Utilisateur:Liberlogos/Entrevue avec René Lévesque par Victor Teboul au sujet de la communauté juive
ENTREVUE DU PREMIER MINISTRE,
MONSIEUR RENÉ LÉVESQUE
À L'OCCASION DE L'ÉMISSION "LA COMMUNAUTÉ
JUIVE DU QUÉBEC" AU RÉSEAU FM DE RADIO-CANADA
LE 31 MAI 1982
Q : Vous avez été un des premiers journalistes à découvrir et à révéler au monde les camps de concentration. Qu'est-ce que ça représentait pour un jeune Québécois de l'époque de découvrir ces horreurs?
R.: Cela représentait quelque chose qui était comme littéralement arrivé sur une autre planète, c'était traumatisant parce qu'on ne croyait pas que c'était vrai. Comme vous dites, j'étais quand même un très jeune correspondant à l'époque et, donc, je n'avais pas une audience particulièrement sensationnelle. A partir de l'expérience vécue, surtout à Dachau où on est arrivés les premiers, en banlieue de Munich, et un peu après à Thüringerwald, qui est dans le même coin, on a essayé de passer le message, mais c'était tellement incroyable qu'on se demandait quels mots employer à l'occasion. Je me souviens - ce qui est encore plus frappant - que lorsque je suis revenu ici en 1945, assez tard en 1945, donc à peu près un an plus tard, il y avait encore un certain scepticisme qu'on rencontrait. On finissait par se dire, on doit raconter ça, c'est une sorte de leçon terrible, surtout pour ce qu'on appelle la civilisation, parce qu'après tout c'est un peuple civilisé de vieille culture, l'Allemagne. D'ailleurs, des choses équivalentes sont arrivées ailleurs, peut-être pas aussi atroces, aussi énormes, mais qui sont arrivées dans d'autres pays aussi : des camps de concentration et certaines choses, presqu'inexprimables, qui font partie de cette espèce de fragilité terrible, de ce vernis qu'on appelle la civilisation. Quand on voit jusqu'où ça mène, on a de la peine à croire que ce n'est pas une aberration, mais que c'est quelque chose qui pouvait être vraiment institutionnel comme ça l'était. Je me souviens, encore une fois, quand je suis revenu ici vers la fin de 1945, il y avait des gens encore qui étaient très sceptiques et qui disaient : "Vous charriez quand vous racontez ça, ça ne peut pas être à ce point-là". Pourtant, c'était à ce point là.
Q.: Donc, les Québécois découvraient l'antisémitisme?...
R.: C'est peut-être l'antisémitisme, mais ça c'était bien connu quand même, après tout! C'est un vieux refrain. Les gens qui ont suivi l'histoire, que ce soit l'affaire Dreyfus, enfin, ce n'est pas nouveau...
Ce qu'on découvrait, c'était en même temps l'antisémitisme, mais surtout jusqu'où peut aller cette chute dans la barbarie, c'est-à-dire pas un accident de parcours, mais quelque chose de systématique, une organisation de la mort, c'est ça qui était particulièrement frappant. Évidemment, l'antisémitisme entrait là-dedans puisque c'était la cible principale. Il ne faut pas oublier qu'il y avait beaucoup de gens aussi, par exemple de l'Est de l'Europe, enfin des pays aujourd'hui soviétiques, qui eux aussi, comme on dit chez nous, "y ont goûté".
Évidemment, cette idée de la "solution finale", telle qu'Hitler et son entourage l'avait imaginée, forcément c'était "le bout de la corde", ce n'était pas possible et pourtant c'était ça.
Q.: Mais est-ce qu'il n'y avait pas une tendance à voir là une certaine propagande américaine?
R.: Non. Écoutez, assez rapidement, c'est devenu ensuite tellement connu que, - c'est terrible de dire ça - mais c'est devenu presque banal cette existence de l'extermination programmée. Je pense que personne ne croyait que c'était de la propagande parce que les images sont venues très vite et Dieu sait que c'était suffisamment intolérable pour qu'on les remarque. C'est simplement que ça passait comme quelque chose qui ne faisait pas partie du monde dans lequel on vit, comme quelque chose qui aurait été extra-terrestre et ça a pris un certain temps. Je pense que cela a été une terrible leçon pour beaucoup de gens qui s'intéressent à ce que peut être la civilisation - mais toujours avec cette réaction: "Ça n'arrivera plus, ce n'est pas possible," etc... tandis qu'on voyait très bien que l'abus de pouvoir, quand il est cautionné par toute la puissance d'un État, c'est chaque fois possible, mais autrement, que ça revienne quand même.
Q.: Pourtant quelque trois ans auparavant en 1942, les Québécois s'étaient opposés massivement à la conscription?
R.: Oui, et ça se comprend parce qu'ils s'étaient opposés à la conscription par une sorte de bonne foi trompée. C'est que pendant des années et des années - enfin on vit un peu dans le même contexte aujourd'hui, cette espèce de folklore qui fait qu'on est traditionnellement libéral à Ottawa sans trop y penser - les Québécois avaient eu des promesses. Moi, je n'étais pas là, forcément, mais tout le monde se souvenait de la leçon assez sanglante de 1917, la conscription imposée, avec les incidents que cela avait provoqués dans la ville de Québec et ailleurs au Québec. Et pendant des années, les libéraux, entre les deux guerres, s'étaient acharnés à dire : "Plus jamais la conscription : fiez-vous à nous et plus jamais ....", ce qui était une promesse terriblement imprudente, mais enfin ils l'avaient faite et les gens l'avaient enregistrée. Alors il y a eu cette espèce de sentiment d'avoir été trompé qui a, en grande partie, expliqué le comportement qu'on pouvait avoir devant la conscription, plus un certain isolement traditionnel de notre société, à l'époque, qui ne se voyait pas tellement participer à des guerres étrangères et qui avaient l'air souvent d'être des guerres de l'Empire.
Q.: 1917 n'était quand même pas 1939-45!
R.: Non, mais vous parlez de 1942 et beaucoup des choses qu'on a apprises, y compris le sujet qu'on vient d'aborder, n'étaient pas connues. Tout ce que l'on savait, c'est qu'il y avait une guerre en Europe et que dans cette guerre-là, les Québécois s'étaient fait promettre qu'ils ne seraient pas obligés d'y aller. Il y a eu des volontaires - peut-être qu'il y a eu plus de volontaires au Québec qu'ailleurs, toute proportion gardée - mais d'autant plus - et il faut dire avec un certain cynisme qu'on sortait de la grande crise, de la grande dépression - et pour beaucoup de gens, la guerre, soit par enrôlement volontaire, soit par une sorte de conscription dans les usines de guerre, dans l'industrie de guerre, était la première occasion de gagner des salaires ou enfin de gagner des soldes depuis plusieurs années. Seulement, c'est quand est venue la coercition de la conscription - encore une fois, c'était briser une promesse qui avait été faite trop souvent, alors les gens ont réagi mal et je pense que je comprends ça.
Q.: Vous avez dit dans une entrevue que la guerre avait fait de vous un internationaliste. Qu'est-ce que la guerre vous a fait découvrir?
R.: Celle-là et puis la guerre de Corée, puis enfin tout ce que j'en ai vu et puis, forcément, toutes les choses qu'on a pu lire après, oui, on sort de là internationaliste. Ça fait un peu curieux de dire ça. J'ai même dit déjà que je me sentais fédéraliste à l'échelle mondiale, d'une certaine façon. C'est parce qu'il y a certaines choses fondamentales qui ne devraient plus appartenir aux états, à mon humble avis - je ne sais pas si on évoluera jusque-là, je l'espère en tout cas - le pouvoir de faire la guerre, le pouvoir de vivre parfois dans le gaspillage dans un monde où il y a des gens qui crèvent de faim. Certains problèmes fondamentaux, il me semble, devraient être réglés à l'échelle mondiale par une autorité mondiale que tout le monde finirait par accepter. Il me semble aujourd'hui que la terre est "ratatinée" au point où tout le monde sait à peu près ce qui se passe. On le sait mal parfois, c'est déformé, mais on sait quand même qu'il y a des enfants qui crèvent de faim. Il y en a plus, enfin, par millions qui sont sur le bord de la famine, toujours, et la famille avec. On sait aussi que l'industrie des armements, plus ou moins contrôlée parce que tout le monde y trouve son profit, représente un des gaspillages non seulement des plus scandaleux, mais barbare; un des gaspillages les plus invraisemblables qu'on puisse faire des ressources dont tout le monde aurait besoin. Alors, il me semble que de ce point de vue-là on ne peut pas faire autrement que d'être internationaliste au sens où des problèmes comme ceux-là dépassent de beaucoup la conscience des États et il faudrait que ce soit une sorte de conscience de l'humanité qui finisse par s'installer. Mais on en n'est pas là.
Q.: Votre première émission à Point de mire dans les années 50 coïncide avec la crise de Suez. Quelle perception se fait-on d'Israël au Québec à cette époque?
R.: Il y a eu comme partout dans le monde, je pense, des perceptions qui ont évolué. Si on remonte au tout début, c'est-à-dire au moment où il y a eu le départ des Britanniques de la Palestine et puis tout à coup cette espèce de minute de vérité dont Israël a émergé en 1948, je pense qu'à ce moment-là tout le monde sentait, ici comme ailleurs - justement parce qu'on avait toutes ces images du temps de guerre de soi-disant "solution finale", du génocide systématique des Juifs en Europe, tout le monde avait une sorte de cas de conscience, c'est évident, on ne pouvait faire autrement que de le sentir. Donc, je crois que tout le monde, si mes souvenirs sont bons, considérait que l'existence d'Israël était comme une sorte de réparation historique et que c'était non seulement justifiable mais qu'il fallait être favorable à peu près sans restriction. C'est après que cela a évolué, parce que lorsque l'on devient un État et qu'on se comporte comme un État, forcément on devient critiquable - et je fais le saut parce qu'il y a tellement de nuances dans la façon dont cela a évolué - mais au moment de Suez, je me souviens que la cause anglo-franco-israélienne contre l'Égypte n'était pas particulièrement populaire dans l'opinion telle que je me la rappelle. Je pense que c'était assez bien reflété d'ailleurs par les hommes politiques, y compris M. Pearson qui a gagné son prix Nobel plus ou moins autour de ça, le prix Nobel de la paix. C'est qu'il y avait un abus de force très flagrant et ici on ne pouvait pas sentir autre chose qu'une sympathie essentielle, instinctive,pour la récupération du canal de Suez par les gens sur le territoire duquel ce canal passe depuis toujours et qui se faisaient exploiter depuis toujours. Alors là, ce n'était pas du tout le jugement de 1948 qui était plutôt une sorte de conscience qui se prononçait en disant : “C'est un minimum historique qu'ils aient le droit d'exister chez eux comme peuple juif”. En 1956, c'était autre chose, ça devenait un peu de l'agression, une agression conjointe, mais enfin une agression dans un cas où je crois qu'aujourd'hui, même avec le recul, ce n'était pas justifiable. Les intérêts qui étaient en jeu n'étaient pas particulièrement admirables.
Q.: Est-ce qu'il y a eu une évolution en ce qui touche la perception qu'on a d'Israël au Québec?
R.: Je serais très mal placé pour évaluer l'opinion, parce qu'il n'y a pas eu de mesure de l'opinion là-dessus. Ça vaut ce que ça vaut les sondages et on n'a pas de sondage là-dessus en tout cas sûrement pas récemment. Donc, je suis plutôt obligé de vous donner la mienne et celle que je pense qu'un certain nombre de gens partagent. Mais dire que c'est le reflet de l'opinion publique, là je ne pourrais pas vous le dire.
Moi je dirais simplement ceci : c'est qu'il a fini par s'établir une sorte d'évidence pour ceux qui ne sont pas absolus dans leurs opinions, une sorte d'évidence qui est que l'avenir d'lsraël est relié - et très existentiellement relié - à une façon de vivre avec les autres qui les entourent, c'est-à-dire les Arabes, l'ensemble arabe moyen-oriental qui les entoure. Il est à peu près impossible de départager les responsabilités mais on sait une chose, c'est qu'au coeur de ce problème qui est vraiment existentiel, se trouve la solution équitable du problème palestinien. Il n'y a pas moyen de passer à côté et tant que l'on passera à côté, ou qu'on prétendra passer à côté, la situation ne se réglera pas mais les dangers peuvent s'accumuler à l'horizon parce que les sociétés arabes, à cause des pétrodollars et à cause de beaucoup d'autres facteurs, ont quand même évolué mais se sont également enfoncées d'une façon qu'il faut bien comprendre, c'est historique ça aussi, dans une hostilité qui est devenue permanente. Au coeur de ça se trouve une solution équitable pour des gens sans terre et qui, je crois, peuvent être justifiés de dire : "On a droit nous aussi à un espace vital qui nous appartienne". Chacun son tour; et tant qu'on n'aura pas le courage de faire face à ça et tant qu'Israël ne trouvera pas une façon - qui est difficile avec le gouvernement de M. Begin actuellement - mais une façon de trouver une longueur d'onde commune avec son entourage, l'avenir reste extraordinairement problématique je crois.
Q.: Il y en a qui pourraient vous dire que c'est le côté adverse qui n'est pas sur la même longueur d'ondes...
Q.: Pour passer peut-être à un autre sujet, que représente pour vous Lionel Groulx?
R.: Lionel Groulx représente pour moi un des historiens, un des chroniqueurs professionnels de notre société, qui était parmi ceux qui avaient le plus de talent. Il avait un immense talent. Il était de son époque. Évidemment, c'est une époque avec laquelle, aujourd'hui, on se retrouve plus difficilement parce qu'on a l'impression que des approches, des attitudes, même des éléments de vocabulaire sont dépassés, mais il demeure quand même que c'est une sorte de monument et de savoir et, jusqu'à un certain point, une sorte d'éclaireur du patriotisme ou du nationalisme québécois à l'époque. Il a travaillé très fort pour l'éveil de notre société et je crois que dans l'ensemble il l'a fait d'une façon éclairée et en plus il avait beaucoup de talent, alors il écrivait bien quand même pour l'époque, ce qui donnait un attrait additionnel à son travail, à son oeuvre. Évidemment, il y a des choses désuètes, par exemple, on remarque souvent que le Chanoine Groulx parlait de la race. Dieu sait, il faut vraiment être ignorant du folklore ou alors être de mauvaise foi pour ne pas comprendre ce que ça voulait dire à l'époque. Il a écrit un petit livre qui s'appelait "L'appel de la race" qui parlait de l'avenir de la race française, enfin, lui comme d'autres. C'était partie du vocabulaire de l'époque et il y a des gens qui, à l'occasion, mais avec une extrême mauvaise foi ou alors plein d'iqnorance, qui partent de là ou de choses comme ça pour dire : "Groulx était un raciste". Moi je n'ai jamais senti ça parce que c'était vraiment dans la façon de parler à l’époque et ça n'avait aucune connotation raciste.
Q.: Pourtant dans les années 1950, il a écrit une lettre révélée d'ailleurs par un historien spécialiste de Lionel Groulx où il disait à propos des Juifs ceci : "Mal enraciné partout où il se trouve, se refusant à toute assimilation, l'ordre politique et social autour du Juif lui est assez indifférent. C'est la raison sans doute qui le fait se trouver mêlé à toutes les révolutions quand il n'en est pas l'un des principaux agents. Il faut compter tout autant avec sa passion innée de l'argent, passion souvent monstrueuse qui lui enlève tous les scrupules. De l'argent, il est prêt à en faire de tout bois". Que pensez-vous de cette citation?
R.: Il y a un mélange dans tout ça qui est un peu le folklore d'une certaine forme de pensée, de l'antisémitisme larvé ou latent. Il y a des choses qui sont vraies là-dedans. Il y a la paille et le grain, mais il reste que le contexte dans lequel ce passage se situe, je ne le connais pas, mais le passage lui-même est inacceptable. Il est inacceptable aujourd'hui et de toute façon il aurait dû être inacceptable à l’époque. Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est qu'une certaine forme d'antisémitisme qui était fondamentalement.. - prenez la question d'argent, les gens ne se sont pas donné la peine très souvent de remonter au début de tout ce phénomène du Juif usurier ou du Juif passionné par l'argent au point de savoir, par exemple, que c'était presque les religions qui disaient que tout le trafic de l'argent était, d'une part, un trafic presqu'inacceptable et que, d'autre part, ils en avaient besoin et puis, finalement, on défendait aux Juifs dans la plupart des cas d'être propriétaires, de pouvoir travailler la terre, d'être dans d'autres métiers. Forcément, qu'est-ce que tu fais quand tu dois vivre. Tu fais ce qui reste est l'origine historique de ça, en profane je la résume, mais je ne crois pas me tromper sur l'essentiel!... Alors, tout ça est devenu une caricature et ces caricatures-là rejoignaient un vieux fond. On n'a pas besoin de vous dire que le catholicisme traditionnel parlait des Juifs qui ont tué le Christ, etc... Alors, tout ça faisait partie des clichés de l'époque et c'était ni plus attrayant, ni plus repoussant, je pense, que ce que l'on voyait ailleurs dans la plupart des sociétés de vieux christianisme.
Q. : Il est beaucoup question ces temps-ci de restructurer le système scolaire, quelle part la Communauté juive joue-t-elle dans l'élaboration de cette restructuration?
R. : Premièrement, il ne faut pas oublier une chose, c’est qu’on est en pleine période de consultation qu’on peut encore appeler préliminaire. Il y a des années et des années qu'on parle de restructurer au sens suivant : c'est depuis longtemps dépassé que des critères ou des garanties si vous voulez qui ont été établis il y a cent ans et plus, strictement sur des bases de compartiment confessionnel, puissent encore s’appliquer aujourd'hui. On est dans une société pluraliste, alors tout le monde, je pense est d’accord - un peu comme dans la chanson : "Tout le monde veut aller au ciel mais personne ne veut mourir" - tout le monde est d’accord pour dire que c’est désuet, que c'est dépassé. Mais évidemment, quand c'est vieux et que c'est enraciné ça prend de la dynamite quasiment pour changer ça. Alors il y a toutes sortes de réticences. On est en période de consultation parce que le bon sens dirait que. fondamentalement, s'il doit y avoir des réseaux, ça devrait être sur la base linguistique, c’est à dire français et anglais essentiellement. Les Juifs pour autant qu’ils sont activement impliqués dans les activités scolaires, c'est en fonction d'écoles qui sont des écoles essentiellement hébraïques. qu'on a créées, qu'on a mises au monde. On s'est toujours demandé, je pense que c'est une des très vieilles questions. qu'est-ce que c'est qu'un Juif ou enfin être Juif, c'est quoi? C'est une culture, c'est une religion ou enfin, tout le reste?.
Alors tout ça qui est l'identité à laquelle on tient, ça s'est traduit par des écoles. Je pense que nos relations, et de financement et, finalement, d'ajustement, même au point de vue de l'enseignement des langues, sont quand même assez bonnes, elles sont meilleures qu'elles n’étaient avant. Seulement, comme il s'agit d'écoles et que dans la question de la restructuration dont on parle c'est plutôt des réseaux, enfin l'ensemble de l'organisation dont il s'agit, je n'ai pas vu jusqu'ici que ça préoccupait activement - en tout cas je n'ai pas vu d'échos - que ça préoccupait activement les gens qui s'intéressent à la vie des écoles juives. Maintenant - peut-être que je me trompe - je n'ai pas pu, jusqu'ici, suivre le dossier de jour en jour, - il est encore à l'état d'ébauche en étape de consultations. Enfin, on sait quel devrait être l'objectif, c'est de rationaliser tout ça. L'éducation a de la difficulté à s'ajuster à l'évolution de la société, on le sait, et le résultat ce n'est pas un cadeau actuellement, mais il demeure quand même qu'il y a certaines choses qui sont claires comme par exemple une base linguistique qui devrait, je pense, logiquement, être celle qui servirait de critère plutôt que les vieilles notions du XIXe siècle qui sont dépassées. Peu importe que les gens puissent dire notre école on la veut catholique, officiellement, on la veut juive, dans le cas des Juifs, on la veut protestante, quelle que soit la dénomination. Mais la base de répartition devrait plutôt être linguistique, enfin, il me semble que c'est à cela qu'on devrait tendre... Est-ce que l'on va y arriver bientôt? On est encore, comme je vous le dis, en consultation préliminaire.
Q : C'est que 60% des enfants juifs fréquentent les écoles protestantes?
R.: Cela c'est autre chose. Parce qu'à ce moment-là, ils sont intégrés à un réseau qu'on appelle protestant mais qui, en fait, finalement, est taxé de non-confessionnel, dans l'ensemble, du côté protestant. C'est plutôt une vieille garantie historique qu'une réalité vivante d'aujourd'hui. Je pense que là où la Communauté juive s'intéresse plus activement, tel que j'ai connu le problème, ce sont les écoles qui sont spécifiquement juives ou judaïques. Le reste, forcément, ils font partie de l'ensemble des élèves à Montréal, par exemple, du P.S.B.G.M. Alors, s'ils sont intéressés, là c'est en tant qu'élèves ou parents d'un système qui n'est pas spécifiquement juif, c'est un système général.
Q.: Mais c'est le système qui a su le mieux respecter leurs différences culturelles?...
R.: Cela c'est vous qui le dites. Vous êtes probablement mieux placé que moi pour le savoir, mais moi j'ai eu l'impression que c'était plutôt un "melting pot" les écoles qu'on appelle protestantes, enfin celles du P.S.B.G.M., qu'essentiellement il s'agit d'avoir une espèce d'éducation nord-américaine d'aussi bonne qualité, ni meilleure, ni pire que ce que l'on trouve dans l'ensemble du continent, mais ça n'a pas tellement de préoccupations d'identité quelle qu'elle soit.
Q.: C'est que M. Laurin a mis l'accent sur des écoles québécoises et chrétiennes. C'est un peu pour ça que les Juifs se posent des questions?
R : Là, franchement, s'il a dit des écoles... je voudrais voir le contexte... Des écoles québécoises, bien, forcément... C'est Québec qui organise le système scolaire - enfin jusqu'à nouvel ordre, c'est encore une juridiction québécoise - donc c'est normal. Chrétiennes, bien forcément pour ceux qui tiennent à ça - et je comprends qu'ils y tiennent quelle que soit leurs croyances - qu'elles soient chrétiennes ou qu'elles soient autre chose, mais enfin, il parlait surtout du côté francophone et là, qu'on le veuille ou non, je pense qu'encore aujourd'hui, même si un pluralisme s'est développé dans notre société, la majorité des parents se considèrent chrétiens et peu importe l'état de leur pratique, ils se considèrent catholiques.
Q.: C'est un peu comme les Juifs qui se considèrent Juifs sans être pratiquants?
R : Oui, je pense que ça arrive de plus en plus un peu partout dans le monde.
Q.: M. Lévesque, les Juifs du Québec ont dû faire des efforts afin d'être acceptés comme Canadiens à un moment où le Québec ne s'intéressait pas encore à eux. Avec l'arrivée au pouvoir de votre gouvernement, on leur demande maintenant d'être des Québécois. Est-ce que l'on ne les accule pas à un choix impossible?
R.: Ce serait plutôt - et je ne pense pas que ce soit grégaire, c'est à chaque Juif de répondre en lui-même, de faire son choix. Il y a quand même des choses qui ont été quelque peu déformées par la propagande. Vous citiez tout à l'heure un texte, disons, regrettable du Chanoine Groulx, comme il y en a eu des flopées pendant la période des années 1930-40 on le sait, ici comme ailleurs. Mais on oublie des choses : au mois de juin prochain, je pense que ce sera le 150e anniversaire de la reconnaissance politique des Juifs, de leur rôle ici au Québec en 1832, quand, à Trois-Rivières et deux fois de suite contre un gouverneur britannique, ils ont élu M. Hart comme député. C'étaient des Québécois francophones, à peu près exclusivement; il devait y avoir peut-être moins d'anglophones à Trois-Rivières à l'époque que je peux en compter sur les doigts de la main, pourtant, ils l'ont élu deux fois avec la sanction du Gouverneur contre laquelle ils se sont rebellés. Cela fera 150 ans. C'est à peu près 25 ans avant que ça arrive en Angleterre, si j'ai bonne mémoire, et au moins 20-25 ans avant que ça arrive en Ontario. Ce sont des choses comme ça qu'on oublie. Je me souviens du vieux docteur Goldbloom, qui était le père de Victor Goldbloom qui est aujourd'hui dans le mouvement oecuménique, enfin, si on veut, Chrétiens et Juifs. Le père de Victor Goldbloom, le docteur Goldbloom, qui était l'un des plus grands pédiatres - sa réputation est quand même établie, il est mort il y a quelques années - et je me souviens d'avoir fait une interview - un peu le même genre de travail qu'on fait aujourd'hui - avec le docteur Goldbloom père, à l'époque, et qui, comme jeune pédiatre, me disait très simplement ceci : "S'il n'y avait pas eu au départ, pour le jeune médecin juif que j'étais à Montréal, des clients francophones, des Canadiens-français comme on disait à l'époque, s'il n'y avait pas eu ces clients-là, moi je n'aurais jamais pu vivre parce qu'à l'époque les hôpitaux non francophones m'étaient fermés à double tour. J'étais Juif et je n'étais pas accepté..." C'est-à-dire que peut-être il y a cette tendance - et là, je résume à gros grains pas mal d'histoires qui me demanderaient plus de nuances que ça - il y a toujours eu cette tendance peut-être de parler beaucoup, c'est peut-être ce qui nous reste du côté latin, à l'occasion, de dépasser la pensée, ce qui arrive toujours si, comme on dit les "maudits Anglais", on peut aussi à l’occasion dire les "maudits Juifs", je suppose...Tandis que du côté anglais, il y a plus d'hypocrisie peut-être. Peut-être que les comportements sont mieux balisés, mais finalement la discrimination, je ne la vois pas dans notre comportement interne, comme société ou comme individu, peu importent les raisons, autant que je la vois chez d'autres, ici même en Amérique du Nord et tout autour de nous. Évidemment, tout ça demande d'être nuancé, c'est sûr!
Q.: Plusieurs dans la Communauté juive sont convaincus que même s'ils parlent français, cela ne fait pas d'eux des Québécois. Que pensez-vous de cette conviction?
R.: Mais ça, s'ils ont cette conviction-là, ils sont complètement à côté de la marque, ce n'est pas vrai. Mais ça, vous savez, la psychologie des gens, on n'y peut rien, mais c'est évident, quant à moi, qu'ils parlent français ou qu'ils parlent anglais - d'ailleurs, je me suis tué à le dire, je ne sais pas combien de fois - quelle que soit la langue qu'ils parlent, il est évident qu'ils sont mieux intégrés à l'ensemble de notre société et je pense aussi à son avenir, si au moins ils parlent français. Cela n'empèche pas de parler d'autres langues. Mais qu'ils parlent français ou qu'ils parlent anglais, qu'ils soient Juifs ou qu'ils soient d'origine ukrainienne, italienne, etc... c'est une société de groupes diversifiés le Québec, comme à peu près toutes les sociétés modernes et puis, si on a le droit de vote ici, qu'on paie ses taxes comme un bon citoyen et que l'on participe à la vie de la société, on est Québécois comme les autres et ça finit là quant à moi! Je ne comprends pas cette espèce de, comme on dit en anglais, de "hang up" qui traîne dans certains esprits. Mais, comme je vous le dis, la psychologie et ce que ça peut engendrer et surtout la propagande - parce qu'il y a une chose que je trouve triste mais qui est là comme ça, en anglais on appelle ça le “media leadership”, - je ne sais pas où il est le leadership du côté anglophone au Québec, il est diffus et en même temps extrêmement hostile à l'évolution du Québec français - et ça, écoutez, je lis comme tout le monde, j'ai eu l'avantage - je considère toujours comme un avantage d'apprendre l'anglais presqu'en venant au monde - alors je n'ai pas eu à travailler pour comprendre ce qui se passe, je le comprends de mon mieux, en dépit des "deux solitudes" qui sont terriblement là, peut-être plus que jamais - quand on est conditionné par ce que je vois de déformation et de propagande en fait constamment à sens unique, toujours méfiante du côté de tout ce que l'on peut lire en anglais ici au Québec, toujours méfiante vis-à-vis de quelque affirmation que ce soit du Québec français - qui est quand même le fondement national du peuple québécois : on n'y peut rien, c'est la réalité, c'est l'histoire qui nous l'a transmise et il n'y a pas de raison que l'on s'excuse d'exister à partir de là c'est évident que dans les psychologies, je reviens au cas que vous évoquez, dans certaines psychologies, ça déforme tout. Je connais des gens qui vous disent des choses invraisemblables sur ce qui se passe au Québec ou sur ce que nous représentons comme gouvernement; tu écoutes ça et tu dis est-ce qu'ils vivent dans la réalité ou est-ce qu'ils sont nourris uniquement de propagande?
Q.: Depuis les années 60, les gouvernements, surtout libéraux, qui vous ont précédé, ont toujours eu une espèce de représentation juive jusqu'au niveau ministériel. Comment palliez-vous à cette absence au sein de votre gouvernement?
R : J'essaie de garder les meilleures relations possibles. On a un groupe pas assez nombreux, hélas, mais ils ont beaucoup de mérites. Ce petit nombre qu'ils sont que les francophones pour qui c'est naturel, au sein de la diversité politique que représentent le Parti Québécois, le Parti Libéral et, quand elle existe, l'Union Nationale, ou le Crédit Social dans le temps... Du côté du Québec français, c'est une évolution qui se fait normalement. Du côté anglophone, enfin la partie qui est quelque peu braquée, c'est très difficile... On a quand même un certain nombre de gens des communautés ethniques, y compris un bon nombre de Juifs dont le plus connu probablement est le professeur Milner, qui sont actifs dans le Parti, qui nous gardent du mieux qu'ils peuvent les contacts avec leur milieu. Il y a également les relations qu'on essaie de maintenir régulièrement. Je me souviens que la première réunion que j'ai eue en 1976, qui était autre chose que simplement de commencer à s'ajuster au nouveau métier qui est celui du gouvernement, la première réunion que j'ai eue avec un groupe, c'était avec des représentants du Congrès Juif à Montréal. Tout de suite, nous avons eu à prendre connaissance du mieux possible du dossier, entre autres, des écoles. Je me souviens d'un témoignage de Victor Goldbloom dont je parlais tout à l'heure, que j'ai gardé précieusement, et qui disait en 1980 ou en 1979 : "Tout compte fait, en dépit de toutes les méfiances qu'il pouvait y avoir de chaque côté, en ce qui concerne un cas aussi sensible et stratégique que les écoles, entre autres, les relations entre le gouvernement actuel et la Communauté juive là-dessus sont meilleures qu'elles ne l'ont été depuis très longtemps. sous d'autres gouvernements." Mais quand tout ça est dans l'entonnoir de la propagande, ce n'est pas une nouvelle comme ça qui va faire beaucoup d'effets parce qu'on est conditionné à penser toutes sortes de choses plutôt négatives à notre endroit.
Q.: C'est dû à quoi, d'après-vous?
R.: C'est dû, je pense, à une image, à mon humble avis, déformée, un peu méprisante et qui va devoir disparaître de la société française du Québec, c'est-à-dire du groupe national majoritaire au Québec sur lequel c'est trop facile de dire quoi que ce soit et qui, souvent est caricatural en dépit des progrès qui ont été faits et du mérite que représentent ces progrès, parce que cela a pris une génération pour sortir du folklore et puis devenir quand même - on peut dire ça d'une façon un peu "humour noir" - assez moderne pour avoir les mêmes problèmes que les autres, n'importe où dans le monde. Cela est mal vu, très souvent déformé, et deuxièmement, derrière ça, il y a, à cause justement de cette vision tronquée, il y a aussi une espèce d'attachement souvent panique au régime fédéral tel que représenté par Ottawa. Alors, aussitôt qu'on a l'impression que le Québec pourrait s'en aller vers plus d'autonomie, ou éventuellement vers sa souveraineté, son indépendance, il y a une espèce de crispation. C'est comme si on était en danger de mort. Pourtant, moi, je crois que le Québec, fondamentalement français, est une société au moins aussi civilisée que ce qui nous entoure dans le reste du Canada et on en a des exemples tous les jours.
Q.: Est-ce que ça ne serait pas pour les Juifs une espèce de trahison d'appuyer votre mouvement vis-a-vis du Canada? Est-ce que ce ne serait pas pour eux trahir le Canada en vous appuyant?
R.: Tant que c'est démocratique, quelle trahison y a-t-il? L'évolution des sociétés, l'évolution des régimes, si ça se fait démocratiquement, quelle sorte de trahison on voit là-dedans? Ça dépend de la volonté populaire, de la volonté des citoyens. La source du pouvoir ce n'est pas les politiciens, ce sont les citoyens. Si un jour ils votent pour quelque chose dont le résultat serait un Québec souverain, qui s'appartiendrait, quelle sorte de trahison il y a là? On a eu cinq ou six régîmes depuis deux cents ans, qu'on en ait un autre qui soit peut-être mieux axé sur les perspectives d'avenir, ce serait non seulement bon pour le Québec mais, moi, je suis profondément convaincu, qu’à brève échéance, ce serait bon pour le Canada aussi. Ça simplifierait et ça clarifierait des choses qui sont, à mon humble avis, toutes tordues actuellement. Il y a une sorte de rupture, non seulement politique mais psychologique aussi, entre deux peuples qui sont fondamentalement deux nations au Canada et tant que cela n'aura pas été clarifié une fois pour toute, - et Dieu sait que ce n'est pas par les temps qui courent que ça va se clarifier - c'est sûr que tout le monde va patauger et c'est sûr que ceux qui se sentent un peu coincés, comme les minorités ethniques, les communautés culturelles, les Juifs comme les autres, se sentent mal à l'aise vis-à-vis tout ça. Cela, on n'y peut rien. On ne peut pas cesser d'exister, d'évoluer...
Q.: Malgré des invitations répétées, la Communauté juive n'a pas le plaisir de vous voir assister à ses propres grandes célébrations, en particulier à la fête de l'lndépendance d'lsraël. Quelle est votre position à l'égard de ce pays?
R.: À l'égard d'Israël? Je peux essayer de la résumer très sommairement. C'est un peu ce que résume le télégramme que j'avais envoyé au Premier ministre Begin - comme, je pense, tout le monde le fait normalement le jour de l'anniversaire d'lsraël - et qui disait en gros ceci : "Je profite de l'occasion pour vous transmettre, au nom du gouvernement et en mon nom personnel, nos voeux les meilleurs de bon anniversaire et aussi d'avenir prospère et pacifique pour Israël en espérant que les problèmes qui sont cruciaux dans toute la région et qui sont centrés autour d'lsraël puissent se régler par un règlement dont la façon équitable de le concevoir implique une reconnaissance concrète de l'existence aussi parallèle des Palestiniens". C'est à peu près le meilleur résumé que je puisse faire.
C'est assez drôle, d'ailleurs, M. Begin a fait envoyer une réponse et ça disait ceci : "Je vous remercie beaucoup - enfin les termes habituels, c'est très gentil, etc... - et pour ce qui est du problème que votre message appelle "palestinien" ... as far as the problem that your message calls "palestinians... quant à nous, c'est réglé". Bien ce n'est pas l'attitude qui, je pense, va amener des solutions durables. Mais c'était très savamment formulé.
Q.: C'est que pour les Palestiniens aussi il y a un problème israélien. Même si les Juifs, en majorité, ne sont pas des indépendantistes, ils se posent néanmoins la question à savoir quelle sera la politique d'un Québec indépendant à l'égard d’Israël?
R.: Ce serait à peu près... vous me demandez d'être très présomptueux... on n'est pas rendu là . . .
Q.: Est-ce qu'on aura une ambassade par exemple?
R.: Oui, il s'agira de savoir où la placer... Mais je pense que tel que je vois ça pour l'instant - puisque le Québec n'a pas à se prendre pour un autre - quand il émergera, ce sera un petit pays et une non-puissance. C'est-à-dire que c'est exactement l'équivalent du Canada, parce qu'à ce niveau-là, le Canada c'est une non-puissance aussi. Donc, le rôle qu'on peut jouer serait toujours très modeste. J'espère que ce sera le rôle d'un petit pays pacifique, justement et activement pacifique, et non pas purement passivement et qui, je crois, devrait prendre l'attitude que j'essayais de résumer tout à l'heure, c'est-à-dire d'essayer, autant que possible, de maintenir des relations convenables avec les éléments impliqués dans tout ce dossier invraisemblable du Proche-Orient. Israël compris, bien sûr.
Q.: Est-ce qu'un Québec indépendant encouragerait la Communauté juive à continuer à entretenir des liens intimes avec Israël?
R.: Non, ni encourager, ni décourager. Cela c'est le droit des gens de garder leurs racines et d'y tenir absolument. Je sais à quel point cela a déjà été écrit et c'est vrai : le jour où Israël est venu au monde, tous les Juifs, n'importe où dans le monde, ont grandi d'un pouce ou d'un pied, peu importe. Ils se sont sentis valorisés et c'est tellement compréhensif, je pense, que ça rejoint les problèmes que nous aussi on vit autrement, de façon moins dramatique, moins tragique, c'est sûr. Je crois que cet instinct-là est bon. Il peut créer à l'occasion des espèces de conflits d'intérêts mais ça c'est normal dans le monde d'aujourd'hui.
Je réponds à votre question : encourager non, décourager non plus. Chacun a droit - et c'est le droit fondamental de n'importe qui - non seulement de respecter ses racines mais d'y tenir mordicus quand il les sent menacées. Je pense que c'est un peu le phénomène qui joue toujours pour les Juifs de l'extérieur face à Israël et c'est normal.
Q.: Donc, un Québec indépendant serait sensible à cette solidarité que les Juifs du Québec ont avec Israël?
R.: Bien, c'est évident. Moi, ça me paraît aller de soi, c'est normal et comme je dis, à l'occasion, ça peut créer certains conflits d'intérêts... Écoutez, vous en avez eu un - parce que là on parle de vraie puissance - vous en avez eu un très évident en ce qui concerne ce qu'on pourrait appeler une sorte d'appartenance américaine quand on est américain : c'est toute l'histoire des Awaks, récemment. Il y avait à la fois une politique américaine et M. Begin qui vient pousser plutôt la négative et, inévitablement, il y a des Juifs qui devaient se sentir déchirés... Qu'est-ce que l'on fait? On a vu d'ailleurs les résultats. Ça dure pendant assez de semaines pour que tout le monde puisse voir que c'était dur à décanter, c'est normal, c'est inévitable.
Q. M. Lévesque, merci beaucoup.