Les Québécois sont des Flamands!
Quand j'ai quitté ma Belgique natale et que je suis arrivé la première fois à l'aéroport international de Montréal, un soir de tempête de neige du siècle, j'avais en tête tous les clichés: la cabane, les tabernacles, les castors, la police montée, le blizzard comme dans Lucky Luke, les trapeurs et les chemises à carreaux.
J'avais laissé derrière moi Bruxelles, les moules, les frites et la tendre guerre entre les Flamands et les Wallons, pour venir m'installer au Canada, terre de vos aïeux, des grands espaces, de la charte des droits et libertés et des casques bleus. Je ne m'attendais certainement pas à vivre une réplique du complexe linguistique belge qui me donnait envie, chaque matin, de jeter mon radio-réveil par la fenêtre.
Il m'a suffit de fréquenter quelques francophones avec la fleur de lys tatouée à la place du CH, de travailler avec Ze Rest Of Canada et de zapper la télé pour comprendre. Le Québec, ce n'est pas le Canada. Montréal, ce n'est pas Toronto. Et les Québécois... ce sont des genres de Flamands.
Les uns baignent ici dans un océan d'anglitude. Les autres, là-bas, sont ceinturés au sud par une mer de francophones, au nord par des hordes scandinaves, à l'est par de solides Germains et, à l'ouest, par la mer du Nord pour dernier terrain vague. En me penchant sur l'histoire du Québec, je découvrais, à mon grand désarroi, plus de similitudes avec celle de la Flandre qu'avec celle de la Wallonie.
Fuck ! Ces ressemblances entre deux peuples si différents allaient-elles me permettre de comprendre ce que je n'avais pas compris, une fois?
Comme les Flamands, les Québécois ont été dominés par une classe politique et économique qui parlait une autre langue que celle du peuple. Les patrons des usines de Bruges, de Gant ou de Bruxelles maniaient avec élégance la langue de Molière alors que ceux de Pointe Saint-Charles, d'Arvida ou de Gaspé ne connaissaient que celle de Margaret Atwood même si celle-ci n'était pas encore née.
Criss ! Je ne vais tout de même pas commencer à plaindre les Flamands que j'ai détesté toute ma vie. Les ouvriers flamands qui devaient s'adresser en français à leurs contremaîtres ont commencé dès la fin du XIXe siècle à s'insurger contre cette injustice linguistique. On se serait cru dans le Québec des années 1960, mais un siècle plus tôt. À une époque où René Lévesque n'était pas encore un boulevard, la défense du prolétariat ainsi que la lutte contre l'injustice sociale et pour l'égalité en Belgique annonçait la montée inéluctable du mouvement nationaliste flamand.
Godverdoeme ! Je suis en train d'expliquer la cause du Bloc Québécois en prenant exemple sur celle du Vlaamse Blok (sic).
La Flandre a fini par avoir son parlement, son drapeau, son gouvernement, sa capitale, ses lois... Et ne me demandez pas d'expliquer la situation politique actuelle et encore moins celle à venir, même le roi des Belges ne pourrait pas.
Aujourd'hui, en Belgique, des deux côtés de la frontière linguistique, il y a des parkings, des shopping centers, des car-wash, des drive-in et pour que les « deux peuples fondateurs », comme on dirait à Ottawa, se comprennent, on parle anglais. Les Flamands, quant à eux, baragouinent entre eux un néerlandais appauvri émaillé d'english et d'expressions francophones. En les entendant, je pense aux Québécois perdus sur quelques arpents de neige. Et je comprends maintenant pourquoi les Flamands veulent eux aussi défendre leur patrimoine, leur culture et leur identité.
Tabernacle de Rogntudju ! C'est difficile à admettre quand on est wallon.