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Lord Durham, envoyé extraordinaire du gouvernement anglais, pour s'enquérir de la véritable cause des troubles de 1837 et 38 a fait un rapport dans lequel il déclara que s'il avait été canadien, il se serait révolté contre le gouvernement de la colonie cinquante ans avant 1837. Il recommanda à l'Angleterre de changer sa politique envers nous; d'unir les deux Canadas; d'inventer un système de gouvernement dont les apparences seraient populaires et par lequel on donnerait des places aux principaux chefs canadiens; de faire construire un chemin de fer à travers toutes les colonies anglaises du Lac supérieur à Halifax et d'unir ensuite toutes les provinces britanniques sous un même gouvernement. Par ce moyen, disait-il, vous ferez taire les chefs canadiens et vous noierez la population française au milieu de la population anglaise; elle disparaîtra et tout ira bien.
Lord Durham, envoyé extraordinaire du gouvernement anglais, pour s'enquérir de la véritable cause des troubles de 1837 et 38 a fait un rapport dans lequel il déclara que s'il avait été canadien, il se serait révolté contre le gouvernement de la colonie cinquante ans avant 1837. Il recommanda à l'Angleterre de changer sa politique envers nous; d'unir les deux Canadas; d'inventer un système de gouvernement dont les apparences seraient populaires et par lequel on donnerait des places aux principaux chefs canadiens; de faire construire un chemin de fer à travers toutes les colonies anglaises du Lac supérieur à Halifax et d'unir ensuite toutes les provinces britanniques sous un même gouvernement. Par ce moyen, disait-il, vous ferez taire les chefs canadiens et vous noierez la population française au milieu de la population anglaise; elle disparaîtra et tout ira bien.


Le rapport de Lord Durham menace de s'accomplir à la lettre.
Le rapport de lord Durham menace de s'accomplir à la lettre.


L'union des deux Canadas imposée à notre population malgré sa volonté fortement exprimée et bien connue de l'Angleterre a été faite dans le but de nous perdre et si l'on en juge d'après les fruits qu'elle a déjà portés, nous touchons certainement à l'abîme qui devra nous engloutir.
L'union des deux Canadas imposée à notre population malgré sa volonté fortement exprimée et bien connue de l'Angleterre a été faite dans le but de nous perdre et si l'on en juge d'après les fruits qu'elle a déjà portés, nous touchons certainement à l'abîme qui devra nous engloutir.
Examinons un instant l'Acte d'Union et voyons si nous devons aujourd'hui plus qu'il y a dix ans en approuver le contenu, en subir les conséquences, sans protester ou sans en demander le rappel ou des modifications telles qu'elles puissent nous amener à un meilleur état de choses.
Le Bas-Canada était sous l'effet de la loi martiale; sa constitution avait été suspendue; bon nombre de ses représentants étaient expatriés; ses revenus étaient votés par l'Angleterre sans son consentement; un Conseil spécial composé presque exclusivement de ce que notre population avait d'ennemis les plus acharnés avait été créé par le gouvernement anglais pour nous imposer ses volontés. Le juge en chef actuel, sir James Stuart, qui présidait ce conseil fut chargé de préparer l'Acte d'Union en 1839. Son projet accordait une représentation basée en grande partie sur le chiffre de la population, mais le juge Robinson, du Haut-Canada, obtint un congé de dix-huit mois qu'il employa à intriguer en Angleterre pour faire introduire dans l'Acte d'Union le système des bourgs pourris et le rendre pire qu'il ne l'aurait été sans cela. Le Conseil spécial accepta la proposition de l'union et pour compléter son infamie, il le fit au nom du peuple du Bas-Canada
Dans le Haut-Canada, la proposition fut acceptée par un parlement élu par la fraude et la force brutale, que lord Durham dénonça comme vil et sans dignité et dont il prolongea injustement l'existence afin de faire approuver la proposition.
L'Angleterre ayant obtenu l'assentiment du fameux Conseil spécial dans le Bas-Canada et de son ''servile'' Parlement du Haut-Canada, le parlement anglais passa l'Acte d'Union qui est la base et l'essence de notre système gouvernemental. Les quatre-vingt mille signatures des habitants des districts des Trois-Rivières, envoyées en Angleterre pour protester énergiquement contre la proposition de l'union n'eurent aucun poids dans la balance.
L'opinion du conseil spécial et la détermination de l'Angleterre l'emportèrent et la province du Bas-Canada violée, mariée malgré son consentement fut livrée au Haut-Canada.
Les élections de 1841, les premières élections générales faites sous l'Acte d'Union, ont laissé dans la mémoire de chacun de ceux qui en ont été témoins des souvenirs qui ne s'effaceront jamais. La corruption, l'intimidation, la violence, tout fut mis en jeu pour assurer au gouvernement une majorité disposée à ratifier l'union inique des deux provinces, le mariage forcé du Haut et du Bas-Canada. On voulait enfin avoir le consentement du père de la mariée et pour cela, on essaya de le corrompre, de l'enivrer; on lui donna même de forts coups de bâtons pour lui faire signer le contrat, mais le peuple du Bas-Canada refusait toujours obstinément parce qu'il avait la conscience de ses devoirs envers lui-même et sa postérité.
La démoralisation produite par les élections à la Syndenham de 1841 a laissé de profondes couches dans la société politique du Canada et dont elle ne se relèvera probablement pas de sitôt.
Comment se fait-il donc, me direz-vous, qu'après des élections faites sur la question de l'union, pas une seule voix ne se soit fait entendre dans le premier parlement uni pour en demander le rappel? Ah! il est pénible d'avoir à l'avouer, c'est que la corruption du gouvernement avait déjà gagné bien des cœurs ci-devant canadiens.
L'Angleterre avait inventé le beau et dérisoire gouvernement responsable au bureau colonial. Lord Durham lui avait recommandé de faire partager le pouvoir par les Canadiens et qu'elle les amuserait, les affaiblirait, les détruirait par ce système de bascule qui n'a produit aucun bine, toujours et toujours du mal au Bas-Canada. L'on se rappelle que le district de Montréal n'a pas envoyé une seule requête à l'Angleterre contre la passation de l'Acte d'Union. Cependant le peuple de ce district était aussi opposé à l'union que partout ailleurs. Mais le mouvement d'opposition fut étouffé par les gros bonnets de Montréal, M. Lafontaine en tête, qui prévoyait déjà que deux années plus tard il gouvernerait le pays et jouirait d'un patronage sans limite et capable de détruire les trois quarts des plus belles consciences politiques de notre pays. Et voilà pourquoi notre parlement à l'exemple du Parlement irlandais a accepté l'union tandis que le peuple qu'il représentait la maudissait et la maudit encore.
Quels avantages avez-vous retirés de votre union avec le Haut-Canada? — Aucuns. Toujours des avantages pour le Haut-Canada. Rien pour le Bas. Nous n'avions pas de dette publique, nous en avons une qui est énorme pour les ressources du pays. Nous ne payions que peu d'impôts, nous en avons maintenant qui sont exorbitants.
Le rapport de lord Durham s'accomplit à la lettre, on nous a unis au Haut-Canada sans nous consulter et malgré nous. On nous a imposé l'entreprise du chemin de fer d'Halifax sans consulter le peuple du pays et prenez y garde! demain on nous imposera l'union de toutes les provinces britanniques de l'Amérique du Nord sans que vous sachiez comment ni pourquoi si vous envoyez encore en Chambre un représentant prêt à approuver le gouvernement en tout et partout.
Oui, le mal qui qui nous a été fait est grand, irréparable peut-être. La condition faite au pays devient de plus en plus mauvaise. Ne sentez-vous pas le mal dans votre pays appauvri, dans votre comté, dans vos paroisses, dans vos propriétés, dans vos familles, dans votre sang et même jusque dans la moelle des os de vos enfants?
Habitants de Champlain, écoutez la voix d'un des enfants de votre comté: voyez les centaines, les milliers de jeunes canadiens intelligents, actifs, forts et robustes qui émigrent aux États-Unis tous les ans. C'est la jeunesse, la sève, la vie de votre vie comme peuple qui s'éloigne de vous pour aller vivre avec plus de liberté, de bonheur et de prospérité que notre pays peut leur en offrir actuellement. Sortez de vos maisons. Empressez-vous de voter pour un représentant qui travaillera pour vous obtenir le rappel de l'union; le rappel de la loi qui crée une nouvelle dette pour le chemin de fer d'Halifax, et qui sera prêt à combattre de toutes ses forces contre la proposition de l'union des provinces britanniques. Songez que vous vous le devez à vous-mêmes et à vos descendants; si vous restiez inactifs, l’œuvre de la destruction s'accomplirait. Encore une fois, voyez enfants forcés de s'expatrier pour aller à l'étranger chercher de quoi subvenir à leur existence. Il y a ici encore plus de place qu'en Irlande, mais l'espace n'est pas libre, il y a du travail, mais le fardeau est lourd et si nous continuons l'œuvre effectivement commencée depuis dix ans, bientôt, l'on dira de nous: les Canadiens se sont endormis sur le bord du précipice, l'esclavage colonial a épuisé leurs forces; leur population ne présente plus que l'aspect d'un cadavre politique, et quelques années plus tard: les Canadiens n'existent plus.
Votez pour le rappel de l'union.
== Gouvernement responsable ==
Notre gouvernement responsable qui ne l'est même pas en théorie et encore moins dans la pratique a pour base l'Acte d'Union. Je l'ai dit plus haut, je désire le rappel de l'union, et s'il est impossible de l'obtenir je veux que l'on demande de nombreux amendements à notre constitution, que l'on obtienne en réalité la responsabilité du gouvernement envers le peuple.
Parmi ces modifications que je désire voir s'accomplir immédiatement dans notre constitution, il y a de très importantes. Il faut assurer l'indépendance de la Chambre. Il faut ôter autant que possible au gouvernement les moyens de la corrompre en demandant la «''Défense par une loi spéciale à tout représentant du peuple d'accepter aucune charge lucrative de la couronne pendant l'exercice de son mandat et un an après son expiration, à moins que cette nomination ne soit ratifiée par l'élection.''»
Vous sentez tous que le gouvernement ayant le pouvoir de donner des places, et les représentants étant libres de les accepter, durant l'exercice de leurs mandats, il est arrivé souvent que des représentants ont toujours voté avec le gouvernement et qu'après avoir rempli un rôle servile, le gouvernement les a payés pour leurs votes. Rien moins qu'une loi ou une clause de notre constitution dans le genre de la proposition ci-dessus, ne pourra remédier à ce mal qui menace d'augmenter de jour en jour.
La constitution est principalement vicieuse parce qu'elle ne nous accorde pas la faculté d'élire ceux qui doivent nous servir et nous gouverner. Pour ne pas prostituer le mot de responsabilité il nous faudrait des «''Institutions électives dans toute leur plénitude. — Gouverneur électif. — Conseil législatif électif. — Magistrature élective. — Tous les chefs de bureaux publics électifs.''» 
Les démocrates ont toujours voulu le système électif. Sans cela il n'y a pas de responsabilité réelle. Mais on dit, les employés publics sont responsables au gouverneur, le gouverneur aux ministres, les ministres à la Chambre, la Chambre au peuple, donc vous avez le système électif et le véritable ''gouvernement responsable''. Leurre et déception, mensonge et prostitution de la volonté populaire!
Si vous aviez un employé, un commis qui travaillerait pour vous loin de votre maison; et que ce commis dirigerait de grands travaux pour vous et qu'il emploierait un chef d'atelier, que ce chef aurait un sous-chef dirigeant dix ouvriers; que ces ouvriers ne vous verraient jamais ou que très rarement; qu'ils ne seraient responsables qu'au sous-chef; que ce dernier le serait au chef; que le chef le serait au commis et que vous mettriez toute votre confiance dans votre commis qui seul vous serait responsable des travaux qu'il ferait exécuter, pensez-vous que les ouvriers pourraient se donner comme vous étant bien directement responsables? À qui vous en prendriez-vous pour les fautes d'exécution de vos travaux? N'est-ce pas que vous poseriez la main sur votre commis, le seul que vous pourriez atteindre?
Il en est de même de votre machine gouvernementale; plus vous éloignez de vous la responsabilité directe, moins vous avez de contrôle sur vos affaires. Vous pouvez par l'élection atteindre vos commis, vos serviteurs, vos membres de la Chambre, mais vous ne pouvez pas aller plus loin. Ceux que vous payez pour vous servir sont vos maîtres; on dirait leur personne inviolable, car quelque justes que soient vos plaintes contre des officiers publics, quelle que soit la dissatisfaction qu'ils aient donner au public, le gouvernement a en maintes occasions intérêt à les maintenir en place en dépit de la volonté populaire. La réponse banale du gouvernement aux plaintes bien souvent fondées, se résume en ces mots: le gouverneur est satisfait de monsieur un tel.
Le Conseil législatif, qui a tant fait de mal au pays autrefois, qui en fait et peut en faire encore plus d'un jour à l'autre, parce qu'il a la tête plus haute que jamais, se composant comme toujours, d'hommes choisis à vie par le gouverneur, d'ordinaire perdus dans l'opinion publique et dont les sept-huitième des membres ne pourraient pas se faire lire par le peuple; le Conseil législatif, dis-je, a encore la faculté de rejeter les lois passées en Chambre, comme il rejeta à plusieurs reprises différentes lois passées dans l'ancienne Chambre, pour faire instruire la jeunesse du pays. Ce Conseil, qui mérita par sa conduite le surnom de ''vieillards malfaisants'', sert de refuge aux rebuts de l'opinion publique; à des hommes serviles et nuls, par l'esprit et par le cœur; à des hommes qui ne représentent rien dans la société, si non des privilèges qui vous ont fait toujours du mal. Ils sont, pour la plupart, la négation de tout mouvement progressiste dans le Canada.
Sous notre prétendu gouvernement responsable, ce Conseil a pris de la force; son nombre s'est augmenté et toutes les administrations, tories comme libérales, s'en sont servis, tour à tour, pour se maintenir au pouvoir, disposer du patronage, démoraliser la société politique et jouir des bénéfices. Sous la pauvre et défunte administration Lafontaine-Baldwin, le Bas-Canada avait quatre ministres dont trois étaient seigneurs et ''trois'' dans le ''Conseil législatif'', MM. Bourret, Taché et Leslie; un seul était responsable au peuple!
Dans un temps où tout le peuple demandait l'abolition de la tenure seigneuriale, la même administration, plaçait dans ce Conseil, comme pour faire injure à l'opinion publique, trois seigneurs d'un seul coup, entre autres l'honorable Saveuse DeBeaujeu, qui n'aurait jamais reçu la centième partie des voix qui se trouvent dans le comté de Vaudreuil, où il réside et possède deux grandes seigneuries, s'il avait été obligé de se faire élire, tant il y est impopulaire.
C'est avec des faits comme ceux-là devant vous, que vous voyez encore des hommes intéressés qui vous disent que nous n'avons rien à envier, que nos institutions politiques sont les plus libres du monde!
Demandons, messieurs, demandons les institutions électives. Travaillons à obtenir un Conseil législatif électif ou l'abolition complète du présent Conseil qui est une nuisance publique tel qu'il est constitué. La proposition d'un gouverneur électif scandalise les loyaux Canadiens français que l'on désigne comme ministériels. Leur grande objection c'est que l'Angleterre ne l'accordera pas, mais n'a-t-elle pas accordée au Nouveau-Brunswick, la permission de modifier son Conseil l'année dernière? Et c'est en face de ce fait que l'on nous dit de ne pas le demander. Quant au gouverneur, l'Angleterre n'avait-elle pas accordé à quelques unes des colonies américaines le droit d'élire leurs gouverneurs avant leur révolution? Demandez et vous obtiendrez. Frappez et l'on vous ouvrira. N'est-ce pas?
La constitution est encore défectueuse parce qu'elle accorde à vingt membres le droit de faire des lois pour le pays, ce qui l'expose à être gouverné par la minorité.
La constitution est vicieuse parce qu'elle donne trop de patronage au gouvernement dans la nomination de tous les officiers publics depuis l'enseigne de milice jusqu'au juge en chef, lequel patronage, outre qu'il est un moyen de corruption, fait perdre un temps précieux aux administrateurs et les engage à descendre dans des intrigues indignes, pour vendre avec le plus d'avantage possible, pour leur popularité, l'immense patronage dont ils disposent.
La constitution est défectueuse parce qu'elle rend nulle la responsabilité des ministres envers le peuple en les exemptant de l'élection et les appelant au Conseil législatif lorsqu'ils ont été repoussés par le peuple.
La constitution est défectueuse parce que la réserve de nos lois à la sanction de la métropole, qu'elle lui accorde est un grand obstacle au progrès du pays et que la liberté absolue de législater, malheureusement incompatible avec le régime colonial, ne devrait être entravée que quand il s'agit de relations avec les nations étrangères.
La constitution est défectueuse parce qu'elle ne limite pas le droit qu'a la législature d'endetter le pays sans son consentement et surtout de lier les générations futures; ce que notre législature a fait pour des sommes énormes et spécialement pour le chemin de fer d'Halifax. Voilà autant de changements qu'il faudrait obtenir au plus vite. Votez pour les institutions électives seul moyen d'avoir un vrai gouvernement responsable.
== Réforme électorale basée sur la population ==
L'Acte d'Union nous a imposé une répartition de représentation que j'ai toujours répudiée. On a donné au Haut-Canada autant de représentants qu'au Bas-Canada quoique sa population fut d'un tiers moindre. On déclarait par là, pratiquement, que deux Haut-Canadiens valaient trois Bas-Canadiens. Les divisions territoriales étaient aussi iniques. On voulait noyer les Canadiens en Chambre et le résultat invariable des élections depuis dix ans est venu donner gain de cause à cette œuvre diabolique. La Chambre se compose de 84 membres.


TRANSCRIPTION EN COURS...
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