« Aux électeurs du comté de Champlain » : différence entre les versions

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== Introduction. ==


''Messieurs,''
''Messieurs,''


Je viens aujourd'hui accomplir la promesse que je vous ai faite de vous expliquer par écrit ma profession de foi politique, avant de briguer vos suffrages à l'élection qui doit avoir lieu sous peu de jours. En le faisant, je n'entends pas prendre une voie détournée pour en imposer momentanément à qui que ce soit d'entre vous. Je serai ouvert et et franc.
[[Image:jean-baptiste-eric-dorion.jpg|right|180px|thumb|Jean-Baptiste-Éric Dorion (1826-1866), journaliste, homme politique.]]Je viens aujourd'hui accomplir la promesse que je vous ai faite de vous expliquer par écrit ma profession de foi politique, avant de briguer vos suffrages à l'élection qui doit avoir lieu sous peu de jours. En le faisant, je n'entends pas prendre une voie détournée pour en imposer momentanément à qui que ce soit d'entre vous. Je serai ouvert et franc.


Élevé au milieu de vous, je connais vos sentiments et vos besoins; n'ayant eu l'avantage de recevoir d'autre éducation que celle que l'on pouvait si difficilement acquérir, de 1834 à 1840, sur les bancs de l'école d'un village, je ne ferai point de tours de force pour embellir mon style; mon langage sera uni et vrai, je parlerai le langage du peuple.
Élevé au milieu de vous, je connais vos sentiments et vos besoins; n'ayant eu l'avantage de recevoir d'autre éducation que celle que l'on pouvait si difficilement acquérir, de 1834 à 1840, sur les bancs de l'école d'un village, je ne ferai point de tours de force pour embellir mon style; mon langage sera uni et vrai, je parlerai le langage du peuple.
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Je serai d'autant plus libre dans l'expression de mes opinions, sur notre état politique actuel, que je m'adresse à bon nombre de vieillards qui m'ont vu naître, d'hommes mûrs qui m'ont vu grandir, de jeunes gens dont le souvenir me sera toujours cher parce qu'ils ont été les compagnons de mon enfance et qu'ils foulent encore le sol du comté de ma naissance.
Je serai d'autant plus libre dans l'expression de mes opinions, sur notre état politique actuel, que je m'adresse à bon nombre de vieillards qui m'ont vu naître, d'hommes mûrs qui m'ont vu grandir, de jeunes gens dont le souvenir me sera toujours cher parce qu'ils ont été les compagnons de mon enfance et qu'ils foulent encore le sol du comté de ma naissance.


Une absence de dix années du comté de Champlain n'a pas effacé de ma mémoire, que lors de nos grands événements politiques, j'avais déjà appris à prononcer les mots de ''patriotes'' et ''bureaucrates'' et à sentir, comme vous, toute l'infamie qui se rattachait aux Canadiens qui, par leur conduite, avaient mérité d'être classés au nombre de ces derniers, au nombre de ceux qui voulaient par la corruption, la violence et l'arbitraire dominer sur la masse du peuple du Bas-Canada. J'aime à rappeler le souvenir de cette époque de notre histoire, parce qu'alors l'opinion publique était toute patriotique, toute progressive et si forte qu'elle faisait trembler les tyrans de notre population. Ma première pensée, mon premier cri politiques ayant été en faveur des patriotes; ayant été inspiré par l'esprit de patriotisme et de liberté qui s'infiltraient alors par tous les pores dans le cœur de la presque totalité de mes compatriotes, je suis demeuré le même en entrant activement dans la vie publique; parce que j'ai vue et senti que la cause des patriotes qui demandaient des réformes salutaires pour le pays était une cause toute démocratique et que la démocratie produit la prospérité, élève l'humanité en la rendant libre; parce qu'elle tire sa source de ce qu'il y a de plus pur et de plus fort dans la société : la souveraineté populaire.
Une absence de dix années du comté de Champlain n'a pas effacé de ma mémoire, que lors de nos grands événements politiques, j'avais déjà appris à prononcer les mots de ''patriotes'' et ''bureaucrates'' et à sentir, comme vous, toute l'infamie qui se rattachait aux Canadiens qui, par leur conduite, avaient mérité d'être classés au nombre de ces derniers, au nombre de ceux qui voulaient par la corruption, la violence et l'arbitraire dominer sur la masse du peuple du Bas-Canada. J'aime à rappeler le souvenir de cette époque de notre histoire, parce qu'alors l'opinion publique était toute patriotique, toute progressive et si forte qu'elle faisait trembler les tyrans de notre population. Ma première pensée, mon premier cri politiques ayant été en faveur des patriotes; ayant été inspiré par l'esprit de patriotisme et de liberté qui s'infiltraient alors par tous les pores dans le cœur de la presque totalité de mes compatriotes, je suis demeuré le même en entrant activement dans la vie publique; parce que j'ai vu et senti que la cause des patriotes qui demandaient des réformes salutaires pour le pays était une cause toute démocratique et que la démocratie produit la prospérité, élève l'humanité en la rendant libre; parce qu'elle tire sa source de ce qu'il y a de plus pur et de plus fort dans la société : la souveraineté populaire.


Avec ces quelques réflexions préliminaires, j'entre en matière.
Avec ces quelques réflexions préliminaires, j'entre en matière.
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L'histoire de notre pays est intimement liée avec celle d'un petit peuple de braves dont le sang était notre sang, mais qui a disparu devant le droit du plus fort en laissant à peine une trace légère de son existence dans le passé. Je veux faire allusion aux Acadiens, descendants de Français, comme nous, qui habitaient l'Acadie ou ce territoire que l'on appelle maintenant la Nouvelle-Écosse et le Nouveau Brunswick et qui avoisine le Canada.  
L'histoire de notre pays est intimement liée avec celle d'un petit peuple de braves dont le sang était notre sang, mais qui a disparu devant le droit du plus fort en laissant à peine une trace légère de son existence dans le passé. Je veux faire allusion aux Acadiens, descendants de Français, comme nous, qui habitaient l'Acadie ou ce territoire que l'on appelle maintenant la Nouvelle-Écosse et le Nouveau Brunswick et qui avoisine le Canada.  


Ouvrez le troisième volume de l'histoire du Canada par notre savant et estimable compatriote, M. Garneau de Québec, et vous y trouverez quelques pages éloquentes sur l'expulsion des Acadiens par l'Angleterre.
Ouvrez le troisième volume de l'''Histoire du Canada'' par notre savant et estimable compatriote, M. [[François-Xavier Garneau|Garneau]] de Québec, et vous y trouverez quelques pages éloquentes sur l'expulsion des Acadiens par l'Angleterre.


{{Citation doc|L'évacuation de l'Acadie laissa à la merci des Anglais les habitants de cette province, qui portaient le nom de Neutres, et qui n'avaient pu se résoudre à abandonner leur terre natale. Ce qui nous reste à raconter de ce peuple intéressant, rappelle un de ces drames douloureux dont les exemples sont rares même aux époques barbares de l'histoire, alors que les lois de la justice et de l'humanité sont encore à naître avec les lumières de la civilisation.
{{Citation doc|L'évacuation de l'Acadie laissa à la merci des Anglais les habitants de cette province, qui portaient le nom de Neutres, et qui n'avaient pu se résoudre à abandonner leur terre natale. Ce qui nous reste à raconter de ce peuple intéressant, rappelle un de ces drames douloureux dont les exemples sont rares même aux époques barbares de l'histoire, alors que les lois de la justice et de l'humanité sont encore à naître avec les lumières de la civilisation.


Sur 15 à 18 mille Acadiens qu'il y avait dans la péninsule au commencement de leur émigration, il n'en restait qu'environ 7 000 des plus riches, dont les mœurs douces ont fournit à Raynal un tableau si touchant et si vrai.}}
Sur 15 à 18 mille Acadiens qu'il y avait dans la péninsule au commencement de leur émigration, il n'en restait qu'environ 7 000 des plus riches, dont les mœurs douces ont fournit à [[w:fr:Guillaume-Thomas Raynal|Raynal]] un tableau si touchant et si vrai.<ref>Extrait de ''[[Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours]]'', 1848, tome III, p. 14-15.</ref>}}


Après avoir cité une peinture de la prospérité, de l'innocence des mœurs et de la tranquillité de cette heureuse peuplade, et dans laquelle on se demandait qui est-ce qui ne ferait pas des vœux pour la durée de son bonheur? M. Garneau continue:—
Après avoir cité une peinture de la prospérité, de l'innocence des mœurs et de la tranquillité de cette heureuse peuplade, et dans laquelle on se demandait qui est-ce qui ne ferait pas des vœux pour la durée de son bonheur? M. Garneau continue:—


{{Citation doc|Vains souhaits! La guerre de 1744 commença les infortunes de ce peuple; celle de Sept Ans consomma sa ruine totale. Depuis quelques temps les agents de l'Angleterre agissaient avec la plus grande rigueur; les tribunaux, par des violations flagrantes de la loi, par des dénis systématiques de justice, étaient devenus pour les pauvres habitants un objet à la fois de terreur et de haine. Le moindre employé voulait que sa volonté fût la loi. «Si vous ne fournissez pas de bois à mes troupes», disait un capitaine Murray, «je démolirait vos maisons pour en faire du feu.» «Si vous ne voulez pas prêter le serment de fidélité, ajoutait le gouverneur Hopson, je vais faire pointer mes canons sur vos villages.» Rien ne pouvait engager ces hommes honorables à faire un acte qui répugnait à leur conscience, et que, dans l'opinion de bien des gens, l'Angleterre n'avait pas même le droit d'exiger. «Les Acadiens», observe M. Haliburton, «n'étaient pas des sujets britanniques, puisqu'ils n'avaient point prêté le serment de fidélité, et ils ne pouvaient être conséquemment regardés comme des rebelles; ils ne devaient pas être non plus considérés comme prisonniers de guerre, ni envoyés en France, puisque depuis près d'un demi-siècle on leur laissait leurs possessions à la simple condition de demeurer neutre.» Mais beaucoup d'intrigants et d'aventuriers voyaient ces belles fermes acadiennes avec un oeil de convoitise; quels beaux héritages! et par conséquent quel appât! Il ne fut pas difficile de trouver des raisons politiques pour justifier l'expulsion des Acadiens. La très grande majorité n'avait fait aucun acte pour porter atteinte à la neutralité; mais dans la grande catastrophe qui se préparait l'innocent devait être enveloppé avec le coupable. Pas un habitant n'avait mérité grâce. Leur sort fut décidé dans le conseil du gouverneur Lawrence, auquel assistèrent les amiraux Boscawen et Mostyn, dont les flottes croisaient sur les côtes. Il faut résolu de disperser dans les colonies anglaises ce qui restait de ce peuple infortuné; et afin que personne ne pût échapper, le secret le plus profond fut ordonné jusqu'au moment fixé pour l'exécution de la sentence, laquelle aurait lieu le même jour et à la même heure sur tous les points de l'Acadie à la fois. On décida aussi, pour rendre l'exécution plus complète, de réunir les habitants dans les principales localités. Des proclamations, dressées avec une habileté perfide, les invitèrent à s'assembler dans certains endroits qui leur étaient désignés, sous les peines les plus rigoureuses. 418 chefs de famille, se fiant sur la foi britannique, se réunirent le 5 septembre dans l'église du Grand-Pré. Le colonel Winslow s'y rendit avec un grand appareil. Après leur avoir montré la commission qu'il tenait du gouverneur, il leur dit qu'ils avaient été assemblés pour entendre la décision finale du roi à leur égard; et que, quoique ce fût pour lui un devoir pénible à remplir, il devait, en obéissance à ses ordres, leur déclarer «que leurs terres et leurs bestiaux de toutes sortes étaient confisqués au profit de la couronne avec tous leurs autres effets, excepté leur argent et leur linge, et qu'ils allaient être eux-mêmes déportés hors la province.» Aucun motif ne leur fut donné de cette décision. Un corps de troupes, qui s'était tenu caché jusque-là, sortit de sa retraite et cerna l'église: les habitants surpris et sans armes ne firent aucune résistance. Les soldats rassemblèrent les femmes et les enfants; 1 023 hommes, femmes et enfants se trouvèrent réunis au Grand-Pré seulement. Leurs bestiaux consistaient en 1 269 bœufs, 1 557 vaches, 5 007 veaux, 493 chevaux, 8 690 moutons, 4 197 cochons. Quelques Acadiens s'étant échappés dans les bois, on dévasta le pays pour les empêcher d'y trouver des subsistances. Dans les Mines l'on brûla 276 granges, 155 autres petits bâtiments, onze moulins et une église. Ceux qui avaient rendu les plus grands services au gouvernement comme le vieux notaire Le Blanc, qui mourut à Philadelphie de chagrin et de misère en cherchant ses fils dispersés dans les différentes colonies, ne furent pas mieux traités que ceux qui avaient favorisés les Français. À leur instantes prières, il fut permis aux hommes, avant de s'embarquer, de visiter, dix par dix, leurs familles, et de contempler pour la dernière fois ces champs fertiles où ils avaient joui de tant de bonheur, et qu'ils ne devaient plus revoir. Le 10 fut fixé pour l'embarquement. Une résignation calme avait succédé à leur premier désespoir. Mais lorsqu'il fallut s'embarquer, quitter pour jamais le sol natal, s'éloigner de ses parents et de ses amis sans espérance de jamais se revoir, pour aller vivre dispersés au milieu d'une population étrangère de langue, de coutumes, de mœurs et de religion, le courage abandonna ces malheureux, qui se livrèrent à la plus profonde douleur. En violation de la promesse qui leur avait été faite, et, par un raffinement de barbarie sans exemple, les mêmes familles furent séparées et dispersées sur différents vaisseaux. Pour les embarquer on rangea les prisonniers sur six de front, les jeunes en tête. Ceux-ci ayant refusé de marcher, réclamant l'exécution de la promesse d'être embarqués avec leurs parents, on leur répondit en faisant avancer contre eux les soldats la baïonnette croisée. Le chemin de la chapelle du Grand-Pré à la rivière Gaspareaux avait un mille de longueur; il était bordé des deux côtés de femmes et d'enfants, qui, à genoux et fondant en larmes, les encourageaient en leur adressant leurs bénédictions. Cette lugubre procession défilait lentement en priant et en chantant des hymnes. Les chefs de famille  marchaient après les jeunes gens. Enfin la procession atteignit le rivage. Les hommes furent mis sur des vaisseaux, les femmes et les enfants sur d'autres, pêle-mêle, sans qu'on prit le moindre soin pour leur commodité. Des gouvernements ont ordonné des actes de cruauté dans un mouvement spontané de colère; mais il n'y a pas d'exemple dans les temps modernes de châtiment infligé sur tout un peuple avec autant de calcul, de barbarie et de froideur, que celui dont il est question en ce moment.
{{Citation doc|Vains souhaits! La guerre de 1744 commença les infortunes de ce peuple; celle de Sept Ans consomma sa ruine totale. Depuis quelques temps les agents de l'Angleterre agissaient avec la plus grande rigueur; les tribunaux, par des violations flagrantes de la loi, par des dénis systématiques de justice, étaient devenus pour les pauvres habitants un objet à la fois de terreur et de haine. Le moindre employé voulait que sa volonté fût la loi. «Si vous ne fournissez pas de bois à mes troupes», disait un capitaine [[Murray]], «je démolirait vos maisons pour en faire du feu.» «Si vous ne voulez pas prêter le serment de fidélité, ajoutait le gouverneur [[w:Peregrine Hopson|Hopson]], je vais faire pointer mes canons sur vos villages.» Rien ne pouvait engager ces hommes honorables à faire un acte qui répugnait à leur conscience, et que, dans l'opinion de bien des gens, l'Angleterre n'avait pas même le droit d'exiger. «Les Acadiens», observe M. [[w:Thomas Chandler Haliburton|Haliburton]], «n'étaient pas des sujets britanniques, puisqu'ils n'avaient point prêté le serment de fidélité, et ils ne pouvaient être conséquemment regardés comme des rebelles; ils ne devaient pas être non plus considérés comme prisonniers de guerre, ni envoyés en France, puisque depuis près d'un demi-siècle on leur laissait leurs possessions à la simple condition de demeurer neutre.» Mais beaucoup d'intrigants et d'aventuriers voyaient ces belles fermes acadiennes avec un œil de convoitise; quels beaux héritages! et par conséquent quel appât! Il ne fut pas difficile de trouver des raisons politiques pour justifier l'expulsion des Acadiens. La très grande majorité n'avait fait aucun acte pour porter atteinte à la neutralité; mais dans la grande catastrophe qui se préparait l'innocent devait être enveloppé avec le coupable. Pas un habitant n'avait mérité grâce. Leur sort fut décidé dans le conseil du gouverneur [[w:fr:Charles Lawrence|Lawrence]], auquel assistèrent les amiraux [[w:fr:Edward Boscawen|Boscawen]] et [[w:Savage Mostyn|Mostyn]], dont les flottes croisaient sur les côtes. Il faut résolu de disperser dans les colonies anglaises ce qui restait de ce peuple infortuné; et afin que personne ne pût échapper, le secret le plus profond fut ordonné jusqu'au moment fixé pour l'exécution de la sentence, laquelle aurait lieu le même jour et à la même heure sur tous les points de l'Acadie à la fois. On décida aussi, pour rendre l'exécution plus complète, de réunir les habitants dans les principales localités. Des proclamations, dressées avec une habileté perfide, les invitèrent à s'assembler dans certains endroits qui leur étaient désignés, sous les peines les plus rigoureuses. 418 chefs de famille, se fiant sur la foi britannique, se réunirent le 5 septembre dans l'église du Grand-Pré. Le colonel [[w:John Winslow (British Army officer)|Winslow]] s'y rendit avec un grand appareil. Après leur avoir montré la commission qu'il tenait du gouverneur, il leur dit qu'ils avaient été assemblés pour entendre la décision finale du roi à leur égard; et que, quoique ce fût pour lui un devoir pénible à remplir, il devait, en obéissance à ses ordres, leur déclarer «que leurs terres et leurs bestiaux de toutes sortes étaient confisqués au profit de la couronne avec tous leurs autres effets, excepté leur argent et leur linge, et qu'ils allaient être eux-mêmes déportés hors la province.» Aucun motif ne leur fut donné de cette décision. Un corps de troupes, qui s'était tenu caché jusque-là, sortit de sa retraite et cerna l'église: les habitants surpris et sans armes ne firent aucune résistance. Les soldats rassemblèrent les femmes et les enfants; 1 023 hommes, femmes et enfants se trouvèrent réunis au Grand-Pré seulement. Leurs bestiaux consistaient en 1 269 bœufs, 1 557 vaches, 5 007 veaux, 493 chevaux, 8 690 moutons, 4 197 cochons. Quelques Acadiens s'étant échappés dans les bois, on dévasta le pays pour les empêcher d'y trouver des subsistances. Dans les Mines l'on brûla 276 granges, 155 autres petits bâtiments, onze moulins et une église. Ceux qui avaient rendu les plus grands services au gouvernement comme le vieux notaire Le Blanc, qui mourut à Philadelphie de chagrin et de misère en cherchant ses fils dispersés dans les différentes colonies, ne furent pas mieux traités que ceux qui avaient favorisés les Français. À leur instantes prières, il fut permis aux hommes, avant de s'embarquer, de visiter, dix par dix, leurs familles, et de contempler pour la dernière fois ces champs fertiles où ils avaient joui de tant de bonheur, et qu'ils ne devaient plus revoir. Le 10 fut fixé pour l'embarquement. Une résignation calme avait succédé à leur premier désespoir. Mais lorsqu'il fallut s'embarquer, quitter pour jamais le sol natal, s'éloigner de ses parents et de ses amis sans espérance de jamais se revoir, pour aller vivre dispersés au milieu d'une population étrangère de langue, de coutumes, de mœurs et de religion, le courage abandonna ces malheureux, qui se livrèrent à la plus profonde douleur. En violation de la promesse qui leur avait été faite, et, par un raffinement de barbarie sans exemple, les mêmes familles furent séparées et dispersées sur différents vaisseaux. Pour les embarquer on rangea les prisonniers sur six de front, les jeunes en tête. Ceux-ci ayant refusé de marcher, réclamant l'exécution de la promesse d'être embarqués avec leurs parents, on leur répondit en faisant avancer contre eux les soldats la baïonnette croisée. Le chemin de la chapelle du Grand-Pré à la rivière Gaspareaux avait un mille de longueur; il était bordé des deux côtés de femmes et d'enfants, qui, à genoux et fondant en larmes, les encourageaient en leur adressant leurs bénédictions. Cette lugubre procession défilait lentement en priant et en chantant des hymnes. Les chefs de famille  marchaient après les jeunes gens. Enfin la procession atteignit le rivage. Les hommes furent mis sur des vaisseaux, les femmes et les enfants sur d'autres, pêle-mêle, sans qu'on prit le moindre soin pour leur commodité. Des gouvernements ont ordonné des actes de cruauté dans un mouvement spontané de colère; mais il n'y a pas d'exemple dans les temps modernes de châtiment infligé sur tout un peuple avec autant de calcul, de barbarie et de froideur, que celui dont il est question en ce moment.


Tous les autres établissements des Acadiens présentent le même jour et à la même heure le même spectacle de désolation.
Tous les autres établissements des Acadiens présentent le même jour et à la même heure le même spectacle de désolation.


Les vaisseaux firent voile pour les différentes provinces où devaient être jetés ces proscrits. On les dispersa sur le rivage depuis Boston jusqu'à la Caroline. Pendant plusieurs jours après leur départ, l'on vit les bestiaux se rassembler à l'entour des ruines fumantes des habitations de leurs maîtres, et le chien fidèle passer les nuits à pleurer, par ses longs hurlements, la main qui lui donnait sa subsistance et le toit qui lui prêtait son abri. Heureux encore dans leur douleur, ils ignoraient jusqu'à quel excès l'avarice et l'ambition peuvent porter les hommes, et quels crimes elle peuvent leur faire commettre.}}
Les vaisseaux firent voile pour les différentes provinces où devaient être jetés ces proscrits. On les dispersa sur le rivage depuis Boston jusqu'à la Caroline. Pendant plusieurs jours après leur départ, l'on vit les bestiaux se rassembler à l'entour des ruines fumantes des habitations de leurs maîtres, et le chien fidèle passer les nuits à pleurer, par ses longs hurlements, la main qui lui donnait sa subsistance et le toit qui lui prêtait son abri. Heureux encore dans leur douleur, ils ignoraient jusqu'à quel excès l'avarice et l'ambition peuvent porter les hommes, et quels crimes elle peuvent leur faire commettre.<ref>Extrait de ''[[Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours]]'', 1848, tome III, p. 18-23.</ref>}}


Le gouvernement anglais n'était pas animé par des sentiments plus humains, vis-à-vis des Canadiens, lors de la capitation du Canada, qu'il ne l'était envers les Acadiens, lors de la prise de l'Acadie. Si la chose eût été possible, rien ne nous prouve que l'on n'aurait pas agi avec la même barbarie à l'égard de nos pères et que l'on n'aurait pas adopté le moyen de l'exportation sur une plus grande échelle, pour se débarrasser d'eux et de leur postérité. Mais il se présentait une grande difficulté; les Canadiens étaient au nombre de 60 000 et occupaient un vaste territoire. Le transport de tout ce monde n'eut pas été chose facile à accomplir. On aurait pourtant bien voulu se débarrasser de cette population française qui était «un obstacle à la prospérité des colonies anglaises» suivant le style anglais d'alors. On songea donc à adopter d'autres moyens.
Le gouvernement anglais n'était pas animé par des sentiments plus humains, vis-à-vis des Canadiens, lors de la capitation du Canada, qu'il ne l'était envers les Acadiens, lors de la prise de l'Acadie. Si la chose eût été possible, rien ne nous prouve que l'on n'aurait pas agi avec la même barbarie à l'égard de nos pères et que l'on n'aurait pas adopté le moyen de l'exportation sur une plus grande échelle, pour se débarrasser d'eux et de leur postérité. Mais il se présentait une grande difficulté; les Canadiens étaient au nombre de 60 000 et occupaient un vaste territoire. Le transport de tout ce monde n'eut pas été chose facile à accomplir. On aurait pourtant bien voulu se débarrasser de cette population française qui était «un obstacle à la prospérité des colonies anglaises» suivant le style anglais d'alors. On songea donc à adopter d'autres moyens.
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Arrivons de suite au grand rêve de l'Angleterre: à l'anglification des Canadiens, à leur perte par une union forcée et désavantageuse avec une population étrangère à sa langue, à ses mœurs, à ses habitudes et qui nous aurait dans sa dépendance.
Arrivons de suite au grand rêve de l'Angleterre: à l'anglification des Canadiens, à leur perte par une union forcée et désavantageuse avec une population étrangère à sa langue, à ses mœurs, à ses habitudes et qui nous aurait dans sa dépendance.


Lord Durham, envoyé extraordinaire du gouvernement anglais, pour s'enquérir de la véritable cause des troubles de 1837 et 38 a fait un rapport dans lequel il déclara que s'il avait été canadien, il se serait révolté contre le gouvernement de la colonie cinquante ans avant 1837. Il recommanda à l'Angleterre de changer sa politique envers nous; d'unir les deux Canadas; d'inventer un système de gouvernement dont les apparences seraient populaires et par lequel on donnerait des places aux principaux chefs canadiens; de faire construire un chemin de fer à travers toutes les colonies anglaises du Lac supérieur à Halifax et d'unir ensuite toutes les provinces britanniques sous un même gouvernement. Par ce moyen, disait-il, vous ferez taire les chefs canadiens et vous noierez la population française au milieu de la population anglaise; elle disparaîtra et tout ira bien.
Lord [[John George Lambton, 1er comte de Durham|Durham]], envoyé extraordinaire du gouvernement anglais, pour s'enquérir de la véritable cause des troubles de 1837 et 38 a fait un rapport<ref>Voir ''[[Rapport sur les affaires de l'Amérique septentrionale britannique]]'', 1839.</ref> dans lequel il déclara que s'il avait été canadien, il se serait révolté contre le gouvernement de la colonie cinquante ans avant 1837. Il recommanda à l'Angleterre de changer sa politique envers nous; d'unir les deux Canadas; d'inventer un système de gouvernement dont les apparences seraient populaires et par lequel on donnerait des places aux principaux chefs canadiens; de faire construire un chemin de fer à travers toutes les colonies anglaises du Lac supérieur à Halifax et d'unir ensuite toutes les provinces britanniques sous un même gouvernement. Par ce moyen, disait-il, vous ferez taire les chefs canadiens et vous noierez la population française au milieu de la population anglaise; elle disparaîtra et tout ira bien.


Le rapport de lord Durham menace de s'accomplir à la lettre.
Le rapport de lord Durham menace de s'accomplir à la lettre.


L'union des deux Canadas imposée à notre population malgré sa volonté fortement exprimée et bien connue de l'Angleterre a été faite dans le but de nous perdre et si l'on en juge d'après les fruits qu'elle a déjà portés, nous touchons certainement à l'abîme qui devra nous engloutir.
L'Union des deux Canadas imposée à notre population malgré sa volonté fortement exprimée et bien connue de l'Angleterre a été faite dans le but de nous perdre et si l'on en juge d'après les fruits qu'elle a déjà portés, nous touchons certainement à l'abîme qui devra nous engloutir.


Examinons un instant l'Acte d'Union et voyons si nous devons aujourd'hui plus qu'il y a dix ans en approuver le contenu, en subir les conséquences, sans protester ou sans en demander le rappel ou des modifications telles qu'elles puissent nous amener à un meilleur état de choses.
Examinons un instant l'Acte d'Union<ref>Voir l'''[[Acte d'Union|Acte d'Union de 1840]]''.</ref> et voyons si nous devons aujourd'hui plus qu'il y a dix ans en approuver le contenu, en subir les conséquences, sans protester ou sans en demander le rappel ou des modifications telles qu'elles puissent nous amener à un meilleur état de choses.


Le Bas-Canada était sous l'effet de la loi martiale; sa constitution avait été suspendue; bon nombre de ses représentants étaient expatriés; ses revenus étaient votés par l'Angleterre sans son consentement; un Conseil spécial composé presque exclusivement de ce que notre population avait d'ennemis les plus acharnés avait été créé par le gouvernement anglais pour nous imposer ses volontés. Le juge en chef actuel, sir James Stuart, qui présidait ce conseil fut chargé de préparer l'Acte d'Union en 1839. Son projet accordait une représentation basée en grande partie sur le chiffre de la population, mais le juge Robinson, du Haut-Canada, obtint un congé de dix-huit mois qu'il employa à intriguer en Angleterre pour faire introduire dans l'Acte d'Union le système des bourgs pourris et le rendre pire qu'il ne l'aurait été sans cela. Le Conseil spécial accepta la proposition de l'union et pour compléter son infamie, il le fit au nom du peuple du Bas-Canada
Le Bas-Canada était sous l'effet de la loi martiale; sa constitution avait été suspendue; bon nombre de ses représentants étaient expatriés; ses revenus étaient votés par l'Angleterre sans son consentement; un Conseil spécial composé presque exclusivement de ce que notre population avait d'ennemis les plus acharnés avait été créé par le gouvernement anglais pour nous imposer ses volontés. Le juge en chef actuel, sir [[James Stuart]], qui présidait ce conseil fut chargé de préparer l'Acte d'Union en 1839. Son projet accordait une représentation basée en grande partie sur le chiffre de la population, mais le juge [[Robinson]], du Haut-Canada, obtint un congé de dix-huit mois qu'il employa à intriguer en Angleterre pour faire introduire dans l'Acte d'Union le système des bourgs pourris et le rendre pire qu'il ne l'aurait été sans cela. Le Conseil spécial accepta la proposition de l'Union et pour compléter son infamie, il le fit au nom du peuple du Bas-Canada.


Dans le Haut-Canada, la proposition fut acceptée par un parlement élu par la fraude et la force brutale, que lord Durham dénonça comme vil et sans dignité et dont il prolongea injustement l'existence afin de faire approuver la proposition.
Dans le Haut-Canada, la proposition fut acceptée par un parlement élu par la fraude et la force brutale, que lord Durham dénonça comme vil et sans dignité et dont il prolongea injustement l'existence afin de faire approuver la proposition.


L'Angleterre ayant obtenu l'assentiment du fameux Conseil spécial dans le Bas-Canada et de son ''servile'' Parlement du Haut-Canada, le parlement anglais passa l'Acte d'Union qui est la base et l'essence de notre système gouvernemental. Les quatre-vingt mille signatures des habitants des districts des Trois-Rivières, envoyées en Angleterre pour protester énergiquement contre la proposition de l'union n'eurent aucun poids dans la balance.
L'Angleterre ayant obtenu l'assentiment du fameux Conseil spécial dans le Bas-Canada et de son ''servile'' Parlement du Haut-Canada, le parlement anglais passa l'Acte d'Union qui est la base et l'essence de notre système gouvernemental. Les quatre-vingt mille signatures des habitants des districts des Trois-Rivières, envoyées en Angleterre pour protester énergiquement contre la proposition de l'Union n'eurent aucun poids dans la balance.


L'opinion du conseil spécial et la détermination de l'Angleterre l'emportèrent et la province du Bas-Canada violée, mariée malgré son consentement fut livrée au Haut-Canada.
L'opinion du Conseil spécial et la détermination de l'Angleterre l'emportèrent et la province du Bas-Canada violée, mariée malgré son consentement fut livrée au Haut-Canada.


Les élections de 1841, les premières élections générales faites sous l'Acte d'Union, ont laissé dans la mémoire de chacun de ceux qui en ont été témoins des souvenirs qui ne s'effaceront jamais. La corruption, l'intimidation, la violence, tout fut mis en jeu pour assurer au gouvernement une majorité disposée à ratifier l'union inique des deux provinces, le mariage forcé du Haut et du Bas-Canada. On voulait enfin avoir le consentement du père de la mariée et pour cela, on essaya de le corrompre, de l'enivrer; on lui donna même de forts coups de bâtons pour lui faire signer le contrat, mais le peuple du Bas-Canada refusait toujours obstinément parce qu'il avait la conscience de ses devoirs envers lui-même et sa postérité.
Les élections de 1841, les premières élections générales faites sous l'Acte d'Union, ont laissé dans la mémoire de chacun de ceux qui en ont été témoins des souvenirs qui ne s'effaceront jamais. La corruption, l'intimidation, la violence, tout fut mis en jeu pour assurer au gouvernement une majorité disposée à ratifier l'Union inique des deux provinces, le mariage forcé du Haut et du Bas-Canada. On voulait enfin avoir le consentement du père de la mariée et pour cela, on essaya de le corrompre, de l'enivrer; on lui donna même de forts coups de bâtons pour lui faire signer le contrat, mais le peuple du Bas-Canada refusait toujours obstinément parce qu'il avait la conscience de ses devoirs envers lui-même et sa postérité.


La démoralisation produite par les élections à la Syndenham de 1841 a laissé de profondes couches dans la société politique du Canada et dont elle ne se relèvera probablement pas de sitôt.
La démoralisation produite par les élections à la [[Charles Edward Poulett Thomson, 1er baron Sydenham|Syndenham]] de 1841 a laissé de profondes couches dans la société politique du Canada et dont elle ne se relèvera probablement pas de sitôt.


Comment se fait-il donc, me direz-vous, qu'après des élections faites sur la question de l'union, pas une seule voix ne se soit fait entendre dans le premier parlement uni pour en demander le rappel? Ah! il est pénible d'avoir à l'avouer, c'est que la corruption du gouvernement avait déjà gagné bien des cœurs ci-devant canadiens.
Comment se fait-il donc, me direz-vous, qu'après des élections faites sur la question de l'Union, pas une seule voix ne se soit fait entendre dans le premier parlement uni pour en demander le rappel? Ah! il est pénible d'avoir à l'avouer, c'est que la corruption du gouvernement avait déjà gagné bien des cœurs ci-devant canadiens.


L'Angleterre avait inventé le beau et dérisoire gouvernement responsable au bureau colonial. Lord Durham lui avait recommandé de faire partager le pouvoir par les Canadiens et qu'elle les amuserait, les affaiblirait, les détruirait par ce système de bascule qui n'a produit aucun bine, toujours et toujours du mal au Bas-Canada. L'on se rappelle que le district de Montréal n'a pas envoyé une seule requête à l'Angleterre contre la passation de l'Acte d'Union. Cependant le peuple de ce district était aussi opposé à l'union que partout ailleurs. Mais le mouvement d'opposition fut étouffé par les gros bonnets de Montréal, M. Lafontaine en tête, qui prévoyait déjà que deux années plus tard il gouvernerait le pays et jouirait d'un patronage sans limite et capable de détruire les trois quarts des plus belles consciences politiques de notre pays. Et voilà pourquoi notre parlement à l'exemple du Parlement irlandais a accepté l'union tandis que le peuple qu'il représentait la maudissait et la maudit encore.
L'Angleterre avait inventé le beau et dérisoire gouvernement responsable au bureau colonial. Lord Durham lui avait recommandé de faire partager le pouvoir par les Canadiens et qu'elle les amuserait, les affaiblirait, les détruirait par ce système de bascule qui n'a produit aucun bien, toujours et toujours du mal au Bas-Canada. L'on se rappelle que le district de Montréal n'a pas envoyé une seule requête à l'Angleterre contre la passation de l'Acte d'Union. Cependant le peuple de ce district était aussi opposé à l'Union que partout ailleurs. Mais le mouvement d'opposition fut étouffé par les gros bonnets de Montréal, M. [[Louis-Hippolyte Lafontaine|Lafontaine]] en tête, qui prévoyait déjà que deux années plus tard il gouvernerait le pays et jouirait d'un patronage sans limite et capable de détruire les trois quarts des plus belles consciences politiques de notre pays. Et voilà pourquoi notre parlement à l'exemple du Parlement irlandais a accepté l'Union tandis que le peuple qu'il représentait la maudissait et la maudit encore.


Quels avantages avez-vous retirés de votre union avec le Haut-Canada? — Aucuns. Toujours des avantages pour le Haut-Canada. Rien pour le Bas. Nous n'avions pas de dette publique, nous en avons une qui est énorme pour les ressources du pays. Nous ne payions que peu d'impôts, nous en avons maintenant qui sont exorbitants.
Quels avantages avez-vous retirés de votre union avec le Haut-Canada? — Aucuns. Toujours des avantages pour le Haut-Canada. Rien pour le Bas. Nous n'avions pas de dette publique, nous en avons une qui est énorme pour les ressources du pays. Nous ne payions que peu d'impôts, nous en avons maintenant qui sont exorbitants.


Le rapport de lord Durham s'accomplit à la lettre, on nous a unis au Haut-Canada sans nous consulter et malgré nous. On nous a imposé l'entreprise du chemin de fer d'Halifax sans consulter le peuple du pays et prenez y garde! demain on nous imposera l'union de toutes les provinces britanniques de l'Amérique du Nord sans que vous sachiez comment ni pourquoi si vous envoyez encore en Chambre un représentant prêt à approuver le gouvernement en tout et partout.
Le rapport de lord Durham s'accomplit à la lettre, on nous a unis au Haut-Canada sans nous consulter et malgré nous. On nous a imposé l'entreprise du chemin de fer d'Halifax sans consulter le peuple du pays et prenez y garde! demain on nous imposera l'Union de toutes les provinces britanniques de l'Amérique du Nord sans que vous sachiez comment ni pourquoi si vous envoyez encore en Chambre un représentant prêt à approuver le gouvernement en tout et partout.


Oui, le mal qui qui nous a été fait est grand, irréparable peut-être. La condition faite au pays devient de plus en plus mauvaise. Ne sentez-vous pas le mal dans votre pays appauvri, dans votre comté, dans vos paroisses, dans vos propriétés, dans vos familles, dans votre sang et même jusque dans la moelle des os de vos enfants?
Oui, le mal qui qui nous a été fait est grand, irréparable peut-être. La condition faite au pays devient de plus en plus mauvaise. Ne sentez-vous pas le mal dans votre pays appauvri, dans votre comté, dans vos paroisses, dans vos propriétés, dans vos familles, dans votre sang et même jusque dans la moelle des os de vos enfants?


Habitants de Champlain, écoutez la voix d'un des enfants de votre comté: voyez les centaines, les milliers de jeunes canadiens intelligents, actifs, forts et robustes qui émigrent aux États-Unis tous les ans. C'est la jeunesse, la sève, la vie de votre vie comme peuple qui s'éloigne de vous pour aller vivre avec plus de liberté, de bonheur et de prospérité que notre pays peut leur en offrir actuellement. Sortez de vos maisons. Empressez-vous de voter pour un représentant qui travaillera pour vous obtenir le rappel de l'union; le rappel de la loi qui crée une nouvelle dette pour le chemin de fer d'Halifax, et qui sera prêt à combattre de toutes ses forces contre la proposition de l'union des provinces britanniques. Songez que vous vous le devez à vous-mêmes et à vos descendants; si vous restiez inactifs, l’œuvre de la destruction s'accomplirait. Encore une fois, voyez enfants forcés de s'expatrier pour aller à l'étranger chercher de quoi subvenir à leur existence. Il y a ici encore plus de place qu'en Irlande, mais l'espace n'est pas libre, il y a du travail, mais le fardeau est lourd et si nous continuons l'œuvre effectivement commencée depuis dix ans, bientôt, l'on dira de nous: les Canadiens se sont endormis sur le bord du précipice, l'esclavage colonial a épuisé leurs forces; leur population ne présente plus que l'aspect d'un cadavre politique, et quelques années plus tard: les Canadiens n'existent plus.
Habitants de Champlain, écoutez la voix d'un des enfants de votre comté: voyez les centaines, les milliers de jeunes canadiens intelligents, actifs, forts et robustes qui émigrent aux États-Unis tous les ans. C'est la jeunesse, la sève, la vie de votre vie comme peuple qui s'éloigne de vous pour aller vivre avec plus de liberté, de bonheur et de prospérité que notre pays peut leur en offrir actuellement. Sortez de vos maisons. Empressez-vous de voter pour un représentant qui travaillera pour vous obtenir le rappel de l'Union; le rappel de la loi qui crée une nouvelle dette pour le chemin de fer d'Halifax, et qui sera prêt à combattre de toutes ses forces contre la proposition de l'Union des provinces britanniques. Songez que vous vous le devez à vous-mêmes et à vos descendants; si vous restiez inactifs, l’œuvre de la destruction s'accomplirait. Encore une fois, voyez enfants forcés de s'expatrier pour aller à l'étranger chercher de quoi subvenir à leur existence. Il y a ici encore plus de place qu'en Irlande, mais l'espace n'est pas libre, il y a du travail, mais le fardeau est lourd et si nous continuons l'œuvre effectivement commencée depuis dix ans, bientôt, l'on dira de nous: les Canadiens se sont endormis sur le bord du précipice, l'esclavage colonial a épuisé leurs forces; leur population ne présente plus que l'aspect d'un cadavre politique, et quelques années plus tard: les Canadiens n'existent plus.


Votez pour le rappel de l'union.
Votez pour le rappel de l'Union.


== Gouvernement responsable. ==
== Gouvernement responsable. ==


Notre gouvernement responsable qui ne l'est même pas en théorie et encore moins dans la pratique a pour base l'Acte d'Union. Je l'ai dit plus haut, je désire le rappel de l'union, et s'il est impossible de l'obtenir je veux que l'on demande de nombreux amendements à notre constitution, que l'on obtienne en réalité la responsabilité du gouvernement envers le peuple.
Notre gouvernement responsable qui ne l'est même pas en théorie et encore moins dans la pratique a pour base l'Acte d'Union. Je l'ai dit plus haut, je désire le rappel de l'Union, et s'il est impossible de l'obtenir je veux que l'on demande de nombreux amendements à notre constitution, que l'on obtienne en réalité la responsabilité du gouvernement envers le peuple.


Parmi ces modifications que je désire voir s'accomplir immédiatement dans notre constitution, il y en a de très importantes. Il faut assurer l'indépendance de la Chambre. Il faut ôter autant que possible au gouvernement les moyens de la corrompre en demandant la «''Défense par une loi spéciale à tout représentant du peuple d'accepter aucune charge lucrative de la couronne pendant l'exercice de son mandat et un an après son expiration, à moins que cette nomination ne soit ratifiée par l'élection.''»
Parmi ces modifications que je désire voir s'accomplir immédiatement dans notre constitution, il y en a de très importantes. Il faut assurer l'indépendance de la Chambre. Il faut ôter autant que possible au gouvernement les moyens de la corrompre en demandant la «''Défense par une loi spéciale à tout représentant du peuple d'accepter aucune charge lucrative de la couronne pendant l'exercice de son mandat et un an après son expiration, à moins que cette nomination ne soit ratifiée par l'élection.''»
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Le Conseil législatif, qui a tant fait de mal au pays autrefois, qui en fait et peut en faire encore plus d'un jour à l'autre, parce qu'il a la tête plus haute que jamais, se composant comme toujours, d'hommes choisis à vie par le gouverneur, d'ordinaire perdus dans l'opinion publique et dont les sept-huitième des membres ne pourraient pas se faire lire par le peuple; le Conseil législatif, dis-je, a encore la faculté de rejeter les lois passées en Chambre, comme il rejeta à plusieurs reprises différentes lois passées dans l'ancienne Chambre, pour faire instruire la jeunesse du pays. Ce Conseil, qui mérita par sa conduite le surnom de ''vieillards malfaisants'', sert de refuge aux rebuts de l'opinion publique; à des hommes serviles et nuls, par l'esprit et par le cœur; à des hommes qui ne représentent rien dans la société, si non des privilèges qui vous ont fait toujours du mal. Ils sont, pour la plupart, la négation de tout mouvement progressiste dans le Canada.
Le Conseil législatif, qui a tant fait de mal au pays autrefois, qui en fait et peut en faire encore plus d'un jour à l'autre, parce qu'il a la tête plus haute que jamais, se composant comme toujours, d'hommes choisis à vie par le gouverneur, d'ordinaire perdus dans l'opinion publique et dont les sept-huitième des membres ne pourraient pas se faire lire par le peuple; le Conseil législatif, dis-je, a encore la faculté de rejeter les lois passées en Chambre, comme il rejeta à plusieurs reprises différentes lois passées dans l'ancienne Chambre, pour faire instruire la jeunesse du pays. Ce Conseil, qui mérita par sa conduite le surnom de ''vieillards malfaisants'', sert de refuge aux rebuts de l'opinion publique; à des hommes serviles et nuls, par l'esprit et par le cœur; à des hommes qui ne représentent rien dans la société, si non des privilèges qui vous ont fait toujours du mal. Ils sont, pour la plupart, la négation de tout mouvement progressiste dans le Canada.


Sous notre prétendu gouvernement responsable, ce Conseil a pris de la force; son nombre s'est augmenté et toutes les administrations, tories comme libérales, s'en sont servis, tour à tour, pour se maintenir au pouvoir, disposer du patronage, démoraliser la société politique et jouir des bénéfices. Sous la pauvre et défunte administration Lafontaine-Baldwin, le Bas-Canada avait quatre ministres dont trois étaient seigneurs et ''trois'' dans le ''Conseil législatif'', MM. Bourret, Taché et Leslie; un seul était responsable au peuple!
Sous notre prétendu gouvernement responsable, ce Conseil a pris de la force; son nombre s'est augmenté et toutes les administrations, tories comme libérales, s'en sont servis, tour à tour, pour se maintenir au pouvoir, disposer du patronage, démoraliser la société politique et jouir des bénéfices. Sous la pauvre et défunte administration Lafontaine-Baldwin, le Bas-Canada avait quatre ministres dont trois étaient seigneurs et ''trois'' dans le ''Conseil législatif'', MM. [[w:Joseph Bourret|Bourret]], [[w:fr:Étienne-Paschal Taché|Taché]] et [[w:fr:James Leslie|Leslie]]; un seul était responsable au peuple!


Dans un temps où tout le peuple demandait l'abolition de la tenure seigneuriale, la même administration, plaçait dans ce Conseil, comme pour faire injure à l'opinion publique, trois seigneurs d'un seul coup, entre autres l'honorable Saveuse DeBeaujeu, qui n'aurait jamais reçu la centième partie des voix qui se trouvent dans le comté de Vaudreuil, où il réside et possède deux grandes seigneuries, s'il avait été obligé de se faire élire, tant il y est impopulaire.  
Dans un temps où tout le peuple demandait l'abolition de la tenure seigneuriale, la même administration, plaçait dans ce Conseil, comme pour faire injure à l'opinion publique, trois seigneurs d'un seul coup, entre autres l'honorable [[w:fr:Georges-René Saveuse de Beaujeu|Saveuse de Beaujeu]], qui n'aurait jamais reçu la centième partie des voix qui se trouvent dans le comté de Vaudreuil, où il réside et possède deux grandes seigneuries, s'il avait été obligé de se faire élire, tant il y est impopulaire.


C'est avec des faits comme ceux-là devant vous, que vous voyez encore des hommes intéressés qui vous disent que nous n'avons rien à envier, que nos institutions politiques sont les plus libres du monde!
C'est avec des faits comme ceux-là devant vous, que vous voyez encore des hommes intéressés qui vous disent que nous n'avons rien à envier, que nos institutions politiques sont les plus libres du monde!
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L'Acte d'Union nous a imposé une répartition de représentation que j'ai toujours répudiée. On a donné au Haut-Canada autant de représentants qu'au Bas-Canada quoique sa population fut d'un tiers moindre. On déclarait par là, pratiquement, que deux Haut-Canadiens valaient trois Bas-Canadiens. Les divisions territoriales étaient aussi iniques. On voulait noyer les Canadiens en Chambre et le résultat invariable des élections depuis dix ans est venu donner gain de cause à cette œuvre diabolique. La Chambre se compose de 84 membres. Les origines étrangères à la nôtre ont tout l'avantage par ce système de représentation. Elles envoient en Chambre en moyenne 56 représentants tandis que les Canadiens qui sont aussi nombreux que toutes les autres n'en envoient que 28, ou un tiers. Voilà, messieurs, comme nous sommes représentés en Chambre!
L'Acte d'Union nous a imposé une répartition de représentation que j'ai toujours répudiée. On a donné au Haut-Canada autant de représentants qu'au Bas-Canada quoique sa population fut d'un tiers moindre. On déclarait par là, pratiquement, que deux Haut-Canadiens valaient trois Bas-Canadiens. Les divisions territoriales étaient aussi iniques. On voulait noyer les Canadiens en Chambre et le résultat invariable des élections depuis dix ans est venu donner gain de cause à cette œuvre diabolique. La Chambre se compose de 84 membres. Les origines étrangères à la nôtre ont tout l'avantage par ce système de représentation. Elles envoient en Chambre en moyenne 56 représentants tandis que les Canadiens qui sont aussi nombreux que toutes les autres n'en envoient que 28, ou un tiers. Voilà, messieurs, comme nous sommes représentés en Chambre!


Votre comté qui contient quinze mille âmes canadiennes-françaises n'envoie qu'un représentant en Chambre, tandis que le bourg pourri de Sherbrooke avec 92 électeurs qualifiés d'origine étrangère en voie un. La ville des Trois-Rivières avec ses 4 000 âmes, qui a souvent élu un homme d'origine étrangère, envoie un représentant en Parlement; tandis que le comté de St-Maurice avec 40 000 âmes n'en envoie aussi qu'un seul. Pour ma part, je veux que les habitants des campagnes soient représentés comme ceux des villes dans le Parlement et je n'accepterai d'autre réforme électorale que celle qui sera basée sur la population. C'est la seule réforme qui puisse satisfaire le pays, la seule réforme équitable et l'unique réforme électorale qui puisse satisfaire un démocrate. Votez pour la réforme électorale basée sur la population.
Votre comté qui contient quinze mille âmes canadiennes-françaises n'envoie qu'un représentant en Chambre, tandis que le bourg pourri de Sherbrooke avec 92 électeurs qualifiés d'origine étrangère en envoie un. La ville des Trois-Rivières avec ses 4 000 âmes, qui a souvent élu un homme d'origine étrangère, envoie un représentant en Parlement; tandis que le comté de St-Maurice avec 40 000 âmes n'en envoie aussi qu'un seul. Pour ma part, je veux que les habitants des campagnes soient représentés comme ceux des villes dans le Parlement et je n'accepterai d'autre réforme électorale que celle qui sera basée sur la population. C'est la seule réforme qui puisse satisfaire le pays, la seule réforme équitable et l'unique réforme électorale qui puisse satisfaire un démocrate. Votez pour la réforme électorale basée sur la population.


== Le suffrage universel. ==
== Le suffrage universel. ==
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Je désire cette réforme parce qu'elle est raisonnable, qu'elle rétablira l'ordre et la morale publique dans nos élections contestées, surtout dans les villes où bien souvent la violence et la corruption l'emportent sur la volonté du plus grand nombre. Toute qualification territoriale devrait être abolie pour les électeurs parce que tous les citoyens pauvres ou riches ont le même intérêt à être bien gouvernés et que tous les habitants de ce pays paient des impôts indirects pour le soutien du gouvernement. Accordez à chaque citoyen, né ou naturalisé dans le pays, le droit de vote et faites faire les élections au scrutin secret, vous verrez de suite disparaître les mauvaises passions et le désordre que créent ceux que l'on prive du droit de voter et qui le prennent bien souvent par la force brutale.
Je désire cette réforme parce qu'elle est raisonnable, qu'elle rétablira l'ordre et la morale publique dans nos élections contestées, surtout dans les villes où bien souvent la violence et la corruption l'emportent sur la volonté du plus grand nombre. Toute qualification territoriale devrait être abolie pour les électeurs parce que tous les citoyens pauvres ou riches ont le même intérêt à être bien gouvernés et que tous les habitants de ce pays paient des impôts indirects pour le soutien du gouvernement. Accordez à chaque citoyen, né ou naturalisé dans le pays, le droit de vote et faites faire les élections au scrutin secret, vous verrez de suite disparaître les mauvaises passions et le désordre que créent ceux que l'on prive du droit de voter et qui le prennent bien souvent par la force brutale.


Pour faire sentir l'odieux et le ridicule de toutes ces qualifications territoriales, Franklin disait un jour qu'autrefois un électeur avait le droit de voter quand il était propriétaire d'une cheval ou d'un âne. Une année, un homme propriétaire d'un âne se présente pour voter, son vote est admis. L'année suivante il se présente à nouveau, mais son âne étant mort, on lui dit qu'il ne pouvait plus voter; il n'était plus qualifié. Franklin se demande avec raison: ''est-ce l'âne ou l'homme qui avait voté la première année?'' L'âne était plus que l'homme alors, comme aujourd'hui l'habit est encore plus que le moine bien souvent, aux yeux de lois exceptionnelles et ridicules. Votez pour la justice, l'égalité, l'humanité: le suffrage universel.
Pour faire sentir l'odieux et le ridicule de toutes ces qualifications territoriales, [[Benjamin Franklin|Franklin]] disait un jour qu'autrefois un électeur avait le droit de voter quand il était propriétaire d'une cheval ou d'un âne. Une année, un homme propriétaire d'un âne se présente pour voter, son vote est admis. L'année suivante il se présente à nouveau, mais son âne étant mort, on lui dit qu'il ne pouvait plus voter; il n'était plus qualifié. Franklin se demande avec raison: ''est-ce l'âne ou l'homme qui avait voté la première année?'' L'âne était plus que l'homme alors, comme aujourd'hui l'habit est encore plus que le moine bien souvent, aux yeux de lois exceptionnelles et ridicules. Votez pour la justice, l'égalité, l'humanité: le suffrage universel.


== Éligibilité dépendant de la confiance publique. ==
== Éligibilité dépendant de la confiance publique. ==
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== Colonisation des terres incultes mises à la portée des classes pauvres. ==
== Colonisation des terres incultes mises à la portée des classes pauvres. ==


Un quart de notre population a laissé le pays pour se fixer aux États-Unis. Il y a plus de 200 000 Canadiens français de l'autre côté des lignes qui sont allés respirer un air plus libre, acquérir de la propriété, s'établir sur les terres de l'ouest parce que l'établissement de nos terres incultes est trop difficile. Ils jouissent d'une aisance peu commune en Canada pour des hommes de leur condition, partis sans autres moyens que leur intelligence, leur activité et leur probité. Tandis qu'il part un grand nombre de nos jeunes compatriotes parce qu'ils ne peuvent s'établir avantageusement ici, le gouvernement de notre pays fait passer une loi pour importer, du premier coup, 500 pensionnaires militaires qui recevront après quatre années de service, comme hommes de police, chacun 50 acres des terres du pays pour rien. Nous n'avons pas de terres, ou plutôt il y a de grands obstacles à surmonter pour former de nouveaux établissements. Au lieu d'aplanir ces difficultés en appliquant une certaine partie de ces terres à l'ouverture de routes publiques et avantageuses, on en gaspille une partie pour en faire présent à des pensionnaires militaires de l'Angleterre. Bon nombre de Canadiens qui ont versé leur sang pour elle en 1812 et pour l'insigne faveur de demeurer colons et esclaves d'un pouvoir étranger, n'ont pu obtenir la récompense non seulement due, mais promise pour leurs services. Rien ne doit être négligé pour faciliter l'établissement des Townships aussi bien que des seigneuries qui ne le sont pas encore entièrement. Votez pour la colonisation des terres incultes mises à la portée des classes pauvres.
Un quart de notre population a laissé le pays pour se fixer aux États-Unis. Il y a plus de 200 000 Canadiens français de l'autre côté des lignes qui sont allés respirer un air plus libre, acquérir de la propriété, s'établir sur les terres de l'ouest parce que l'établissement de nos terres incultes est trop difficile. Ils jouissent d'une aisance peu commune en Canada pour des hommes de leur condition, partis sans autres moyens que leur intelligence, leur activité et leur probité. Tandis qu'il part un grand nombre de nos jeunes compatriotes parce qu'ils ne peuvent s'établir avantageusement ici, le gouvernement de notre pays fait passer une loi pour importer, du premier coup, 500 pensionnaires militaires qui recevront après quatre années de service, comme hommes de police, chacun 50 acres des terres du pays pour rien. Nous n'avons pas de terres, ou plutôt il y a de grands obstacles à surmonter pour former de nouveaux établissements. Au lieu d'aplanir ces difficultés en appliquant une certaine partie de ces terres à l'ouverture de routes publiques et avantageuses, on en gaspille une partie pour en faire présent à des pensionnaires militaires de l'Angleterre. Bon nombre de Canadiens qui ont versé leur sang pour elle en 1812 et pour l'insigne faveur de demeurer colons et esclaves d'un pouvoir étranger, n'ont pu obtenir la récompense non seulement due, mais promise pour leurs services. Rien ne doit être négligé pour faciliter l'établissement des townships aussi bien que des seigneuries qui ne le sont pas encore entièrement. Votez pour la colonisation des terres incultes mises à la portée des classes pauvres.


== Libre navigation du St-Laurent. ==  
== Libre navigation du St-Laurent. ==  
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Les membres de la Chambre, qui n'ont pas encore trouvé moyen de faire indemniser les jurés, n'ont jamais manqué de se voter au moins quatre piastres par jour et trois chelins de la lieue pour ''s'indemniser'', disent-ils, des déboursés qu'ils sont obligés d'encourir en allant au Parlement vous représenter.  
Les membres de la Chambre, qui n'ont pas encore trouvé moyen de faire indemniser les jurés, n'ont jamais manqué de se voter au moins quatre piastres par jour et trois chelins de la lieue pour ''s'indemniser'', disent-ils, des déboursés qu'ils sont obligés d'encourir en allant au Parlement vous représenter.  


Si vos représentants ne s'étaient voté que deux piastres d'indemnité par jour, au lieu de quatre, ils auraient épargné une somme d'au moins 16 800$ pour la dernière session, ce qui aurait été plus que suffisant pour indemniser tous les jurés du Canada. Puisque vos représentants trouvent toujours moyen de s'indemniser; de donner les terres aux pensionnaires militaires de l'Angleterre; d'augmenter la dette publique et les impôts pour des entreprises folles et ruineuses, forces les donc à voter, et votez vous-mêmes pour l'indemnité aux jurés.
Si vos représentants ne s'étaient voté que deux piastres d'indemnité par jour, au lieu de quatre, ils auraient épargné une somme d'au moins 16 800 $ pour la dernière session, ce qui aurait été plus que suffisant pour indemniser tous les jurés du Canada. Puisque vos représentants trouvent toujours moyen de s'indemniser; de donner les terres aux pensionnaires militaires de l'Angleterre; d'augmenter la dette publique et les impôts pour des entreprises folles et ruineuses, forces les donc à voter, et votez vous-mêmes pour l'indemnité aux jurés.


== Administration du gouvernement moins dispendieuse qu'aujourd'hui. — Réduction des salaires dans les branches du service public, et du nombre des employés. ==
== Administration du gouvernement moins dispendieuse qu'aujourd'hui. — Réduction des salaires dans les branches du service public, et du nombre des employés. ==
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Jusqu'à tout dernièrement encore les terres publiques du Canada étaient distribuées avec profusion à des êtres privilégiés qui s'enrichissaient en spéculant sur les colons qui étaient assez entreprenants pour s'enfoncer dans la forêt et lutter contre tous les désavantages possibles afin de fonder de nouveaux établissements. Parmi ceux des privilégiés qui ont eu la plus grande part dans ce gaspillage affreux, fait au grand détriment du surplus de notre population, se trouve une classe d'hommes qui n'a jamais rendu de services aux Canadiens français et qui au contraire avait des intérêts diamétralement opposés aux nôtres sous tous les rapports sociaux, politiques, nationaux et religieux. Je veux parler du clergé protestant qui a reçu un ''septième'' de toutes les terres publiques arpentées depuis 1791 à 1841 dans ce pays afin de supporter l'église anglicane ou l'église de l'État. Il reste encore une somme considérable entre les mains du gouvernement, provenant de ces biens et je suis d'opinion qu'il faudrait restituer au peuple le produit des ventes de ces terres pour l'éducation de ses enfants.
Jusqu'à tout dernièrement encore les terres publiques du Canada étaient distribuées avec profusion à des êtres privilégiés qui s'enrichissaient en spéculant sur les colons qui étaient assez entreprenants pour s'enfoncer dans la forêt et lutter contre tous les désavantages possibles afin de fonder de nouveaux établissements. Parmi ceux des privilégiés qui ont eu la plus grande part dans ce gaspillage affreux, fait au grand détriment du surplus de notre population, se trouve une classe d'hommes qui n'a jamais rendu de services aux Canadiens français et qui au contraire avait des intérêts diamétralement opposés aux nôtres sous tous les rapports sociaux, politiques, nationaux et religieux. Je veux parler du clergé protestant qui a reçu un ''septième'' de toutes les terres publiques arpentées depuis 1791 à 1841 dans ce pays afin de supporter l'église anglicane ou l'église de l'État. Il reste encore une somme considérable entre les mains du gouvernement, provenant de ces biens et je suis d'opinion qu'il faudrait restituer au peuple le produit des ventes de ces terres pour l'éducation de ses enfants.


Non seulement vous avez soutenu le clergé protestant du pays par un septième de vos terres publiques pendant 75 ans, mais on vous a volé une grande partie des biens des jésuites pour lui venir en aide; biens qui, d'après leur destination primitive et l'usage qui en était fait avant la cession du pays, n'auraient jamais dû être employés à autre chose qu'à l'éducation de la jeunesse canadienne. L'Angleterre s'empara des propriétés des jésuites en 1763 et de cette époque à venir à l'année 1800, il n'y a pas un homme vivant actuellement qui soit capable de dire quel usage on a fait des revenus de propriétés dont la valeur s'élève de 2 000 000 $ à 3 000 000 $. D'après les revenus que ces propriétés ont donnés à des époques différentes avant 1800, on est en droit de supposer qu'au moins 220 705$ sont passés entre les mains du gouvernement et ont été employés dans un but encore inconnu. Les revenus entiers de 37 années ont été engloutis d'une manière secrète.
Non seulement vous avez soutenu le clergé protestant du pays par un septième de vos terres publiques pendant 75 ans, mais on vous a volé une grande partie des biens des jésuites pour lui venir en aide; biens qui, d'après leur destination primitive et l'usage qui en était fait avant la cession du pays, n'auraient jamais dû être employés à autre chose qu'à l'éducation de la jeunesse canadienne. L'Angleterre s'empara des propriétés des jésuites en 1763 et de cette époque à venir à l'année 1800, il n'y a pas un homme vivant actuellement qui soit capable de dire quel usage on a fait des revenus de propriétés dont la valeur s'élève de 2 000 000 $ à 3 000 000 $. D'après les revenus que ces propriétés ont donnés à des époques différentes avant 1800, on est en droit de supposer qu'au moins 220 705 $ sont passés entre les mains du gouvernement et ont été employés dans un but encore inconnu. Les revenus entiers de 37 années ont été engloutis d'une manière secrète.


De 1800 à 1832, temps auquel la Chambre a obtenue le contrôle de l'administration de ces propriétés, les recettes totales se sont élevées à la somme de 198 335 $ et les dépenses à 190 977$, laissant une balance de 7 358$. Tous ces revenus ont été employés pour le maintient d'écoles anglaises dans le Haut-Canada comme dans le Bas-Canada et pour la construction d'églises protestantes dans le pays. Pendant 37 ans, on a enlevé ces revenus sans même dire à quoi on les avait destinés; pendant 31 ans ensuite on les employa entièrement pour favoriser l'anglification des Canadiens et le protestantisme dans le pays. Voici une liste des églises protestantes qui ont été construites en partie à même le fonds des bien des jésuites:
De 1800 à 1832, temps auquel la Chambre a obtenue le contrôle de l'administration de ces propriétés, les recettes totales se sont élevées à la somme de 198 335 $ et les dépenses à 190 977 $, laissant une balance de 7 358 $. Tous ces revenus ont été employés pour le maintient d'écoles anglaises dans le Haut-Canada comme dans le Bas-Canada et pour la construction d'églises protestantes dans le pays. Pendant 37 ans, on a enlevé ces revenus sans même dire à quoi on les avait destinés; pendant 31 ans ensuite on les employa entièrement pour favoriser l'anglification des Canadiens et le protestantisme dans le pays. Voici une liste des églises protestantes qui ont été construites en partie à même le fonds des bien des jésuites:


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La ville de Montréal contient 30 000 catholiques qui ne sont pas tenus de payer un seul sou pour le curé de la paroisse et ses vicaires, tandis qu'il y a environ trois cents cultivateurs, dans la paroisse de Montréal, qui eux sont obligés de payer la dîme parce qu'ils ont le malheur d'être des cultivateurs et de travailler plus qu'aucune autre classe de la société. a répartition de l'impôt des dîmes pour soutenir le clergé est donc injuste parce qu'elle ne pèse pas sur toutes les classes de notre population. C'est toujours sur les cultivateurs que retombe le fardeau des impôts et des servitudes dans ce pays.
La ville de Montréal contient 30 000 catholiques qui ne sont pas tenus de payer un seul sou pour le curé de la paroisse et ses vicaires, tandis qu'il y a environ trois cents cultivateurs, dans la paroisse de Montréal, qui eux sont obligés de payer la dîme parce qu'ils ont le malheur d'être des cultivateurs et de travailler plus qu'aucune autre classe de la société. a répartition de l'impôt des dîmes pour soutenir le clergé est donc injuste parce qu'elle ne pèse pas sur toutes les classes de notre population. C'est toujours sur les cultivateurs que retombe le fardeau des impôts et des servitudes dans ce pays.


La différence que je signale ici dans un grand nombre de localités et l'injustice, vis-à-vis des habitants, tend à augmenter de jour en jour. Comptez quelques uns des villages qui ne paient pas de dîmes et vous verrez que je n'ai pas tort d'appeler votre attention sur ce sujet. Sorel, St-Ours, St-Charles, Chambly, Ste-Marie, St-Athanase, St-Jean, Napierville, Laprairie, St-Rémi, Longueuil, Lachine, St-Eustache, Ste-Thérèse, Terrebonne, L'Assomption, L'Industrie, Berthier, Kamouraska, Boucherville, Varennes, Verchères, St-Thomas, St-Michel Bellechasse, Ste-Anne et une foule d'autres sont autant de villages qui me viennent à l'idée spontanément et dont les nombreuses familles ne paient point la dîme. Les villes des Trois-Rivières et de Québec sont encore là pour appuyer ce que j'avance.


TRANSCRIPTION EN COURS...
Voyez ce qui se passe dans vos campagnes. Vous érigez une paroisse nouvelle, les habitants bâtissent l'église, le presbytère, la maison d'école, etc. etc. Le lendemain il arrive un docteur, un notaire, un marchand, un avocat, un menuisier et plusieurs autres industriels pour se grouper autour l'église et former un village. Les cultivateurs font vivre toutes ces familles dans l'abondance par l'emploi qu'ils leur fournissent. Ces familles ont toujours mangé et mangent encore du pain blanc. Les cultivateurs ont pendant longtemps mangé du pain de blé de sarrasin et pourraient bien en manger encore si le blé venait à manquer comme cela est déjà arrivé. Les bancs de l'église se vendent et qu'arrive-t-il? Les docteurs, marchands, notaires etc. etc. du village qui n'ont rien payé pour faire construire l'église et qui ne paient pas la dîme achètent les plus beaux bancs, et grand nombre de ceux qui ont fait de grands sacrifices pour donner une belle église à leur paroisse sont obligés de se mettre dans la grande allée, n'ayant pas les moyens de lutter avec ces messieurs qui n'ont rien autre chose à payer que leurs bancs.
 
N'est-ce pas là ce qui est arrivé et ce qui arrive tous les jours? Répondez franchement. Eh bien! moi pour un je voudrais que tous les citoyens, fussent également tenus, d'après la loi, de contribuer au soutient de leur clergé. Point de distinction en faveur d'une classe ou d'une autre. L'agitation de cette question peut me faire tort aux yeux d'un grand nombre d'entre vous peut-être; l'on ne manquera pas de m'accuser à ce sujet comme on l'a déjà fait parce que j'ai eu le courage de publier le premier journal canadien qui se soit occupé activement de cette question. Ceux qui redoutent un changement de contribution sous ce rapport n'ont pas besoin de craindre, car il y aura peu d'hommes assez indépendants dans le prochain parlement pour se prononcer ouvertement sur cette question. Elle se trouve dans le programme de mon journal et je ne la laisse pas de côté car je ne veux point qu'il soit dit que j'ai reculé devant un seul articles de ce programme qui est la condensation de ma profession de foi politique.
 
Je crois que vous admettrez tous qu'une loi quelconque, qui force une partie des citoyens à payer une contribution élevée, tandis qu'elle en exempte un grand nombre d'autres, est une loi injuste et que lorsqu'une loi n'est pas basée sur la justice envers tous les citoyens, il doit y avoir moyen de la réformer, de l'abroger pour lui en substituer une autre plus en harmonie avec les besoins de la population et le droit de l'équité.
 
Ce que je suggère n'est tien de nouveau, vous savez tous qu'il y a eu un temps ou les habitants du pays payaient une treizième de leur produit et qu'actuellement vous n'êtes tenus que de payer le vingt-sixième. Si toutes les familles des villes et villages payaient leur quote-part, la dîme pourrait encore être réduite et vous n'en seriez que mieux.
 
Si vous demandez une réforme du système actuel, il faudra encore réformer demain votre réforme d'aujourd'hui; il vaut mieux en venir au but directement et voter pour l'abolition des dîmes pour leur substituer un mode par lequel tout le monde contribuera et justice sera rendue aux cultivateurs.
 
La dîme ne sera peut-être pas abolie ni réformée dans le prochain parlement, mais il est temps d'en agiter la question. Votez pour l'abolition du système des dîmes.


== Rappel de la loi du chemin de fer d'Halifax. ==
== Rappel de la loi du chemin de fer d'Halifax. ==
La proposition de faire construire un chemin de fer d'Halifax à Hamilton, distance de près de 500 lieues à même le crédit de chacun des habitants du pays, est une proposition si extravagante pour une pauvre colonie comme le Canada qu'il faut y regarder à deux fois avant que de l'accepter.
Dans la dernière session du parlement nos représentants ont voté une somme de 16 000 000 $ pour faire commencer la partie qui se trouve entre Halifax et Québec. Vos représentants savaient que, sous peu de semaines, ils seraient appelés à rendre compte de leurs mandats respectifs et que ce serait une occasion favorable de vous consulter quant à la confection de ce chemin. Ils savaient aussi, ou devaient savoir que la dette publique était déjà considérable et que le peuple ne serait peut-être pas disposé à l'augmenter de suite du double, sans pourvoir au moyen de payer ce qu'il devait déjà. Cependant, ils ont préféré ne pas remettre au prochain parlement la solution de cette question; ils ont préféré ne pas attendre les élections générales pour connaître l'opinion de leurs constituants sur une entreprise d'une aussi grande importance; ils ont doublé notre dette publique sans votre consentement, sans que le plus grand nombre d'entre vous n'en eut connaissance.
Le chemin de fer d'Halifax à Québec aura environ 212 lieues de longueur. D'après les estimations faites par les ingénieurs du gouvernement, il est plus que probable que la part qu'aura le Canada à payer pour ce chemin sera d'au moins 30 000 000 $. Les canaux du Canada ont été commencés avec 500 000 $, ils ont couté déjà plus de 12 000 000 et ne sont pas encore terminés. Il en sera de même pour le chemin de fer d'Halifax; il faudra doubler, tripler peut-être la somme des 16 000 000 $ avant que ce chemin ne soit terminé jusqu'à Québec. Une fois l’œuvre commencée, il faudra qu'elle s'achève et gare aux impôts qu'il nous faudra payer.
Avant l'Union, les impôts indirects s'élevaient à deux et demi pour cent. Pour payer l'intérêt de la dette contractée pour les canaux du Haut-Canada, vous êtes obligés de payer près de quinze pour cent actuellement sur toutes les marchandises importées dans le pays. La dette publique, ou le crédit de la province est déjà engagé pour la somme de 22 000 000 $. Ajoutez à cela les 30 000 000 $ pour le chemin de fer, vous aurez une dette de 52 000 000 $. Si cette somme était en piastres monnayées, elle pèserait 72 tonneaux et il faudrait 144 chevaux pour la traîner. Ces faits pourront vous donner une idée de ce que vous aurez à payer d'impôts, par la suite, pour avoir enrichi le Haut-Canada et les pauvres et misérables colonies d'en Bas, si vous consentez à cette nouvelle entreprise et à doubler et tripler votre dette à cet effet.
Quant à la question de savoir si cela paiera ou non je le laisse au jugement du chef des travaux publics, M. Young, qui écrivait une lettre l'année dernière dont voici un extrait:
{{Citation doc|
Montréal, 25 juillet 1850.
JOHN A. POOR, écr.,
[...]
Je suis heureux de voir que le projet de faire un chemin d'Halifax à Québec a été abandonné. J'ai peu de doute qu'il ne se fasse un jour, mais pour le présent, j'ai toujours considéré sa construction comme impraticable, et avec la population des Provinces britanniques, IL NE PAIERA JAMAIS.
Le projet d'unir Québec et Montréal avec la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, par le Maine, sera réalisé à l'aide de quelques embranchements dans la grande ligne à travers le Maine, et donnera tous les avantages qu'on recherche par la ligne sur le St-Laurent.
}}
D'après l'opinion du commissaire des Travaux publics, ce chemin de fer ne PAIERA JAMAIS. Vous pouvez vous attendre non seulement à payer l'intérêt du capital qui serai placé dans cette entreprise mais encore à payer de fortes sommes pour combler le déficit qu'occasionneront pendant grand nombre d'années sans frais de roulage.
Le chemin de fer de Québec et de Montréal à Portland, par Melbourne, nous offre tous les avantages désirables pour exporter nos produits. Ce chemin unira Québec et Montréal avec les townships de l'Est et l'État du Maine où les vaisseaux d'outremer peuvent venir en toutes saisons de l'année. Québec sera à 80 lieues de Portland, Montréal à 75 lieues. Y en a-t-il un parmi vous qui préférera passer par le chemin d'Halifax qui aura 212 lieues lorsqu'il pourra le faire par une chemin de 75 lieues? Évidement non, car vous payeriez plus cher pour vous faire transporter ainsi que pour le transport de vos produits!
Remarquez bien ceci encore, le chemin de fer de Portland est en partie fait et sera terminé au mois d'octobre prochain. Il est construit par une compagnie privée et ne coûtera rien au pays, le gouvernement n'ayant garanti que l'intérêt d'une partie du capital, capital qui est placé avantageusement et qui produira toujours plus que l'intérêt légal une fois que l'entreprise sera achevée. Mais pour le chemin d'Halifax la chose est bien différente. Le gouvernement en est le propriétaire; l'ouvrage coûtera un tiers de plus que si l'œuvre était exécutée par une compagnie privée. Ce chemin aura, pendant l'été à lutter avec la navigation du St-Laurent et toute l'année, la compétition ruineuse du chemin de Portland. L'entreprise ne PAIERA JAMAIS tant que le Canada demeurera dans l'état de colonie et nous n'avons pas besoin de nous priver des améliorations utiles, de nous ruiner pour faire plaisir à l'Angleterre et enrichir quelques agioteurs politiques.
Je m'oppose au chemin de fer d'Halifax parce que c'est une entreprise qui sera ruineuse pour le pays et qu'elle nous mettra dans l'impossibilité d'entreprendre des améliorations dans l'intérieur du pays, utiles et nécessaires et dont le peuple des campagnes a si grandement besoin; parce que le chemin ne sera avantageux qu'aux colonies d'en Bas et à l'Angleterre pour le transport de ses troupes et l'envoie de quelques milliers de ses brigands et forçats qu'elle se propose de nous imposer pour travailler sur ce chemin et qui se répandront dans notre société, une fois l'ouvrage terminé; parce qu'il est toujours mauvais en principe de donner au gouvernement le maniement d'entreprises aussi considérables et que le tripotage de 30 000 000 $ par cinq ou six hommes du pouvoir leur donnera des moyens de corruption des plus dangereux pour les libertés populaires. Le gouvernement n'a pas pu administrer quelques milles de chemin macadamisé sans qu'ils fussent une charge écrasante pour le trésor public, comment voulez-vous qu'il puisse administrer avantageusement 1 500 milles de chemin de fer.
Je m'oppose au chemin de fer d'Halifax parce que c'est là une barre de fer destinée à nous unir aux colonies d'en Bas et que je ne veux pas plus de cette nouvelle proposition de mariage du Canada que je ne voulais de l'Union des deux Canadas. Quoi! nous unir avec des ''colons'', des ''sujets'' encore plus pauvres et plus misérables que nous, tandis que nous pourrions nous unir avec des ''citoyens'' d'un pays libre, prospère et heureux. Ah! non, mille fois non, pour ma part.
Cette barre de fer, le chemin d'Halifax, est aussi destinée à nous lier de plus en plus à la ''mère-patrie''. Je n'en veux pas et je vous dirai plus au long pourquoi lundi prochain. Votez pour le rappel de la loi du chemin de fer d'Halifax.


== Puis enfin et au-dessus de tout: indépendance du Canada et son annexion aux États-Unis. ==
== Puis enfin et au-dessus de tout: indépendance du Canada et son annexion aux États-Unis. ==


J'espère que personne d'entre vous n'est assez déloyal envers le pays pour me faire un crime de désirer l'indépendance de ma patrie. Nous avons souffert plus qu'il ne le fallait de notre état colonial pour nous engager à vouloir enfin acquérir la liberté de faire nos lois nous mêmes, de payer un peu moins d'impôts au gouvernement et d'étendre à volonté nos relations commerciales et industrielles au dehors des limites rétrécies de notre faible population et du territoire qu'elle occupe.


J.-B.-E. Dorion.
Nous sommes aujourd'hui à charge à l'Angleterre qui paie des sommes énormes, chaque année, pour maintenir ses troupes en Canada. C'est le secrétaire des colonies lui-même qui l'a proclamé au nom du peuple anglais, en nous annonçant par une dépêche soumise à notre législature, durant sa dernière session, que nous serions tenus sous peu de payer les troupes anglaises stationnées en Canada ou qu'elles se retireraient du pays. Quel malheur, quelle calamité pour nous!!
 
L'Angleterre nous est à charge parce que nous n'avons pas la liberté de nous gouverner nous-mêmes; parce que nous sommes obligés de payer des impôts extravagants, ruineux, pour nous faire gouverner par elle et engraisser une légion de spéculateurs politiques; parce que notre commerce d'exportation, par suite de la nouvelle politique commerciale anglaise a pris une autre direction que celle de l'Angleterre et que ce changement nous a placé et nous retient dans un état des plus désavantageux sous ce rapport; parce qu'enfin il n'y a rien à attendre de notre état de dépendance envers un gouvernement qui siège à 1 200 lieues de nous et que nous serons toujours pauvres et misérables tant que nous serons sujets et colons de l'Angleterre et que le fait seul de notre indépendance ferait augmenter toutes les valeurs que nous possédons et nous amènerait à un état de prospérité que nous n'obtiendrons jamais sous le présent ordre de choses.
 
Un seul fait nous fera voir de suite ce que nous perdons, pourquoi nous sommes si pauvres et la vie est si difficile à trouver en Canada. L'habitant de l'État du Vermont ou de New York qui nous avoisinent vend son avoine un écu le minot et achète une verge d'étoffe américaine pour le même prix. Vous autres habitants des campagnes vous vendez votre avoine trente-six sous ou quarante sous en moyenne et vous payer trois chelins et demi pour une verge d'étoffe américaine, de sorte que vous donnez DEUX MINOTS d'avoine pour ''la même verge'' d'étoffe américaine que l'américain peut obtenir pour UN MINOT. — Pourquoi cela? — Parce que le seul marché que vous ayez pour vendre votre avoine avantageusement est celui des États-Unis et que pour vous y rendre avec votre grain il vous faut payer ''vingt pour cent'' de droits de douane et que lorsque vous achetez de l'étoffe américaine pour l'apporter ici, il vous faut payer encore ''douze et demi'' pour cent de droits de douane pour passer la ligne qui nous sépare des États-Unis, c'est le marchand qui paye cela pour vous et qui vous le fait payer en achetant votre grain à meilleur marché et en vous vendant ses marchandises cher. Au bout de l'année vous entendez les habitants de notre pays dire partout « mais l'argent est rare, on a bien de la misère à vivre », chacun de vous peut s'expliquer ce malaise en songeant combien sa position est mauvaise vis-à-vis de celle des habitants des États-Unis qui ne paient point d'impôts sur les articles de première nécessité, tels que le sucre, le riz, le thé, le café, la mélasse et une foule d'autres articles du genre.
 
Il faudrait un volume pour vous faire sentir les avantages de notre indépendance et de notre union avec la glorieuse République américaine. Je vous en dirai quelque chose de plus le jour de la nomination des candidats.
 
En attendant, sachez que l'Angleterre a donné à entendre par la voix de ses premiers hommes politiques, par la voix du premier de ses journaux que lorsque le peuple du Canada désirerait devenir libre, elle serait prête à lui accorder sa liberté. Messieurs, ceux qui aujourd'hui  s'opposent le plus à demander paisiblement l'indépendance du Canada, sont des hommes qui pour la plupart ont goûté et goûtent encore au gâteau du gouvernement; ce sont des êtres qui s'engraissent au râtelier du régime colonial.
 
En 1846, le ''Times'' de Londres, l'organe du gouvernement anglais, publiait un article dans lequel on exprimait une idée toute favorable à l'indépendance du Canada. Le ''Journal de Québec'', qui n'était pas alors bourré d'annonces du gouvernement, qui suivait l'opinion de la masse de ses compatriotes était en faveur de notre indépendance comme on pourra le voir dans le petit paragraphe suivant qu'il publiait à cette époque.
 
Après avoir reproduit partie de l'article du ''Times'' il ajoutait :
 
{{Citation doc|Comme on le voit, le ''Times'', l'organe le plus puissant du gouvernement britannique actuel, est d'opinion, d'accord avec plusieurs grands hommes d'État d'Angleterre, que, tôt ou tard, le Canada fera partie des États-Unis, et que puisqu'il faut que la chose se fasse, qu'elle se fasse volontairement et de suite de la part du gouvernement impérial, avant qu'il y soit forcé, à la suite d'énorme dépenses et après beaucoup de sang répandu.}}
 
C'est le ''Journal de Québec'' du 22 janvier 1846 qui annonçait cette nouvelle avec un air de satisfaction. Le ''Times'' a exprimé les mêmes sentiments bien des fois depuis 1846; les hommes d'État d'Angleterre ont déclaré la même chose en parlement. Dans notre pays la cause de notre indépendance a fait un grand pas depuis deux ans, malgré les criailleries de ceux qui ont intérêt à ce que nous restions comme nous sommes. Tous les hommes publics sont d'accord sur un point, celui que nous ferons partie de la République américaine avant longtemps.
 
Eh bien, je vous le demande, quels sont ceux des Canadiens qui méritent le plus de leur pays? Sont-ce ceux qui s'opposent à toutes les réformes et à tout progrès possibles ou deux qui veulent obtenir au peuple plus de liberté politique en lui faisant élire tous ses officiers publics, en le préparant à son indépendance, à un état de chose qui doit nécessairement arriver pour notre bonheur commun.
 
J'arrête ici, messieurs, car il faut que je parte aujourd'hui même pour me rendre au milieu de vous. Je vous dirai seulement que je désire l'indépendance de mon pays d'une manière paisible, par la voie des élections, de la Chambre d'assemblée et d'une manière amicale. Je désire que nous nous préparions à cet état de choses en vous obtenant le pouvoir de législater pour vous-mêmes et de n'avoir rien à envier à un pays parfaitement libre et je vous recommande de voter pour un homme qui représentera les idées politiques que je viens d'effleurer dans le présent écrit. Votez pour celui que vous croirez le plus capable de vous être utile en Chambre et qui sera en faveur de l'indépendance de votre patrie malheureuse qui ne peut nourrir ses propres enfants et de son annexion aux États-Unis. C'est le seul moyen d'acquérir ce que les Canadiens ont trouvé aux États-Unis, ce qu'ils y trouvent tous les jours, même d'après les rapports de M. [[Charles Chiniquy|Chiniquy]], de l'''espace'', DU PAIN et de la LIBERTÉ!
 
Je serai prêt à répondre à toutes les questions que vous pourrez me faire sur mes vues politiques, car je ne cherche à tromper personne. Ceux qui n'approuvent pas mes principes pourront voter contre car, moi je ne désire sacrifier aucune de mes croyances politiques pour m'attirer vos faveurs dans la prochaine élection. La tâche que j'aurai à remplir en Parlement, si j'y suis envoyé par vous, sera ardue et difficile à remplir. Ma position ne sera pas enviable, j'en ai la certitude, mais je suis prêt à en accepter toutes les conséquences et je prends l'engagement solennel de vous rendre fidèlement compte de ma conduite après chaque session du Parlement et de vous remettre mon mandat si jamais j'avais la lâcheté de dévier de la ligne de conduite que je viens de me tracer et d'abandonner la cause des libertés populaires de ma patrie.
 
J.-B.-E. DORION.


Montréal, 27 novembre 1851.
Montréal, 27 novembre 1851.
== Notes de l'éditeur ==
{{Références}}


{{Domaine public}}
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