Traité de Paris de 1763
Source: [1] et [2], p. 136-147
Au nom de la très sainte et indivisible Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Soit notoire à tous ceux, qu'il appartiendra ou peut appartenir, en manière quelconque.
Il a plu au Tout-Puissant de répandre l'esprit d'union et de concorde sur les princes, dont les divisions avaient porté le trouble dans les quatre parties du Monde et de leur inspirer le dessein de faire succéder les douceurs de la paix aux malheurs d'une longue et sanglante guerre, qui, après s'être élevée entre l'Angleterre et la France, pendant le règne du sérénissime et très puissant prince Georges II, par la grâce de Dieu roi de la Grande-Bretagne, de glorieuse mémoire, a été continuée sous le règne du sérénissime et très puissant prince Georges III, son successeur, et s'est communiquée dans ses progrès à l'Espagne et au Portugal; En conséquence, le sérénissime et très puissant prince Georges III, par la grâce de Dieu roi de la Grande-Bretagne, de France, et d'Irlande, duc de Brunswick et de Lunebourg, archi-trésorier et électeur du Saint-Empire romain; le sérénissime et très puissant prince, Louis XV, par la grâce de Dieu roi très chrétien — Et le sérénissime et très puissant prince Charles III, par la grâce de Dieu roi d'Espagne, et des Indes, après avoir posé les fondements de la paix dans les préliminaires signés le 3 novembre dernier à Fontainebleau; Et le sérénissime et très puissant prince Dom Joseph 1er par la grâce de Dieu roi de Portugal et des Algarves, après y avoir accédé; Ont résolu de consommer sans délai ce grand et important ouvrage; À cet effet les hautes parties contractantes ont nommé et constitué leurs ambassadeurs extraordinaires et ministres plénipotentiaires respectifs; Savoir, Sa sacrée Majesté le roi de la Grande-Bretagne, le très illustre et très excellent seigneur, Jean, duc et comte de Bedford, Marquis de Tavistock etc., son ministre d'État, lieutenant général de ses armées, garde de son sceau privé, chevalier du très noble ordre de la Jarretière, et son ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire près de Sa Majesté très chrétienne; Sa sacrée Majesté le roi très chrétien, le très illustre et très excellent seigneur, César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, pair de France, chevalier de ses ordres, lieutenant général de ses armées, et de la Province de Bretagne, conseiller en tous ses conseils, et ministre et secrétaire d'État, et de ses commandements et finances; Sa sacrée Majesté le roi catholique le très illustre et très excellent seigneur Dom Gerom Grimaldi, marquis de Grimaldi, chevalier des ordres du roi très chrétien, gentilhomme de la Chambre de Sa Majesté catholique avec exercice et son ambassadeur extraordinaire près de Sa Majesté très chrétienne; Sa sacrée Majesté le roi très fidèle, le très illustre et très excellent seigneur, Martin de Mello et Castro, chevalier profès de l'ordre de Christ, du conseil de Sa Majesté très fidèle, et son ambassadeur et ministre plénipotentiaire auprès de Sa Majesté très chrétienne; Lesquels, après s'être dument communiqué leurs plein pouvoirs en bonne forme (et dont les copies sont transcrites à la fin du présent traité de paix) sont convenus des articles, dont la teneur s'ensuit.
ARTICLE 1
Il y aura une paix chrétienne, universelle, et perpétuelle tant par mer que par terre, et une amitié sincère et constante sera rétablie entre leurs majestés britannique, très chrétienne, catholique, et très fidèle, et entre leurs héritiers, et successeurs, royaumes, états, provinces, pays, sujets, et vassaux, de quelque qualité et condition qu'ils soient, sans exception de lieux, ni de personnes, en sorte que les hautes parties contractantes apporteront la plus grande attention à maintenir entre elles et leurs dits états & sujets cette amitié et correspondance réciproque, sans permettre dorénavant, que de part ni d'autre on commette aucunes sortes d'hostilités par mer ou par terre, pour quelque cause ou sous quelque prétexte que ce puisse être; et on évitera soigneusement tout ce qui pourrait altérer à l'avenir l'union heureusement rétablie, s'attachant au contraire à se procurer réciproquement en toute occasion tout ce qui pourrait contribuer à leur gloire, intérêts, et avantages mutuels, sans donner aucun secours ou protection directement ou indirectement à ceux, qui voudraient porter quelque préjudice à l'une ou à l'autre des dites hautes parties contractantes. Il y aura un oubli général de tout ce qui a pu être fait ou commis avant ou depuis le commencement de la guerre, qui vient de finir.
ARTICLE 2
Les traités de Westphalie de 1648, ceux de Madrid entre les couronnes de la Grande-Bretagne et d'Espagne de 1667, et de 1670, les traités de Paix de Nimègue, de 1678, et de 1679, de Ryswick de 1697, ceux de paix et de commerce d'Utrecht de 1713, celui de Bade de 1714, le traité de la triple Alliance de La Haye de 1717, celui de la quadruple Alliance de Londres de 1718, le traité de Paix de Vienne de 1738, le Traité définitif d'Aix la Chapelle de 1748, et celui de Madrid entre les couronnes de la Grande-Bretagne, et d'Espagne de 1750, aussi bien que les traités entre les couronnes d'Espagne et de Portugal du 13 février 1678, du 6 février 1715, et du 12 février 1761, et celui du 11 avril 1713 entre la France et le Portugal, avec les garanties de la Grande-Bretagne; servent de base et de fondement à la paix, et au présent traité; et pour cet effet ils sont tous renouvelés et confirmés dans la meilleure forme, ainsi que tous les traités en général, qui subsistaient entre les hautes parties contractantes avant la guerre, et comme s'ils étaient insérés ici mot à mot, en sorte qu'ils devront être observés exactement à l'avenir dans toute leur teneur, et religieusement exécutés de part et d'autre dans tous leurs points, auxquels il n'est pas dérogé par le présent traité, nonobstant tout ce qui pourrait avoir été stipulé au contraire par aucune des hautes parties contractantes; Et toutes les dites parties déclarent, qu'elles ne permettront pas qu'il subsiste aucun privilège, grâce, ou indulgence contraires aux Traités ci-dessus confirmés, à l'exception de ce qui aura été accordé et stipulé par le présent traité.
ARTICLE 3
Tous les prisonniers faits de part et d'autre tant par terre que par mer, et les otages enlevés ou donnés, pendant la guerre, et jusqu'à ce jour, seront restitués sans rançon dans six semaines au plus tard, à compter du jour de l'échange de la ratification du présent traité, chaque couronne soldant respectivement les avances, qui auront été faites pour la subsistance et l'entretien de ces prisonniers par le souverain du pays, où ils auront été détenus, conformément aux reçus et états constatés et autres titres authentiques, qui seront fournis de part et d'autre. Et il sera donné réciproquement des suretés pour le payement des dettes, que les prisonniers auraient pu contracter dans les états, où ils auraient été détenus, jusqu'à leur entière liberté. — Et tous les vaisseaux, tant de guerre que marchands, qui auraient été pris depuis l'expiration des termes convenus pour la cessation des hostilités par mer, seront pareillement rendus de bonne foi, avec tous leurs équipages, et cargaisons; et on procédera à l'exécution de cet article immédiatement après l'échange des ratifications de ce traité.
ARTICLE 4
Sa Majesté très chrétienne renonce à toutes les prétentions, qu'elle a formées autrefois, ou pu former, à la Nouvelle-Écosse, ou l'Acadie, en toutes ses parties, et la garantit toute entière, et avec toutes ses dépendances, au roi de la Grande-Bretagne. De plus, Sa Majesté très chrétienne cède et garantit à Sa dite Majesté britannique, en toute propriété, le Canada avec toutes ses dépendances, ainsi que l'Île du Cap Breton, et toutes les autres Îles, et côtes, dans le golf et fleuve St-Laurent, et généralement tout ce qui dépend des dits pays, terres, îles, et côtes, avec la souveraineté, propriété, possession, et tous droits acquis par traité, ou autrement, que le roi très chrétien et la couronne de France ont eus jusqu'à présent sur les dits pays, îles, terres, lieux, côtes, et leurs habitants, ainsi que le roi très chrétien cède et transporte le tout au dit roi et à la couronne de la Grande-Bretagne, et cela de la manière et de la forme la plus ample, sans restriction, et sans qu'il soit libre de revenir sous aucun prétexte contre cette cession et garantie, ni de troubler la Grande-Bretagne dans les possessions sus-mentionnées. De son coté Sa Majesté britannique convient d'accorder aux habitants du Canada la liberté de la religion catholique; En conséquence elle donnera les ordres les plus précis et les plus effectifs, pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent professer le culte de leur religion selon le rite de l'Église romaine, en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne. - Sa Majesté britannique convient en outre, que les habitants français ou autres, qui auraient été sujets du roi très chrétien en Canada, pourront se retirer en toute sûreté et liberté, où bon leur semblera, et pourront vendre leurs biens, pourvu que ce soit à des sujets de Sa Majesté britannique, et transporter leurs effets, ainsi que leurs personnes, sans être gênés dans leur émigration, sous quelque prétexte que ce puisse être, hors celui de dettes ou de procès criminels; Le terme limité pour cette émigration sera fixé à l'espace de 18 mois, à compter du jour de l'échange des ratifications du présent traité.
ARTICLE 5
Les sujets de la France auront la liberté de la pêche, et de la sècherie, sur une partie des côtes de l'Île de Terre-Neuve, telle qu'elle est spécifiée par l'article 13 du Traité d'Utrecht, lequel article est renouvelé et confirmé par le présent traité, (à l'exception de ce qui regarde l'Île du Cap Breton, ainsi que les autres îles et côtes dans L'embouchure et dans le golfe St-Laurent). Et Sa Majesté britannique consent de laisser aux sujets du roi très chrétien la liberté de pêcher dans le golf St-Laurent, à condition que les sujets de la France n'exercent la dite pêche, qu'à la distance de trois lieues de toutes les côtes appartenantes à la Grande-Bretagne, soit celles du continent, soit celles des îles situées dans le dit golf St-Laurent. Et pour ce qui concerne la pêche sur les côtes de l'Île du Cap Breton hors du dit golf, il ne sera pas permis aux sujets du roi très chrétien d'exercer la dite pêche, qu'à la distance de quinze lieues des côtes de l'Île du Cap Breton; Et la pêche sur les côtes de la Nouvelle-Écosse, ou Acadie, et par tout ailleurs, hors du dit golf, restera sur le pied des traités antérieurs.
ARTICLE 6
Le roi de la Grande-Bretagne cède les îles de St-Pierre et de Miquelon, en toute propriété, à Sa Majesté très chrétienne, pour servir d'abri aux pêcheurs français; Et Sa dite Majesté très chrétienne s'oblige à ne point fortifier les dites îles, à n'y établir que des bâtiments civils pour la commodité de la pêche, et à n'y entretenir qu'une garde de 50 hommes pour la police.
ARTICLE 7
Afin de rétablir la paix sur des fondements solides et durables, et écarter pour jamais tout sujet de dispute par rapport aux limites des territoires britanniques et français sur le continent de l'Amérique, il est convenu, qu'à l'avenir les confins entre les états de Sa Majesté britannique et ceux de Sa Majesté très chrétienne en cette partie du monde, seront irrévocablement fixés par une ligne tirée au milieu du fleuve Mississippi depuis sa naissance jusqu'à la rivière d'Iberville, et de là par une ligne tirée au milieu de cette rivière et des lacs Maurepas et Pontchartrain jusqu'à la mer; et à cette fin le roi très chrétien cède, en toute propriété, et garantit à Sa Majesté britannique la rivière et le port de la Mobile, et tout de qu'il possède, ou a dû posséder, du coté gauche du fleuve Mississippi, à l'exception de la Ville de la Nouvelle-Orléans, et de l'île dans laquelle elle est située, qui demeureront à la France; Bien entendu, que la navigation du fleuve Mississippi sera également libre tant aux sujets de la Grande-Bretagne comme à ceux de la France, dans toute sa largeur, et toute son étendue, depuis sa source jusqu'à la mer, et nommément cette partie, qui est entre la susdite Île de la Nouvelle-Orléans et la rive droite de ce fleuve, aussi bien que l'entrée et la sortie par son embouchure. Il est de plus stipulé, que les bâtiments appartenant aux sujets de l'une ou de l'autre nation ne pourront être arrêtés, visités, ni assujettis au payement d'aucun droit quelconque. — Les stipulations insérées dans l'article 4 en faveur des habitants du Canada auront lieu de même pour les habitants des pays cédés par cet article.
ARTICLE 8
Le roi de la Grande-Bretagne restituera à la France les îles de la Guadeloupe, de Mariegalante, de la Désirade, de la Martinique, et de Belle-Ile; et les places de ces îles seront rendues dans le même état, où elles étaient, quand la conquête en a été faite par les armes britanniques; bien entendu, que les sujets de Sa Majesté britannique, qui se seraient établis, ou ceux qui auraient quelques affaires de commerce à régler dans les dites îles et autres endroits restitués à la France par le présent traité, auront la liberté de vendre leurs terres, et leurs biens, de régler leurs affaires, de recouvrer leurs dettes, et de transporter leurs effets, ainsi que leurs personnes, à bord des vaisseaux qu'il leur sera permis de faire venir aux dites îles, et autres endroits, restitués comme dessus, et qui ne serviront qu'à cet usage seulement, sans être gênés à cause de leur religion, ou sous quelqu'autre prétexte que ce puisse être hors celui de dettes ou de procès criminels. — Et pour cet effet le terme de 18 mois est accordé aux sujets de Sa Majesté britannique à compter du jour de l'échange des ratifications du présent traité. — Mais comme la liberté, accordée aux sujets de Sa Majesté britannique, de transporter leurs personnes et leurs effets sur des vaisseaux de leur nation pourrait être sujette à des abus, si l'on ne prenait la précaution de les prévenir, il a été convenu expressément, entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté très chrétienne, que le nombre des vaisseaux anglais, qui auront la liberté d'aller aux dites îles et lieux restitués à la France sera limité, ainsi que le nombre de tonneaux de chacun, qu'ils iront en lest, partiront dans un terme fixé, et ne feront qu'un seul voyage; tous les effets, appartenants aux Anglais, devant être embarqués en même temps. Il a été convenu en outre, que Sa Majesté très chrétienne fera donner les passeports nécessaires pour les dits vaisseaux; que, pour — plus grande sureté, il sera libre de mettre deux commis ou gardes Français sur chacun des dits vaisseaux, qui seront visités dans les atterrages et ports des dites îles, et lieux, restitués à la France; et que les marchandises, qui s'y pourront trouver, seront confisquées.
ARTICLE 9
Le roi très chrétien cède et garantit à Sa Majesté britannique, en toute propriété, les îles de la Grenade et des Grenadines, avec les mêmes stipulations en faveur des habitants de cette colonie, insérées dans l'article 4 pour ceux du Canada; Et le partage des îles, appelées neutres, est convenu et fixé de manière que celles de St-Vincent la Dominique, et Tabago, resteront, en toute propriété, à la Grande-Bretagne, et que celle de St-Lucie sera remise à la France pour en jouir, pareillement en toute propriété. — Et les hautes parties contractantes garantissent le partage ainsi stipulé.
ARTICLE 10
Sa Majesté britannique restituera à la France l'Île de Gorée, dans l'état, où elle s'est trouvée, quand elle a été conquise; Et Sa Majesté très chrétienne cède, en toute propriété, et garantit au roi de la Grande-Bretagne la rivière de Sénégal, avec les forts et comptoirs de St-Louis, de Podor, et de Galam, et avec tous les droits & dépendances de la dite rivière de Sénégal.
ARTICLE 11
Dans les Indes orientales la Grande-Bretagne restituera à la France, dans l'état où ils sont aujourd'hui, les différents comptoirs, que cette couronne possédait tant sur la côte de Choromandel et d'Orixa, que sur celle de Malabar, ainsi que dans le Bengale, au commencement de l'année 1749; Et Sa Majesté très chrétienne renonce à toute prétention aux acquisitions, qu'elle avait faites sur la côte de Choromandel, et d'Orixa, depuis le dit commencement de l'année 1749. — Sa Majesté très chrétienne restituera, de son Coté, tout ce qu'elle pourrait avoir conquis sur la Grande-Bretagne dans les Indes orientales pendant la présente guerre, et fera restituer nommément Natal et Tapanouly dans l'Île de Sumatra. Elle s'engage de plus à ne point ériger de fortifications, et à ne point entretenir de troupes dans aucune partie des états du Subah de Bengale. — Et afin de conserver la paix future sur la côte de Choromandel et d'Orixa, les Anglais et les Français reconnaitront Mahomet Ali Khan pour légitime Nabob du Carnate, et Salabat Jing pour légitime Subah de Decan; Et les deux parties renonceront à toute demande ou prétention de satisfaction qu'elles pourraient former à la charge, l'une de l'autre, ou à celle de leurs alliés indiens pour les déprédations ou dégâts commis soit d'un côté, soit de l'autre pendant la guerre.
ARTICLE 12
L'Île de Minorque sera restituée à Sa Majesté Britannique, ainsi que le Fort St-Philippe, dans le même état où ils se sont trouvés, lorsque la conquête en a été faite par les armes du roi très chrétien, et avec l'artillerie, qui y était lors de la prise de la dite île et du dit fort.
ARTICLE 13
La ville et le port de Dunkerque seront mis dans l'état fixé par le dernier Traité d'Aix la Chapelle, et par les traités antérieurs; — La cunette sera détruite immédiatement après l'échange des ratifications du présent traité, ainsi que les forts et batteries, qui défendent l'entrée du coté de la mer; Et il sera pourvu en même temps à la salubrité de l'air et à la santé des habitants par quelqu'autre moyen à la satisfaction du roi de la Grande-Bretagne.
ARTICLE 14
La France restituera tous les pays, appartenants à l'électorat d'Hanovre, au landgrave de Hesse, au duc de Brunswick, et au comte de la Lippe Buckebourg, qui se trouvent, ou se trouveront, occupés par les armes de Sa Majesté très chrétienne; Les places de ces différents pays seront rendues dans le même état où elles étaient, quand la conquête en a été faite par les armes françaises; Et les pièces d'artillerie, qui auront été transportées ailleurs, seront remplacées par le même nombre de même calibre, poids, et métal.
ARTICLE 15
En cas que les stipulations, contenues dans l'article 13, des préliminaires ne fussent pas accomplies lors de la signature du présent traité, tant par rapport aux évacuations à faire par les armées de la France des places de Cleves, de Wesel, de Gueldres, et de tous les pays, appartenants au roi de Prusse, que par rapport aux évacuations à faire par les armées britannique et française des pays, qu'elles occupent en Westphalie, Basse-Saxe, sur le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, et dans tout l'Empire, et à la retraite des troupes dans les états de leurs souverains respectifs, leurs Majestés britannique et très chrétienne promettent de procéder de bonne foi, avec toute la promptitude que le cas pourra permettre, aux dites évacuations, dont ils stipulent l'accomplissement parfait avant le 15 de mars prochain, ou plutôt, si faire se peut. — Et leurs Majestés britannique et très chrétienne s'engagent de plus, et se promettent, de ne fournir aucun secours, dans aucun genre, à leurs alliés respectifs, qui resteront engagés dans la guerre d'Allemagne.
ARTICLE 16
La décision des prises, faites en temps de paix par les sujets de la Grande-Bretagne sur les Espagnols, sera remise aux Cours de justice de l'Amirauté de la Grande-Bretagne, conformément aux règles établies parmi toutes les nations, de sorte que la validité des dites prises entre les nations britannique et espagnole sera décidée et jugée, selon le droit des gens, et selon les traités, dans les Cours de justice de la nation, qui aura fait la capture.
ARTICLE 17
Sa Majesté britannique fera démolir toutes les fortifications, que ses sujets pourront avoir érigées dans la Baie de Honduras, et autres lieux du territoire de l'Espagne dans cette partie du monde, quatre mois après la ratification du présent traité; Et Sa Majesté catholique ne permettra point, que les sujets de Sa Majesté britannique, ou leurs ouvriers, soient inquiétés ou molestés sous aucun prétexte que ce soit, dans les dits lieux, dans leur occupation de couper, charger, et transporter, le bois de teinture ou de campêche; Et pour cet effet ils pourront bâtir, sans empêchement, et occuper sans interruption, les maisons et les magasins, qui sont nécessaires pour eux, pour leurs familles, et pour leurs effets; Et Sa Majesté catholique leur assure par cet article l'entière jouissance de ces avantages, et facultés sur les côtes et territoires espagnols, comme il est stipulé ci-dessus, immédiatement après la ratification du présent traité.
ARTICLE 18
Sa Majesté catholique se désiste, tant pour elle que pour ses successeurs, de toute prétention, qu'elle peut avoir formée en faveur des Guipuscoans et autres de ses sujets au droit de pêcher aux environs de l'Île de Terre-Neuve.
ARTICLE 19
Le roi de la Grande-Bretagne restituera à l'Espagne tout le territoire qu'il a conquis dans l'Île de Cuba, avec la Place de la Havane; Et cette place, aussi bien que toutes les autres places de la dite île, seront rendues dans le même état, où elles étaient, quand elles ont été conquises par les armes de Sa Majesté britannique: Bien entendu, que les sujets de Sa Majesté britannique, qui se seraient établis, ou ceux qui auraient quelques affaires de commerce à régler, dans la dite île, restituée à l'Espagne par le présent traité, auront la liberté de vendre leurs terres, et leurs biens, de régler leurs affaires, de recouvrer leurs dettes, et de transporter leurs effets ainsi que leurs personnes à bord des vaisseaux, qu'il leur sera permis de faire venir à la dite île, restituée comme dessus, et qui ne serviront qu'à cet usage seulement, sans être gênés à cause de leur religion, ou sous quelqu'autre prétexte que ce puisse être, hors celui de dettes ou de procès criminels; Et pour cet effet le terme de dix huit mois est accordé aux sujets de Sa Majesté britannique, à compter du jour de l'échange des ratifications du présent Traité. — Mais comme la liberté, accordée aux sujets de Sa Majesté britannique de transporter leurs personnes et leurs effets sur des vaisseaux de leur nation, pourrait être sujette à des abus, si l'on ne prenait la précaution de les prévenir, il a été convenu expressément entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté catholique, que le nombre des vaisseaux anglais, qui auront la liberté d'aller à la dite île restituée à l'Espagne, sera limité, ainsi que le nombre de tonneaux de chacun, qu'ils iront en lest, partiront dans un terme fixé, et ne feront qu'un seul voyage; Tous les effets, appartenants aux anglais, devant être embarqués en même temps. — Il a été convenu en outre, que Sa Majesté catholique fera donner les passeports nécessaires pour les dits vaisseaux; que, pour plus grande sureté, il sera libre de mettre deux commis ou gardes espagnols sur chacun des dits vaisseaux, qui seront visités dans les atterrages et ports de la dite île restituée à l'Espagne et que les marchandises, qui s'y pourront trouver, seront confisquées.
ARTICLE 20
En conséquence de la restitution stipulée dans l'article précédent, Sa Majesté Catholique cède et garantit, en tout propriété, à Sa Majesté britannique, la Floride, avec le Fort de St-Augustin, et la Baie de Pensacola, ainsi que tout ce que l'Espagne possède sur le continent de l'Amérique septentrionale, à l'Est, ou au Sud-Est, du fleuve Mississippi, et généralement tout ce qui dépend des dits pays et terres, avec la souveraineté, propriété, possession, et tous droits acquis par traité ou autrement, que le roi catholique et la couronne d'Espagne, ont eus jusqu'à présent sur les dits pays, terres, lieux, et leurs habitants; Ainsi que le roi catholique cède et transporte le tout au dit roi et à la couronne de la Grande-Bretagne, et cela de la manière et de la forme la plus ample; Sa Majesté britannique convient de son côté d'accorder aux habitants des pays ci-dessus cédés la liberté de la religion catholique; En conséquence elle donnera les ordres les plus exprès et les plus effectifs, pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent professer le culte de leur religion selon le rite de l'Église romaine, en tant que le permettent les lois de la Grande Bretagne: Sa Majesté britannique convient en outre, que les habitants espagnols, ou autres qui auraient été sujets du roi catholique, dans les dits pays, pourront se retirer en toute sureté et liberté, où bon leur semblera et pourront vendre leurs biens, pourvu que ce soit à des sujets de Sa Majesté britannique, et transporter leurs effets, ainsi que leurs personnes, sans être gênés dans leur émigration, sous quelque prétexte que ce puisse être, hors celui de dettes ou de procès criminels; Le terme, limité pour cette émigration, étant fixé à l'espace de 18 mois, à compter du jour de l'échange des ratifications du présent traité. — Il est de plus stipulé, que Sa Majesté catholique aura la faculté de faire transporter tous les effets, qui peuvent lui appartenir, soit artillerie, ou autres.
ARTICLE 21
Les troupes françaises et espagnoles évacueront tous les territoires, campagnes, villes, places, et châteaux, de Sa Majesté très fidèle, en Europe, sans réserve aucune, qui pourront avoir été conquis par les armées de France et d'Espagne, et les rendront dans le même état où ils étaient, quand la conquête en a été faite, avec la même artillerie, et les munitions de guerre, qu'on y a trouvées; Et à l'égard des colonies portugaises, en Amérique, Afrique, ou dans les Indes orientales, s'il y était arrivé quelque changement, toutes choses seront remises sur le même pied, où elles étaient, et en conformité des traités précédents, qui subsistaient entre les cours de France, d'Espagne, et de Portugal, avant la présente guerre.
ARTICLE 22
Tous les papiers, lettres, documents et archives, qui se sont trouvés dans les pays, terres, villes, et places, qui sont restitués, et ceux appartenants aux pays cédés, seront délivrés, ou fournis, respectivement, et de bonne foi, dans le même temps, s'il est possible, de la prise de possession, ou au plus tard, quatre mois après l'échange des ratifications du présent traité, en quelque lieu que les dits papiers ou documents puissent se trouver.
ARTICLE 23
Tous les pays, et territoires, qui pourraient avoir été conquis, dans quelque partie du monde que ce soit, par les armes de leurs Majestés britannique et très fidèle, ainsi que par celles de leurs Majestés très chrétienne et catholique, qui ne sont pas compris dans le présent traité, ni à titre de cessions, ni a titre de restitutions, seront rendus sans difficulté, et sans exiger de compensation.
ARTICLE 24
Comme il est nécessaire de designer une époque fixe pour les restitutions et les évacuations à faire, par chacune des hautes parties contractantes, il est convenu que les troupes britanniques et françaises complèteront, avant le 15 de mars prochain, tout ce qui restera à exécuter des articles 12 et 13 des préliminaires, signés le 3 jour de novembre passé, par rapport à l'évacuation à faire dans l'Empire, ou ailleurs.
— L'Île de Belle-Île sera évacuée six semaines après l'échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut.
— La Guadeloupe, la Désirade, Marie-Galante, la Martinique, et Ste-Lucie, trois mois après l'échange des ratifications du présent traité, ou plutôt, si faire se peut.
— La Grande-Bretagne entrera pareillement au bout de trois mois après l'échange de ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut, en possession de la rivière et du port de la Mobile, et de tout ce qui doit former les limites du territoire de la Grande-Bretagne du côté du fleuve de Mississippi, telles qu'elles sont spécifiées dans l'article 7.
— L'Île de Gorée sera évacuée par la Grande-Bretagne trois mois après l'échange des ratifications du présent traité;
— Et L'Île de Minorque par la France à la même époque, ou plutôt si faire se peut;
— Et, selon les conditions de l'article 6, la France entrera de même en possession des îles de St-Pierre et de Miquelon, au bout de trois mois après l'échange des ratifications du présent traité.
— Les comptoirs aux Indes orientales seront rendus six mois après l'échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut.
— La Place de la Havane avec tout ce qui a été conquis dans l'Île de Cuba, sera restituée trois mois après l'échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut; Et en même temps la Grande-Bretagne entrera en possession du pays cédé par l'Espagne selon l'article 20.
— Toutes les places et pays de Sa Majesté très fidèle en Europe seront restitués immédiatement après l'échange des ratifications du présent traité; Et les colonies portugaises, qui pourront avoir été conquises, seront restituées dans l'espace de trois mois dans les Indes occidentales, et de six mois dans les Indes orientales, après l'échange des ratifications du présent traité, ou plutôt si faire se peut.
— Toutes les places, dont la restitution est stipulée ci-dessus, seront rendues avec l'artillerie, et les munitions, qui s'y sont trouvées lors de la conquête.
— En conséquence de quoi les ordres nécessaires seront envoyés par chacune des hautes parties contractantes avec les passeports réciproques pour les vaisseaux, qui les porteront, immédiatement après l'échange des ratifications du présent traité.
ARTICLE 25
Sa Majesté britannique, en sa qualité d'électeur de Brunswick-Lunebourg, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs, et tous les états et possessions de Sa Majesté en Allemagne sont compris et garantis par le présent traité de paix.
ARTICLE 26
Leurs sacrées Majestés, britannique, très chrétienne, catholique, et très fidèle, promettent d'observer sincèrement et de bonne foi tous les articles, contenus et établis dans le présent traité; Et elles ne souffriront pas, qu'il y soit fait de contravention directe ou indirecte par leurs sujets respectifs; Et les susdites hautes parties contractantes se garantissent généralement et réciproquement toutes les stipulations du présent traité.
ARTICLE 27
Les ratifications solennelles du présent traité, expédiées en bonne et due forme, seront échangées, en cette Ville de Paris, entre les hautes parties contractantes dans l'espace d'un mois, ou plutôt s'il est possible, à compter du jour de la signature du présent traité.
En foi de quoi nous soussignés, leurs ambassadeurs extraordinaires et ministres plénipotentiaires avons signé de notre main, en leur nom, et en vertu de nos plein pouvoirs, le présent traité définitif, et y avons fait apposer le cachet de nos armes.
Fait à Paris le 10 de février 1763.
Bedford C.P.S.
Choiseul duc de Praslin.
el Marqs de Grimaldi.
ARTICLE SÉPARÉ 1
Quelques uns des titres, employés par les puissances contractantes, soit dans les plein pouvoirs, et autres actes, pendant le cours de la négociation, soit dans le préambule du présent traité, n'étant pas généralement reconnus, il a été convenu, qu'il ne pourrait jamais en résulter aucun préjudice pour aucune des dites parties contractantes, et que les titres, pris ou omis, de part et d'autre, à l'occasion de la dite négociation, et du présent traité ne pourront être cités ni tirés à conséquence.
ARTICLE SÉPARÉ 2
Il a été convenu et arrêté que la langue française, employée dans tous les exemplaires du présent traité, ne formera point un exemple, qui puisse être allégué, ni tiré à conséquence, ni porter préjudice, en aucune manière, à aucune des puissances contractantes; Et que l'on se conformera, à l'avenir, à ce qui a été observé, et doit être observé, à l'égard, et de la part, des puissances, qui sont en usage, et en possession, de donner, et de recevoir, des exemplaires, de semblables traités, en une autre langue que la française.
— Le présent traité ne laissant pas d'avoir la même force et vertu, que si le susdit usage y avait été observé.
Fait à Paris le 10 de février 1763.
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