé par M. François Papineau de St-Césaire, secondé par M. lt. Bon. Viger, de Boucherville.

8.— Que cette assemblée ne voit dans ces différentes nominations rien autre chose que la continuation du vieux système de fraude et de déception qui enfin a déraciné tout sentiment de confiance et dans le gouvernement de la métropole, et dans celui de la colonie et dans le conseil législatif, tel que maintenant constitué, qu'une preuve d'hostilité invétérée contre les demandes réitérées du pays; qu'une détermination opiniâtre et tyrannique de la part du gouvernement de sa majesté de protéger, et perpétuer les abus et griefs dont se plaint un peuple trop patient.

Proposé par M. Jos. Cormier de Contrecoeur, secondé par M. Clém. Gosselin de St-Hilaire.

9.— Que les différents griefs et abus qu'a soufferts cette colonie pendants une longue série d'années ont été si souvent détaillés par les représentants du peuple que le gouvernement de Sa Majesté et le parlement britannique ont admis leur existence, qu'il devient inutile de les récapituler ici, vu qu'ils ont été dernièrement dénoncés par le peuple dans les assemblées primaires respectives des comtés, et que des mesures pour y remédier ont été proposées sur lesquelles les six comtés insistent à nouveau.

Proposé par M. Ls. Blanchard, M.P.P., de St-Hyacinthe, secondé par M. Jos. Sené, de St-Damas.

10.— Qu'au lieu d'avoir honnêtement redressé les dits griefs et abus, tel qu'il était de leur devoir de le faire, le gouvernement britannique et les deux chambres du parlement impérial ont menacé et ont intention d'anéantir les droits fondamentaux de cette colonie. Et afin de forcer le peuple dans une basse et abjecte soumission à l'oppression qu'on lui prépare, on a recours au même système de coercition et de terrorisme qui a déjà flétri l'autorité britannique en Irlande. Que les magistrats et les officiers de milice jouissant de la confiance de leurs concitoyens, sont insolemment privés de leur office, parce qu'ils affectionnent trop leur pays pour sanctionner une agression inconstitutionnelle ou laisser violer impunément leurs libertés; et comme comble de nos malheurs, le présent gouverneur en chef a dernièrement introduit de grands corps de troupes armées dans cette province, dans un temps de paix profonde, pour détruire par la force physique toute résistance constitutionnelle, et pour compléter par la désolation et la mort, l'oeuvre de tyrannie déjà résolue et autorisée au-delà des mers.

Proposé par M. Laurent Bédard de St-Simon, secondé par M. I. Boudreau de Ste-Marie.

11.— Que tandis que nous trouvons lord Gosford coupable d'une atroce agression contre nos libertés par telle introduction de la force armée au milieu de nous, et comptant sur la sympathie de nos voisins, sur la coopération zélée de nos frères réformistes du Haut-Canada et sur la providence pour l'occasion favorable de nous affranchir du système oppressif dont nous souffrons, nous déclarons, que plaignant le sort malheureux des soldats que nos ennemis désirent rendre les vils instruments de notre esclavage et de leur propre déshonneur, le peuple de ces comtés ne sèmera point d'obstacles sur la route des hommes appartenant aux régiments stationnés dans ce district s'ils désirent améliorer leur sort en gagnant les républiques voisines ayant surtout de fortes raisons de croire que nombre de ces soldats n'attendaient que l'occasion pour se débarrasser de leur présent état onéreux et ennuyant.

Proposé par M. Côme Cartier de St-Antoine, secondé par M. Siméon Marchesseau, de St-Charles.

12.— Que cette assemblée approuve l'organisation de l'association politique des Fils de la liberté et qu'elle recommande aux jeunes gens de ces comtés de s'organiser de même et de former des branches de la société des Fils de la liberté dans chaque paroisse, et d'entretenir une correspondance active, des rapports fréquents avec les Fils de la libertés à Montréal et d'adopter leur organisation systématique, afin d'être préparés à se soutenir avec promptitude et effet les uns les autres, si les circonstances exigent d'eux la protection et la défense de leurs libertés menacées.

Proposé par M. le Dr. Dorion, M.P.P., secondé par M. Eust. Gratton de Ste-Marie.

13.— Que les délégués nommés dans différentes paroisses des cinq comtés sont priés de s'assembler, de nouveau en ce lieu demain à deux heures de l'après-midi pour prendre considération les propositions ultérieures qui pourront alors leur être soumises.

Wolfred Nelson, président
J. T. Drolet, F. C. Duvert, vice-présidents
A. Girod, J. P. Boucher-Belleville, secrétaires

La Minerve,
30 octobre 1837

24 octobre

En conformité à la résolution passée par l'assemblée générale hier, des délégués des six comtés se sont assemblés ce jourd'hui pour prendre en considération telles autres propositions qui devaient leur être soumises.

Le Dr. W. Nelson est unanimement appelé à la chaire, J. T. Drolet et L. C. Duvert, ecrs. nommés vice-présidents, MM. A. Girod et J. P. Boucher-Belleville nommés secrétaires de l'assemblée.

Lu la résolution de l'assemblée d'hier qui prie spécialement les délégués nommés dans les différentes paroisses des six comtés, de s'assembler de nouveau au même lieu, aujourd'hui, à deux heures de l'après-midi, pour prendre en considération telles propositions ultérieures qui pourront alors être soumises, après quelques explications préliminaires par le président, Dr. Côté et A. Girod. Un comité fut nommé pour rédiger une adresse au peuple du Bas-Canada, de la part de leurs concitoyens des six comtés.

Sur motion de M. P. Bertrand N. P. de St-Mathias, secondée par le lieutenant-adjudant Jos. Tétreau dit Ducharme, J. P. St-Pie.

1. RÉSOLU: Que c'est l'opinion de cette assemblée, que la législature provinciale n'existe que de nom, mais qu'elle est nullifiée par le fait que lorsque le gouvernement foule aux pieds les lois organiques en vertu desquelles la société est constitué, le peuple doit les maintenir.

Sur motion de M. Jacques David Hébert, du comté de l'Acadie, secondée par M. J. B. Tetreau de Ste-Marie.

2. RÉSOLU: Qu'en conséquence le peuple doit pourvoir à ses propres besoins, créer cette surveillance qui est nécessaire au bon ordre ainsi qu'à son bonheur, et que la convention dont les membres ont été nommés dans les différentes assemblées primaires des comtés de cette province serait un corps auquel un tel devoir peut être confié.

Sur motion de M. F. C Ayet dit Malo J. P. de St-Damase, secondée par le capitaine J. B. Beaudry de St-Jean-Baptiste.

3. RÉSOLU: Que cette assemblée se confiant au patriotisme éclairé des membres qui doivent former la dite convention les prie de considérer sérieusement si le temps n'est pas prochain où elle devrait se réunir.

Présenté à l'assemblée un projet d'adresse aux habitants de cette province, préparé par un comité. L'adresse fut lue ensuite.

Sur motion de M. le Dr. Côté M.P.P. de Napierville, secondée par le Dr. E. N. Duchesnois, de Varennes.

4. RÉSOLU: Que la dite adresse soit reçue et agréée par cette assemblée.

Sur motion de M. le Dr. Labruère de St-Hyacinthe, secondée par M. le Dr. Duvert de St-Charles.

5. RÉSOLU: Que la dite adresse soit intitulée « L'Adresse de la Confédération des six comtés de St-Hyacinthe, l'Acadie, Rouville, Richelieu, Verchères et Chambly » à leurs concitoyens du Bas-Canada et qu'elle soit signée par les officiers de cette assemblée publique.

Wolfred Nelson, président J. T. Drolet, L. C. Duvert, vice-présidents A. Girod, J. P. Boucher-Belleville, secrétaires

La Minerve,
2 novembre 1837

Adresse de la confédération des six-comtés

Concitoyens,

Quand un peuple se trouve invariablement en butte à une suite d'oppressions systématiques, malgré ses vœux exprimés de toutes les manières reconnues par l'usage constitutionnel, par des assemblées populaires et par ses représentants en parlement après mure délibération; quand ses gouvernants, au lieu de redresser les maux divers qu'ils ont eux-mêmes produits par leur mauvais gouvernement, ont solennellement enregistré et proclamé leur coupable détermination de saper et de renverser jusqu'aux fondations de la liberté civile, il devient impérieusement du devoir du peuple de se livrer sérieusement à la considération de sa malheureuse position, ― des dangers qui l'environnent, ― et, par une organisation bien combinée, de faire les arrangements nécessaires pour conserver intacts leurs droits de citoyens et leur dignité d'hommes libres.

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The Unanimous Declaration of the Thirteen United States of America, 4 juillet, 1776. (La Nouvelle-Écosse et le Québec constituaient respectivement les 14e et 15e provinces de l'Amérique du Nord britannique)

Les sages et immortels rédacteurs de la DÉCLARATION DE L'INDÉPENDANCE AMÉRICAINE, consignèrent dans ce document les principes sur lesquels seuls sont basés les droits de l'homme et revendiquèrent et établir heureusement les institutions et la forme de gouvernement qui seules peuvent assurer en permanence la prospérité et le bonheur social des habitants de ce continent, dont l'éducation et les mœurs, liées aux circonstances de leur colonisation, demandent un système de gouvernement entièrement dépendant du peuple et qui lui soit directement responsable.

En commun avec les diverses nations de l'Amérique du Nord et du Sud qui ont adopté les principes contenus dans cette Déclaration, nous regardons les doctrines qu'elle renferme comme sacrées et évidentes: Que Dieu ne créa aucunes distinctions artificielles entre l'homme et l'homme; que le gouvernement n'est qu'une simple institution humaine formée par ceux qui doivent être sujets à son action bonne ou mauvaise; et consacrée pour l'avantage de tous ceux qui consentiront à venir ou à rester sous sa protection et sous son contrôle, et que conséquemment la forme en peut être changée dès qu'elle cesse d'accomplir les fins pour lesquelles ce gouvernement fut établi; que les autorités publiques et les hommes au pouvoir ne sont que les exécuteurs des vœux légitimement exprimés de la communauté; honorés quand ils possèdent la confiance publique, et respectés aussi longtemps qu'ils jouissent de l'estime publique, et qui doivent être déplacés du pouvoir dès qu'ils cessent de donner satisfaction au peuple, seule source légitime de tout pouvoir.

En conformité avec ces principes et sur la foi des traités et des capitulations arrêtés avec nos ancêtres et garantis par le parlement impérial, le peuple de cette province n'a cesse depuis de longues années, par de respectueuses requêtes, de se plaindre des abus intolérables qui empoisonnent ses jours et paralysent son industrie. Loin que des réparations aient été concédées à nos humbles prières, l'agression a suivi l'agression, jusqu'à ce qu'enfin nous ne paraissons plus tenir à l'empire britannique pour notre bonheur et notre prospérité, nos libertés et l'honneur du peuple et de la couronne d'Angleterre, mais en vue seulement d'engraisser une horde inutile d'officiels, qui non contents de jouir de salaires énormément disproportionnés aux devoirs de leurs charges et aux ressources du pays, se sont combinés en une faction uniquement mue par l'intérêt privé à s'opposer à toutes les reformes, à défendre toutes les iniquités d'un gouvernement ennemi des droits et des libertés de cette colonie.

Quoique l'on soit universellement convenu de la justice de nos demandes, de la sagesse et de la prudence qu'il y avait à porter remède à nos maux, nous supportons cependant encore l'insupportable fardeau d'un exécutif irresponsable sous la direction d'un chef ignorant et hypocrite. Nos juges dépendants comme condition attachée à leurs commissions, de la seule volonté et du bon plaisir de la couronne, presque tous partisans violents d'une administration corrompue, et plus absolument les instruments mercenaires de l'exécutif, en acceptant en violation de tout principe d'indépendance judiciaire les gages de leur servilité d'une autorité étrangère, sans le consentement du peuple, auquel seul appartient, par l'intermédiaire de ses représentants, le droit exclusif de voter les salaires des serviteurs publics; les hommes en place dans cette province dévorant nos revenus par des salaires si extravagants qu'ils nous privent des fonds nécessaires pour l'amélioration générale du pays, ce qui fait que nos travaux publics sont arrêtés et que la navigation de nos rivières continue à être obstruée; un conseil législatif nommé par des hommes à mille lieues du pays, et systématiquement composé de manière à paralyser et à détruire les efforts de nos représentants librement choisis, dans toutes les mesures propres à promouvoir le bien public après être resté sans changement sous l'administration actuelle, privant par là le pays des avantages de la législation intérieure, a enfin été modifié d'une manière insultante pour toutes les classes de la société, disgracieuse pour la moralité publique, et qui anéantit le respect et la confiance de tous les partis dans cette branche de la législature, par suite de l'introduction d'hommes pour la plupart notoires seulement par leur incapacité, et remarquables de même par leur insignifiance politique, rendant ainsi évidentes, jusqu'à la démonstration même, pour tous, [quelques que] puissent être leurs idées préconçues, la convenance et la nécessité urgentes d'introduire le principe d'élection dans ce corps, comme la seule méthode propre à mettre la législature provinciale à même de procéder avantageusement à l'expédition des affaires publiques.

Nos municipalités sont entièrement détruites; les campagnes de cette province, formant une exception disgracieuse aux autres parties de ce contient, sont absolument privées de tout pouvoir de régler, dans une capacité municipale, leurs affaires locales, par le moyen d'officiers de paroisse et de township librement élus; la génération croissante est privée des bienfaits de l'éducation, les écoles primaires qui donnaient l'instruction à 40 000 enfants ayant été fermées par le conseil législatif, corps hostile au progrès des connaissances utiles, et porté à cet acte par un exécutif opposé à la dissémination des lumières générales parmi le peuple; ― le collège des jésuites, fondé et doté par le gouvernement prévoyant qui colonisa cette province, pour l'encouragement et la diffusion du savoir et des sciences, a, avec une barbarie indigne des gouvernants d'un état civilisé, disgracieusement pour le siècle éclairé où nous vivons et qui est sans parallèle même parmi les Goths et les Vandales, été converti en casernes, et comme telles retenu toujours à l'usage d'une soldatesque, tandis que les fonds et les propriétés consacrés au maintien de cet établissement et autres institutions semblables ont été et continuent d'être gaspillés et mal administrés, pour l'avantage des favoris, des créatures et des instruments du gouvernement; nos citoyens sont privés du bénéfice de jurés choisis impartialement, et persécutés arbitrairement par les officiers de la couronne qui, pour remplir les buts du gouvernement vindicatif dont ils sont les créatures, ont exhumé des procédés d'un caractère suranné, et dont on ne trouve de précédents que dans les plus sombres pages de l'histoire britannique. Ainsi, nos tribunaux étant souillés par les conspirations combinées d'un mauvais exécutif, de juges serviles, d'officiers en loi partisans et des shérifs politiques, l'innocent et le patriote sont exposés à être sacrifiés, tandis que les ennemis du pays et les violateurs de toutes les lois sont protégés et patronisés selon qu'il plaît à l'administration d'écraser et de détruire, de sauver et de protéger. Notre commerce et notre industrie domestique sont paralysés; nos terres publiques aliénées, pour un prix nominal, à une compagnie de spéculateurs, étrangers au pays, ou données à d'insolents favoris comme récompense de leur servilité; notre argent nous est extorqué sans notre consentement, en forme de taxes imposées inconstitutionnellement par un parlement étranger pour être ensuite converties en un instrument de notre dégradation, distribuées qu'elles sont parmi une bande criarde d'officiels, contre notre volonté, sans notre participation, et en violation de tous les principes des lois constitutionnelles.

Au milieu de leurs efforts honnêtes et infatigables pour obtenir le redressement des griefs qui précèdent, nos compatriotes ont été avec insolence appelés à rendre compte de leur conduite publique, dont ils ne sont responsables à qui que ce soit et encore bien moins à l'individu que le hasard ou le patronage ministériel placent pour un temps à la tête de notre gouvernement provincial. On les a harassés et vexés par des démissions de places purement honorifiques, tenues pour l'avantage et à la réquisition de leurs voisins immédiats, et cela pour avoir revendiqué les droits de leur patrie, comme il convient à des hommes libres de l'Amérique; et comme un indice que l'on a dessein de pousser l'agression encore plus loin, des troupes armées doivent être stationnées dans un temps de paix profonde dans toute l'étendue du pays, avec le dessein arrogant et malicieux de comprimer par la force physique l'expression de l'opinion publique, et de compléter au moyen de la violence et de l'effusion de sang notre esclavage et notre ruine déjà décidés de l'autre côté des mers.

Une telle agression est plus que suffisante pour justifier chez un peuple outragé, le recours à tous et à chacun des moyens de conserver le dernier de ses privilèges insultés, le droit de faire entendre ses plaintes. Mais grâce à l'aveuglement de nos agresseurs, la méchanceté de cette mesure trouvera par les soins de la providence son antidote dans sa folie même. Les régiments que l'on se propose de distribuer au milieu de nous se composent d'hommes sortis et élevés au milieu de la démocratie de leur pays. La plupart d'entre eux on embrassé leur profession actuelle, non par choix, mais parce qu'ils n'ont pu trouver d'autre emploi qui pût les faire vivre dans leur pays natal. Au lieu de stimuler chez eux la noble émulation d'une bonne conduite par l'espoir de l'avancement aux grades les plus élevés, ils sont pauvrement payés, et sont exposés à toutes sortes de petites tyrannies, et le murmure vient-il à s'échapper de leurs lèvres en véritables esclaves, ils sont aussitôt soumis à la peine ignoble du fouet. Si l'on met en contraste cette dure destinée avec la liberté, le consentement, la facilité d'obtenir des emplois et de forts salaires dans les États-Unis, avec la certitude que les habitants de ces comtés qui avoisinent et bornent les lignes ne mettront point d'obstacles aux tentatives des soldats pour émigrer à la république voisine, on verra qu'il est moralement impossible de retenir dans la province de sa majesté, et lorsqu'ils seront une fois dispersés en détachements, des hommes dont on veut faire de vils instruments de notre esclavage et de leur propre déshonneur.

La longue et lourde chaîne d'abus et d'oppressions qui pèse sur nous, et à laquelle chaque année vient s'ajouter un nouveau chaînon non moins fâcheux, prouve que notre histoire n'est qu'une récapitulation des maux que le autres colonies ont endurés avant nous. Nos griefs ne sont qu'une seconde édition des leurs. Nos réclamations en faveur d'un soulagement sont les mêmes. Comme les leurs, elles ont été traitées avec dédain et mépris, et n'ont attiré sur les pétitionnaires qu'une augmentation d'outrages et de persécutions. Ainsi l'expérience du passé démontre la folie d'attendre et espérer de la justice des autorités européennes.

Toute sombre et toute peu flatteuse que peut être la perspective actuelle de notre bien-aimée patrie, nous trouvons dans les vertus publiques de nos compatriotes un encouragement à espérer que le jour de notre régénération n'est pas bien éloigné. Les manufactures domestiques se ramifient parmi nous avec une rapidité bien propre à nous réjouir au milieu de la lutte.

L'impulsion donnée depuis quelque peu de mois par l'exemple de citoyens généreux et pleins de patriotisme, en portant des habits faits d'étoffes manufacturées dans le pays, a été généralement suivie et sera avant peu universellement adoptée. La détermination de ne consommer aucune marchandise grevée d'impôts, et d'encourager un commerce libre avec nos voisins, deux objets d'un importance vitale, devient de jour en jour plus générale, plus résolue et plus effective. Le peuple doit tout partout être imbu de la conviction que les grands sacrifices à faire doivent être en proportion de l'objet glorieux que l'on a en vue d'accomplir, et que les inconvénients personnels qui seront la conséquence en faveur de la bonne cause doivent être endurés non seulement avec bonne volonté mais aussi avec fermeté.

 
Louis-Joseph Papineau, Président de l'Assemblée législative du Bas-Canada et chef des Patriotes

Concitoyens! Confrères d'une affliction commune! vous tous, de quelque origine, langue ou religion que vous soyez, à qui des lois égales et les droits de l'homme sont chers; dont les cœurs ont palpité d'indignation à la vue des insultes innombrables que votre commune patrie a eu à essuyer, et qui si souvent avez éprouvé une juste alarme, en roulant dans vos esprits le sombre avenir que la mal-administration et la corruption promettent à cette province et à votre prospérité; au nom de cette patrie et de la génération qui s'élève, n'ayant plus d'espoir que sur vous, nous vous sollicitions de prendre, au moyen d'une organisation systématique dans vos paroisses et vos townships respectifs, cette attitude qui peut seule vous attirer le respect pour vous-mêmes, et le succès de vos demandes. Que des comités de vigilance entrent tout à la fois en opération active dans tus vos voisinages respectifs. Retirant votre confiance à l'administration actuelle et à tous ceux qui seraient assez bas pour accepter d'elle aucune charge, assemblez-vous incontinent dans vos paroisses et élisez des magistrats pacificateurs, à l'exemple de vos frères réformistes du comté des Deux Montagnes, afin de protéger le peuple contre une dépense inutile et imprévue, et contre la vengeance de ses ennemis. Notre jeunesse, l'espoir de la patrie, devrait partout s'organiser à l'instar de leurs frères, les Fils de la liberté, de Montréal, afin de se trouver prêts à agir avec promptitude et efficacité suivant que les circonstances pourront le requérir; et les braves miliciens, qui deux fois par leur valeur et au prix de leur sang, ont défendu ce pays pour des dominations ingrates, devraient aussi s'associer dans ce moment sous des officiers de leur choix, pour la sûreté, le bon ordre et la protection de la vie et de la propriété dans leurs localités respectives. C'est par là que l'on pourra conserver heureusement les libertés coloniales.

Dans cet espoir et comptant pour notre émancipation du mauvais gouvernement sous lequel nous gémissons, sur la providence divine, dont nous implorons humblement les bénédictions sur nos efforts désintéressés, nous reposant sur l'amour de la liberté que l'air libre et les forteresses imprenables de l'Amérique peuvent inspirer à tous les cœurs du peuple en général, et sur la sympathie de nos voisins démocrates, qui dans l'établissement d'un gouvernement arbitraire sur leurs frontières, sont assez prudents et assez clairvoyants pour prévoir l'élévation d'un système qui pourrait servir de précédant et d'instrument de l'introduction d'un même gouvernement arbitraire dans d'autres parties du continent américain, et qui ne consentiront pas que les principes pour lesquels ils ont combattu avec tant de succès dans le dix-huitième siècle, soient dans nos personnes [foulés] aux pieds dans le dix-neuvième. Nous, les délégués des comtés confédérés de Richelieu, Saint-Hyacinthe, Rouville, l'Acadie, Chambly, et Verchères, enregistrons ici publiquement la résolution solennelle et déterminée du peuple que nous représentons, de mettre à effet, dans le plus court délai possible, les recommandations précédentes, et de ne jamais arrêter nos efforts patriotiques jusqu'à ce que les différents griefs dont nous nous plaignons aujourd'hui aient été redressés; et par ces présentes, nous invitons tous nos concitoyens dans toute la province à unir leurs efforts aux nôtres afin de procurer à notre commune patrie un système de gouvernement bon, peu dispendieux et responsable.

Signé pour et au nom de la Confédération des six comtés, ce 24e d'octobre 1837.

Wd. Nelson, Président.
J. T. Drolet, F. C. Duvert, Vice-présidents.

J. P. Boucher-Belleville, A. Girod, secrétaires.

Notes

  • L'adresse est parue dans La Minerve du jeudi soir, 2 novembre, 1837, p. 2 et 3. [1]


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