Déclaration fondatrice du Réseau mondial sur les droits collectifs des peuples

De La Bibliothèque indépendantiste
Aller à la navigation Aller à la recherche


Déclaration fondatrice
Gérone, 26 avril 2010




Source: [1][2]



En tant que participants du « Forum mondial pour les droits collectifs des peuples », nous espérons que le Réseau dont nous prenons l’initiative aujourd’hui à travers la présente déclaration constitue avant tout, pour l’avenir, un lieu de rencontre entre tous les peuples du monde, qu’ils soient reconnus ou non. Nous souhaiterions que ce forum constitue une avancée pour l’humanité, avec pour objectif le respect de tous les peuples, de leur entité et de leur dignité, sans exception et en toute égalité.

La reconnaissance des droits collectifs : une notion incontestable

Nous sommes conscients que de nombreuses personnes ne partagent pas ces attentes. Nous pensons à ceux qui ne croient pas en l’existence réelle des droits collectifs des peuples et qui affirment que leur défense ne constitue en aucun cas un modèle pour tous ; à ceux qui pensent que la défense des droits collectifs des peuples dévalorise les droits de l’homme individuels car ce sont, selon eux, les seuls droits acceptés et reconnus par les instances internationales les plus représentatives, dont l’ONU. On compte même parmi les opposants des droits collectifs des peuples, des personnes dont les positions progressistes pour la défense des droits de l’homme sont incontestables.

Un long chemin vers la reconnaissance des droits collectifs des peuples

Malgré toutes ces objections, le niveau d’acceptation et de compréhension des droits collectifs des peuples a énormément évolué au cours de ces dernières années. L’ONU en est devenue la garante en les mentionnant explicitement dans la « Déclaration sur les droits des peuples autochtones », adoptée en 2007. Cette déclaration représente l’aboutissement de la lutte en faveur de la dimension collective des droits de l’homme ayant débuté par une série de conventions économiques, sociales et culturelles promulguées dans les années 60, même si elles ne mentionnaient pas clairement les droits collectifs. Toutefois, la formulation et la définition de cette déclaration sont loin d’être satisfaisantes, car elles donnent lieu à des interprétations arbitraires, notamment en ce qui concerne le droit collectif le plus fondamental : le droit à l’autodétermination.

Le respect de ce droit dépend en effet des instances internationales, qui décident des critères qui définissent certaines communautés en tant que peuples, quoique aucune définition du terme « peuple » ne soit pas encore reconnue de manière unique et universelle.

Ces lacunes indiquent clairement qu’il reste encore un long et difficile chemin à parcourir avant que les droits collectifs des peuples apparaissent en tête de liste des valeurs de l’humanité et soient considérés comme des droits essentiels à la construction d’une cohabitation démocratique, juste et pacifique.

L’histoire, y compris contemporaine, et même l’actualité montrent que la négation de l’existence des peuples et de leur culture propre, la limitation de leurs choix et les traitements discriminatoire dont ils ont été ou sont encore victimes, a été de tout temps et est encore, source de conflits, de violences, de négation des droits de l’homme, pouvant aller jusqu’aux pratiques génocidaires.

Nous affirmons en conséquence que l’égalité de reconnaissance et de droits pour tous les peuples dans le concert de l’humanité est l’une des conditions fondamentales de la paix dans le Monde. Nous voulons être acteurs de cette démarche majeure pour la Paix.

Nous savons que pour réussir ce pari, nous devons, en tant que membres de peuples non reconnus, nous positionner en faveur de la libération des peuples afin de nous convertir en pionniers, mais aussi en intermédiaires et médiateurs pour l’élaboration d’un réseau d’unions et de coopération entre toutes les personnes soucieuses des droits de l’homme. Les précédents dans ce domaine représentent pour nous une source de motivation et de soutien pour l’accomplissement de cette tâche. En effet, il est important de rappeler, en premier lieu, que des représentants de plusieurs nations sans état, en particulier des nations autochtones d’Amérique, ont réussi à introduire dans l’agenda du Forum social mondial de 2009 (qui a eu lieu à Belém, dans l’état de Pará, sur les terres des peuples indigènes du Brésil) la question des droits collectifs des peuples comme sujet essentiel pour la construction d’un autre monde. Ce succès a permis d’attirer de nombreuses personnes qui se sentaient jusqu’alors désintéressées ou étrangères à ces droits, qui leur semblaient secondaires par rapport à tous les autres problèmes qui touchent l’humanité. Les propositions qui sont apparues lors de cette session du Forum social mondial (en particulier lors de l’événement intitulé Espace pour les droits collectifs des peuples) ont été inspirées par la « Déclaration sur les droits collectifs des peuples », écrite par des experts du monde entier et diffusée par la CONSEU (Conférence sur les nations sans état d’Europe) en 1990. La « Déclaration universelle sur les droits des peuples autochtones » a permis de défendre les arguments cités.

Les droits collectifs des peuples comme fondement d’un monde plus juste

De ces initiatives est née la conviction, de plus en plus répandue, que c’est en respectant les droits collectifs des peuples que nous arriverons à respecter les droits de l’homme individuels, et non l’inverse. En effet, si les droits d’un peuple ne sont pas respectés à l’égal des autres peuples (en particulier le droit à l’autodétermination et à la souveraineté), les droits individuels des membres de ce peuple deviennent par conséquent limités : leur langue sera dévalorisée, la défense de leur culture ne sera pas prioritaire, la présence de leur peuple sur la scène internationale sera réduite, etc.

De ce point de vue, les droits collectifs des peuples apparaissent comme une condition nécessaire pour rendre le monde plus humain, dans le cadre de l’altermondialisme apparu dans le contexte de la mondialisation, de la crise des civilisations et de l’affirmation des valeurs qui permettront de convertir une utopie en réalité : la possibilité d’envisager un monde différent.

Malgré ces faits et ces constatations, il est évident que l’humanité ne dispose pas des moyens suffisants pour défendre la cause des droits collectifs des peuples, bien qu’ils soient essentiels à la construction d’une démocratie et d’une cohabitation assurant un futur pour tout le monde, sans aucune frontière.

Pour participer à la création de ces moyens fondamentaux, notre groupe, formé de personnes et organisations appartenant à des nations sans état, a décidé d’instaurer un « Réseau pour les droits collectifs des peuples » fondé à Gérone, ville historique du peuple catalan. Nous nous engageons à travailler dans le but de rassembler progressivement le plus grand nombre de personnes et de peuples.

Identité et objectifs

Le Réseau mondial pour les droits collectifs des peuples est un espace commun regroupant les mouvements et les organisations du monde entier qui agissent pour la reconnaissance, la promotion et la mise en œuvre de ces droits.

Il s’agit d’un espace ouvert aux associations, aux organisations, aux mouvements sociaux, syndicaux et politiques dont la priorité est de promouvoir et de défendre démocratiquement les droits collectifs des peuples ainsi que leur droit à l’autodétermination.

Ce réseau est apparu dans le cadre du Forum social mondial (FSM), lors de l’édition 2009, à Belém. C’est pourquoi le Réseau mondial pour les droits collectifs des peuples s’inscrit dans la démarche et intègre les principes exposés dans la Charte du FSM, qui en est devenue l’une des références principales. Le Réseau participe activement au FSM et apporte des sujets de débats et des propositions, conjointement avec les autres mouvements et groupes de défense qui en font également partie.

Le Réseau, s’organisera et travaillera partout dans le monde pour :

  • la coordination et l’articulation des acteurs sociaux et politiques internationaux qui travaillent en faveur des droits collectifs des peuples ;
  • la légitimation des droits collectifs des peuples dont l’existence n’est pas pleinement reconnue dans l’ordre juridique international public ;
  • la reconnaissance du droit à l’autodétermination au-delà des territoires reconnus comme étant des colonies par les Nations Unies, pour l’étendre à tous les peuples qui souhaitent exercer démocratiquement leur droit de décider ;
  • la défense pour la reconnaissance des droits collectifs des peuples au sein des institutions et des organismes internationaux, en particulier aux Nations Unies ;
  • le soutien aux mouvements et aux organisations qui luttent pour leurs droits collectifs partout dans le monde ;
  • la recherche et l’application de modèles démocratiques et de formes politiques d’organisation de la société, qui dépassent les limitations de l’actuel modèle étatique, pour être plus inclusives, participatives, respectueuses de la diversité et des droits de l’homme individuels et collectifs dans le but de construire des sociétés plus démocratiques, justes et durables ;
  • la défense (face à tous les types d’agressions) du territoire, des langues et des cultures et des biens naturels, en tant que patrimoine de l’humanité et éléments essentiels à l’existence des peuples ;
  • la dénonciation de toute forme de répression allant à l’encontre de la défense légitime et de la cause des droits collectifs des peuples.

Organisation

Pour atteindre ces objectifs, l’organisation du Réseau mondial des droits collectifs des peuples s’articulera autour des composants suivants :

Une assemblée générale qui aura lieu tous les deux ans, avec la participation de tous les membres afin de débattre et de définir l’agenda politique et l’organisation du réseau.

Des groupes de travail, approuvés par l’assemblée générale, pour développer les débats, les initiatives et autres activités spécifiques. Ces groupes de travail se présenteront sous deux formes : des groupes thématiques et des groupes par type d’organisation. Le deuxième type pourra inclure : des associations, des syndicats et des mouvements politiques.

Chaque groupe disposera d’une équipe organisatrice chargée de la coordination sur une période d’un an (pouvant être prolongée d’un mois maximum).

Un groupe d’orientation formé des organisations coordinatrices des groupes de travail et du secrétariat international.

Un service de secrétariat international chargé des fonctions générales de coordination et de dynamisation.

Agenda

Pour la période 2010-2011, le Réseau mondial pour les droits collectifs des peuples entreprendra les activités suivantes :

  • Convoquer et organiser la Deuxième assemblée générale
  • Légitimation du Réseau en tant qu’association internationale
  • Demande d’entrée au conseil international du FSM (Forum social mondial)
  • Participation au processus de crise de civilisation et de paradigmes alternatifs dans le cadre du FSM
  • Organisation d’un espace pour les droits collectifs des peuples lors du FSM 2011 à Dakar
  • Développement des moyens de communication électroniques nécessaires au fonctionnement interne de l’organisation et à la communication externe.
  • Organisation d’une rencontre publique décentralisée pour la défense des droits collectifs des peuples autour du 12 octobre de chaque année.
  • Démarches pour participer à tout rencontre pour défendre les droits collectifs des peuples au sein de l’ONU.
  • Structuration d’un groupe de travail de juristes formé et organisé pour assister les organisations et groupes des nations sans état dans la mise en œuvre des recours pertinents devant les structures et instances internationales de contrôle du respect des droits des peuples figurant dans les normes internationales existantes ou de sanction des manquements à ces mêmes droits.